Qui a dit que la modernité rendait amnésique? La visite du Président russe, Dimitri Medvedev, en Algérie, a été l'occasion pour les deux nations de renouer avec leurs traditions diplomatiques et idéologiques de jadis. Le caractère «stratégique» des relations bilatérales moult fois réitéré par le Président russe, lors de sa brève intervention, devant la presse est très révélateur…En effet, la visite de Medvedev, suivie par le forum d'affaires algéro-russe a été porteuse d'acquis importants pour les deux Nations, autant sur le plan économique que sur le plan politique. Ni immobilisme, ni chaos : voilà désormais la nouvelle donne des relations entre les deux pays, après une période tiède qui a duré plus de deux décennies. Les observateurs donnaient la Russie comme un pays d'oligarques pragmatiques et sans scrupules qui diffèrent absolument et sur tous les plans de leurs prédécesseurs idéologues et universalistes. Cependant, le redressement de la Russie, enclenché avec l'avènement de l'homme providentiel, Vladimir Poutine, est en train de sortir ce pays du marasme des années prodigues qui ont supplanté l'ère communiste. En effet, si la Russie perdu de son hégémonie et de sa force au temps de l'Union soviétique, elle demeure aujourd'hui une des 10 économies les plus importantes au niveau international (en 2007, 8° rang), avec des ressources naturelles importantes, une population de plus de 140 millions d'habitants, des compétences scientifiques et techniques parmi les plus avancées du monde, et une croissance économique forte depuis l'année 1999.Dans cet ordre d'idées, les Russes veulent avoir une place de marque dans le Monde. Dans ce nouvel ordre mondial…moribond par les faiseurs de crises, il devient essentiel de trouver les bonnes volontés, les bonnes stratégies entre les pays. C'est dans cette optique que les relations algéro-russes pourront se raffermir et donner naissance à des alliances de poids. Il n'y a qu'à lire la déclaration commune algéro-russe qui a été publiée à l'issue de la visite officielle effectuée ce mercredi à Alger par le président de la Fédération de Russie. Cette déclaration se veut exhaustive, touchant à tous les secteurs économiques et toutes les questions politiques régionales et mondiales. En somme, cinq mémorandums d'entente et un accord de coopération ont été signés. La Déclaration sur le Partenariat stratégique signée le 4 avril 2001 à Moscou a trouvé toutes ses ambitions et tous ses attraits. Les deux pays se disent «convaincus que les transformations actuelles dans le monde, liées notamment aux nouveaux défis et menaces, rendent impérative et urgente la mise en place d'un nouvel ordre mondial plus démocratique et plus équitable». Ils confirment ainsi «leur attachement aux normes universellement reconnues du droit international, aux objectifs et aux principes de la Charte des Nations unies et des organisations internationales et régionales dont les deux pays sont membres». Les deux pays ont également pris une position commune concernant le problème du Sahara Occidental : il faut «trouver une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable permettant au peuple du Sahara occidental d'exercer son droit à l'autodétermination, conformément à la légalité internationale». Pour les territoires occupés de la Palestine, la déclaration commune fait état de l'inquiétude des deux pays, «préoccupés par la persistance d'une tension dangereuse au Moyen-Orient, exacerbée, avant tout, par la poursuite de l'occupation israélienne des territoires arabes, condamnent les activités de colonisation menées par Israël et toutes les actions unilatérales dans les territoires arabes occupés, notamment à El Qods». La Russie et l'Algérie demandent «la levée du blocus imposé à la Bande de Gaza et appellent à l'intensification des efforts visant à mettre fin à la crise humanitaire dans ce territoire». La sortie de crise est, selon les deux parties, dans «la base juridique internationale, notamment les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité de l'ONU, les principes de Madrid, l'Initiative arabe de paix, et ce, en vue d'un règlement global, juste et viable». Quant à l'épineuse question du nucléaire, les deux pays insistent sur la nécessité de «consolider le régime de la non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, ainsi que sur la prévention du déploiement des armes dans l'espace extra-atmostphérique. Dans ce contexte, elles expriment leur préoccupation devant la persistance de défis contemporains à la sécurité globale, accentuée notamment par la menace de la prolifération des matières nucléaires et de leur acquisition par des entités non-étatiques ». Aussi, ils appellent à «l'universalisation du Traité de non prolifération nucléaire et soulignent la nécessite pour Israël d'y adhérer en tant qu'Etat non-nucléaire et de soumettre toutes ses activités nucléaires aux garanties généralisées ». L'Algérie, la Russie et le terrorisme international La lutte conjointe contre le terrorisme a été également mise en exergue dans le communiqué commun. Concernant le terrorisme islamiste au Sahel, les deux pays insistent sur le renforcement de la coopération internationale afin de «tarir les sources de financement, notamment le payement de rançons. «Les deux parties condamnent sans équivoque la prise d'otages par les groupes terroristes afin d'obtenir le paiement de rançons, elles réitèrent leur attachement à la lutte contre le terrorisme sur la base d'une approche globale conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité, notamment les résolutions 1373, 1624 et 1904 », relève-t-on de la déclaration commune. En attendant, les systèmes antibrouillage, les missiles S-300 livrés Les deux parties ont réitéré leur intention de renforcer les liens traditionnels de coopération militaire et militaro-technique, à travers notamment la Commission mixte intergouvernementale algéro-russe pour la coopération militaire et technique. A cet effet, le contrat, qualifié de «très important» par les militaires algériens, portant sur la livraison à l'Algérie de systèmes antiaériens S-300 par la Russie a été signé il y a deux ans, a révélé, ce jeudi, Sergueï Tchemezov, patron de Rostekhnologuii (Russian Technologies). L'Algérie a déjà reçu une première livraison de ces systèmes et les deux pays finalisent une seconde livraison. M. Tchemezov n'a pas précisé le nombre d'unités livrées à l'Algérie. Une unité de S-300 contient un maximum de huit missiles. Ces missiles sont conçus pour la défense des sites sensibles comme les grandes installations industrielles, les centrales nucléaires, les sites administratifs. Ils sont capables de détruire des cibles balistiques aussi bien dans les airs qu'au sol. La dernière version des S-300 peut atteindre un avion ennemi à une distance de 150 km et une altitude de 27 km. Il faut savoir que la Russie a annulé un contrat similaire à l'Iran. Quant à l'acquisition de systèmes antibrouillage que les pays de l'OTAN refusent de vendre à l'Algérie, elle aurait été débattue entre les deux parties, dans la cohorte, d'autres questions militaires et stratégiques. L'OPEP du gaz, un challenge russo-algérien La Russie, le plus grand réservoir de gaz au monde, a rallié l'Algérie à l'idée de création d'un cartel du gaz sur le modèle de l'OPEP. Pour rappel, l'Opep du gaz ou Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) est né à Oran, en avril 2010. Lors du Forum d'affaires algéro-russe, il était question de lancer les activités du FPEG qui travaillera à la réorganisation du marché gazier notamment celui spot, et à l'amélioration des prix. Sur le Vieux continent, l'Algérie, en matière d'exportations, se fait devancer par la fédération de Russie et par la Norvège seulement. Les deux pays sont engagés dans le Forum des pays exportateurs de gaz, d'une«OPEP du gaz» qui cherche ses marques, surtout depuis l'émergence des technologies qui ont permis, notamment, aux Etats-Unis de développer les gaz non conventionnels et de ne plus être obligés d'importer du gaz. Une donnée qui a bouleversé le monde de l'industrie du gaz et fait chuter les prix du GNL sur le marché spot à moins de 4 dollars le MBTU. Les deux pays ont eu l'opportunité de se concerter sur les problèmes qui se posent pour le marché du gaz naturel et, pourquoi pas, coordonner leurs initiatives. A la faveur de la relance des avis d'appel d'offres pour l'exploration en 2008, le géant gazier russe Gazprom a fait une percée en Algérie en obtenant un périmètre en décembre 2008. L'Industrie, le fer de lance de la coopération Au temps de la coopération avec l'URSS, l'Algérie avait opéré ses plus grandes réalisations industrielles. A la faveur du lancement du plan de développement 2010-2014 et lors de la tenue d'une session de la commission mixte algéro-russe de coopération, le ministre des Finances, Karim Djoudi, avait appelé, fin juin dernier, les entreprises russes à participer, grâce au partenariat, aux avis d'appel d'offres des projets prévus dans le programme des investissements publics de 286 milliards de dollars. Lors de la réunion de la commission mixte, il a été établi que les entreprises russes étaient intéressées par les hydrocarbures, l'énergie électrique, les ressources en eau, les travaux publics, les transports ferroviaire et maritime…La sidérurgie est un secteur où les Russes peuvent collaborer fortement. Dans la déclaration commune, l'industrie minière et métallurgique, l'énergie et la construction mécanique ont été ponctuées. Idem pour l'agriculture, le secteur bancaire et financier, le tourisme, la recherche et la formation, les hautes technologies, la recherche et développement, l'utilisation de l'énergie nucléaire et l'exploitation de l'espace à des fins pacifiques. Soucieux de trouver des partenaires de marque dans les projets du quinquennal 2010/14, les responsables algériens comptent beaucoup sur la coopération russe. Mohamed Benmeradi, ministre de l'industrie et des PME/PMI et de l'investissement a, dans cette optique encouragé les hommes d'affaires russes à faire du premier forum d'hommes d'affaires algéro-russe «une première étape» d'une action commune visant à rehausser les relations économiques entre les deux pays et à leur donner une nouvelle dimension. Le leitmotiv des responsables des deux pays est la perspective de partenariat et d'investissement «fructueux et mutuellement bénéfique». L'avenir nous le dira.