Plaidoyer pour la rationalisation dans l'exploitation des hydrocarbures et pour l'émergence d'une économie alternative à l'industrie pétrolière. Ce sont là, les deux principaux axes du nouvel ouvrage publié par Mustapha Mekideche, économiste et vice-président du Conseil national économique et social (CNES), sous l'intitulé « L'économie algérienne à la croisée des chemins », sorti aux éditions Dahlab à Alger. Dans l'entretien qu'il a accordé à cette occasion au journal électronique Maghreb Emergent, l'ancien président de l'Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP) explique pourquoi l'Algérie ne devrait pas abuser du confort offert par la manne pétrolière qui assure au pays une rente qui, malheureusement, n'est pas éternelle. Pour lui, il s'agit certes de se préparer à la rareté annoncée des ressources d'hydrocarbures, mais, prévient-il, sans précipitation et sans retard aussi. Plaidant pour « la notion de gestion maîtrisée », par opposition à « l'exploitation effrénée » des ressources pétrolières, M. Mekideche estime qu'il va falloir « trouver un équilibre entre l'exploitation de nos ressources d'hydrocarbures et le développement d'une alternative économique hors hydrocarbures ». Quels sont les défis ? Pour l'auteur, il s'agit avant tout de « promouvoir un entreprenariat algérien et surtout le secteur privé » qui, précise-t-il, « doit s'imposer et émerger pour pouvoir accompagner la croissance ». M. Mekideche relève à ce propos que le contexte peut être favorable à cette émancipation du secteur privé. Il constate ainsi « un infléchissement des politiques publiques en direction d'un appui plus prononcé à l'entreprise algérienne ». Interrogé sur la politique énergétique de l'Algérie, M. Mekideche estime qu'il «n'y a pas encore un modèle énergétique algérien». «Sur le plan formel, dit-il, il y a des tentatives de rationaliser la consommation de l'énergie. Cependant, à chaque fois que le gouvernement veut augmenter le prix du fuel, le Parlement refuse en s'appuyant sur des raisons sociales». Pour le vice-président du CNES, la rationalisation de l'utilisation de l'énergie passe avant tout par une augmentation de la tarification du carburant, afin, explique-t-il, d'inciter le consommateur à être moins dépensier. Il se prononce ainsi clairement pour une hausse du prix, une option qui ne réunit pas encore le consensus au niveau des hautes sphères du pays, en raison principalement des tensions sociales que cela pourrait susciter. Mais pourquoi passer inéluctablement par une hausse de la tarification des carburants? M. Mekideche se montre plus explicite. «Les hydrocarbures algériens sont de compositions légères. Ils ne recèlent pas de fuel lourd. Par conséquent, l'Algérie est obligée d'importer une partie du gasoil. Cela coûte cher au pays. De l'autre côté, on voit de plus en plus de 4 X 4 rouler dans les rues et la persistance d'un modèle orienté vers la consommation du carburant». M. Mekideche est partisan de la manière forte puisque, pour lui, «il va falloir frapper au portefeuille pour que les mentalités changent». Mais, il préconise le même traitement pour les utilisations industrielles. «On peut aller plus loin pour l'avantage comparatif que constitue le gaz naturel pour la pétrochimie. Il ne faut pas trop baisser les prix du gaz sinon, il va y avoir un gaspillage», estime-t-il tout en précisant qu'une exception peut être laissée pour les turbines à gaz qui produisent de l'électricité. A propos de l'incidence que pourrait avoir un relèvement des prix de l'énergie sur certains secteurs comme l'Agriculture et les Transports, M. Mekideche trouve que «l'essentiel est de ne pas transférer les rentes à partir d'une utilisation non rationnelle des carburants». «Il n'y pas de raison, affirme-t-il, pour que celui qui utilise un véhicule 4 X 4 bénéficie de cette rente. On peut trouver des appuis différenciés aux ménages et aux producteurs de façon directe, trouver des solutions pour faire face à l'augmentation des coûts de transport ». Interrogé par ailleurs sur la question de l'énergie solaire que nos voisins tunisiens et marocains sont en train de développer, M.Mekideche défend la prudence prônée par l'Algérie dans ce dossier, une position qu'il juge «fondée», expliquant qu'en Algérie, la problématique ne se pose pas en termes aigus comme en Tunisie ou au Maroc. M. Mekideche estime nécessaire un changement de paradigme dans le développement de l'énergie solaire. «Par le passé, explique-t-il, les pays exportateurs d'hydrocarbures n'ont pas pu produire de la technologie et encore moins des équipements de l'ingénierie. Pour le solaire, les pays émetteurs doivent obtenir la production sur leur sol de la technologie, des équipements et de la recherche». Pour lui, tant que les prix de l'électricité distribuée en Europe ne permettent pas un retour sur investissement, il serait «hasardeux» pour des pays comme l'Algérie d'engager des investissements considérables dans ces technologies. Et c'est la même position qu'il exprime sur le fameux projet Desertec, bien qu'il recommande de «continuer à garder le contact» avec les parties engagées dans ce chantier. «A terme, nous allons y arriver mais que cela ne se fasse pas sur notre dos. Nous avons pour l'instant d'autres priorités », estime, enfin M. Mekideche.