Comme dans les décennies 70 et 90, verra-t-on une émergence économique contrariée, voire stoppée, du fait d'une industrialisation inachevée et inefficace, d'un blocage structurel -maintenu par une variante algérienne du syndrome hollandais- avec un défaut persistant d'anticipation et une propension au gaspillage, du fait de la mauvaise gouvernance économique ? La question posée par M. Mustapha Mekideche, vice-président du CNES, mérite réflexion. Le Conseil national économique et social (CNES) présentera, aujourd'hui à Alger, ses rapports de conjoncture relatifs à l'état économique et social de la Nation pour 2008 et les perspectives de 2009. Tous les économistes s'accorde à dire que l'économie algérienne paraît ambivalente avec des forces et des faiblesses. vingt-deux ans après la profonde crise pétrolière de 85-86 qui a plongé l'économie algérienne dans la récession, une nouvelle crise mondiale touche l'Algérie. Elle la met face à de nouveaux défis, malgré les assurances du gouvernement. Après avoir atteint 147 dollars en juillet, le prix du baril est tombé à moins de 40 dollars en décembre 2008, soit une baisse de plus de 70%. Après une moyenne de 67 dollars en 2007 et de 110 dollars le baril en 2008, on prévoit, au mieux, 60 dollars en moyenne en 2009 ; une baisse de 47% en moyenne d'une année sur l'autre. Pour un volume donné d'exportations, cela signifie un quart de croissance en moins pour le pays. Les exportations de l'Algérie ont atteint 39,53 milliards de dollars (mds) durant les onze premiers mois de 2009, contre 72,41 mds de dollars durant la même période de 2008, soit une baisse de 45,40%. Cette «importante» baisse des exportations s'est répercutée sur l'excédent de la balance commerciale, passant de 36,35 mds de dollars durant les onze mois de 2008 à seulement 4,2 mds de dollars durant la même période de cette année. Les effets de la crise sur l'économie Certes, la situation est différente de celle de 1986. La dette extérieure n'est plus que de 4,9 milliards de dollars et représente moins de 4% du PIB. Les réserves extérieures étaient de deux milliards de dollars en 1986. Elles sont élevées à plus de 146 milliards de dollars et représentent plus de cinq années d'importations au rythme de 2007. La position financière extérieure du pays est forte et le met à l'abri de tout risque d'insolvabilité -analogue- à celui qui prévalait en 1986. L'approvisionnement de l'appareil de production peut se faire sans problème. Mais la croissance reste en grande partie tributaire de la production d'hydrocarbures et des dépenses publiques d'investissement, ce qui l'expose à un retournement brutal des cours pétroliers mondiaux et, corrélativement, à la baisse des revenus de l'État, dont l'essentiel provient de la fiscalité pétrolière. L'économie algérienne reste dominée par le secteur des hydrocarbures, qui a représenté en 2008 près de 46.7 pour cent du PIB et 97.5 pour cent des recettes d'exportation. Malgré la bonne tenue des principaux agrégats, des secteurs comme l'industrie hors-hydrocarbures et, à un degré moindre, l'agriculture, ne contribuent encore que faiblement au PIB. Afin de promouvoir la croissance hors-hydrocarbures nécessaire pour réduire le taux de chômage et le niveau de la pauvreté, les autorités devront non seulement consolider les équilibres macro-économiques, mais aussi poursuivre les réformes structurelles engagées pour améliorer le climat des affaires. Le secteur privé reste confronté à un environnement des affaires nécessitant des améliorations. Le pays est classé par le rapport Doing Business de la Banque mondiale au 132ème rang en 2008 -pour ce qui concerne la facilité de lancer une entreprise-, soit un recul de sept places par rapport à l'année précédente. Les difficultés d'accès au crédit, les lourdeurs pour la création d'entreprises et l'exécution des contrats ou les procédures d'octroi de permis de construire pèsent toujours sur le secteur privé, notamment les PME. Verra-t-on comme en dans les décennies 70 et 90, une émergence économique contrariée voire stoppée du fait d'une industrialisation inachevée et inefficace et d'un blocage structurel maintenu par une variante algérienne du syndrome hollandais avec un défaut persistant d'anticipation et une propension au gaspillage du fait de la mauvaise gouvernance économique ? La question posée par M. Mustapha Mekideche, vice-président du CNES- dans son ouvrage sur l'économie algérienne à la croisée du chemin- mérite réflexion.