Une importante rencontre a été organisée par l'Institut Arabe des Chefs d'entreprises à Tunis les 10/11 décembre 2010 qui a regroupé environ 1000 personnalités internationales( Ministres, cadres d' organisations internationales, entrepreneurs, experts internationaux et professeurs d'Universités) de 50 nationalités différentes, des USA, Europe, Asie, Moyen Orient, Afrique dont l'ensemble des pays du Maghreb. L'Algérie a été représentée en force avec plus de 80 jeunes entreprenants en majorité de cursus universitaire désirant tisser des relations de partenariat gagnant /gagnant. Je me propose d'analyser les axes directeurs opérationnels de cette rencontre dont j'ai eu l'honneur d'animer l'important panel, « les enjeux de la compétitivité des entreprises au Maghreb ». I.-Les entreprises maghrébines face aux mutations mondiales Le premier constat est qu'en ce début du XXIème siècle, les entreprises maghrébines se doivent d'être attentives aux nouvelles mutations mondiales qui annoncent une reconfiguration géostratégique entre 2015/2020. En effet, ce n'est plus le temps où la richesse d'une Nation s'identifiait aux firmes dites nationales , celles-ci ayant été calquées sur l'organisation militaire et ayant été décrites dans les mêmes termes : chaîne de commandement –classification des emplois- portée du contrôle avec leurs chefs- procédures opératoires et standards pour guider tous les dossiers. Actuellement une nouvelle organisation est en train de s'opérer montrant les limites de l'ancienne organisation avec l'émergence d'une dynamique nouvelle des secteurs afin de s'adapter à la nouvelle configuration mondiale. Nous assistons au passage successif de l'organisation dite tayloriste marquée par une intégration poussée, à l'organisation divisionnelle, puis matricielle qui sont des organisations intermédiaires et enfin à l'organisation récente en réseaux où la firme concentre son management stratégique sur trois segments : la recherche développement (cœur de la valeur ajoutée), le marketing et la communication et sous traite l'ensemble des autres composants, avec des organisations de plus en plus oligopolistiques, quelques firmes contrôlant la production, la finance et la commercialisation au niveau mondial tissant des réseaux comme une toile d'araignée. Les firmes ne sont plus nationales, même celles dites petites et moyennes entreprises reliées par des réseaux de sous traitants aux grandes. Les firmes prospères sont passées de la production de masse à la production personnalisée. Ainsi, les grandes firmes n'exportent plus seulement leurs produits mais leur méthode de marketing, leur savoir faire sous formes d'usines, de points de vente et de publicité. Parallèlement à mesure de l'insertion dans la division internationale du travail, la manipulation de symboles dans les domaines juridiques et financiers s'accroît proportionnellement à cette production personnalisée. Indépendamment du classement officiel de l'emploi, la position compétitive réelle dans l'économie mondiale dépend de la fonction que l'on exerce. Au fur et à mesure que les coûts de transport baissent, les produits standards et de l'information qui les concernent, la marge de profit sur la production se rétrécit en raison de l'absence de barrières à l'entrée et la production standardisée se dirige inéluctablement là où le travail est compétitif, moins cher et le plus accessible. Mais fait nouveau, depuis la fin du XXème siècle, la qualification devient un facteur déterminant. Les emplois dans la production courante tendent à disparaître comme les agents de maîtrise et d'encadrement impliquant une mobilité des travailleurs, la généralisation de l'emploi temporaire, et donc une flexibilité permanente du marché du travail avec des recyclages permanents étant appelés à l'avenir à changer plusieurs fois d'emplois dans notre vie. Ainsi, apparaissent en force d'autres emplois dont la percée des producteurs de symboles dont la valeur conceptuelle est plus élevée par rapport à la valeur ajoutée tirée des économies d'échelle classiques, remettant en cause les anciennes théories et politiques économiques héritées de l'époque de l'ère mécanique comme l'ancienne politique des industries industrialisantes calquée sur le modèle de l'ancien empire soviétique. A mesure que la firme se transforme en réseau mondial, impossible de distinguer les individus concernés par leurs activités, qui deviennent un groupe vaste, diffus, répartis dans le monde. Cela a des incidences sur le futur système d'organisation à tous les niveaux, politique, économique et social où existent des liens dialectiques entre la gouvernance mondiale, locale , l'efficacité des institutions et celle des entreprises dont la prise en compte de la dominance de la sphère informelle avec des institutions et des entreprises informelles au niveau du Maghreb. Toute étude de marché sérieuse, si on veut éviter le gaspillage des ressources financières, suppose que l'on réponde au moins à quelques questions qui concernent l'ensemble de la politique économique au Maghreb que l'on ne saurait isoler de l'urgence d'une intégration maghrébine car l'ère des micro-Etats est à jamais révolu. 1- Quel est le choix des secteurs en fonction de la demande solvable des Maghrébins sachant que le marché local fonction du pouvoir d'achat, lui même fonction du taux de croissance réel, du partage du revenu national entre les couches sociales et du modèle de consommation est un marché instable. Quelle est la stratégie des filières par rapport aux mutations mondiales et en référence aux accords de libre échange avec l'Europe qui prévoit un démantèlement tarifaire (Maroc, Tunisie –Algérie signataires de cet Accord) ? 2.- La restructuration du secteur industriel/services permettra t –elle des programmes d'investissement, pour les transformer en véritables leviers économiques favorisant l'émergence de secteurs dynamiques compétitifs dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux dont la prise en compte des industries écologiques ? Construit-on actuellement des projets pour un marché local régional, ou mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale ? Les filières ne sont-elles pas internationalisées avec des sous segments éparpillés à travers le monde ? Un partenariat stratégique n'est-il pas la condition fondamentale pour à la fois des projets fiables et pénétrer le marché mondial ? 3.-la production locale sera-t-elle concurrentielle en termes du couple coûts/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales. ? 4-Le système financier est –il adapté afin qu'il réponde à tant aux politiques économiques internes qu'à la nouvelle logique industrielle mondiale, 'objectif de la réforme du système financier , condition d'accompagnement de la politique industrielle, n'est il pas de promouvoir l'investissement dans des actifs tangibles, les investissements devant être adossés à des actifs réels, le banquier ne devant pas être seulement prêteur mais co-investisseur et partenaire du projet financé, ses revenus correspondant à une quote-part des résultats issus du projet financé, permettent d'atténuer le risque selon le principe des 3P (Partage des Pertes et Profits) ? 5.- Cela ne suppose t-il pas d'autres modes de financement, sans bien entendu renier les instruments classiques adaptés à certains secteurs, afin de dynamiser les projets facteur de croissance dont le retour du capital est lent et dont la rentabilité n'est qu'à moyen terme, dont par exemple l'extension du crédit bail ? Les petites et moyennes entreprises (PME) jouant un rôle vital dans le développement économique, par l'accroissement de la concurrence, la promotion de l'innovation et la création d'emplois, ne sont-elles pas souvent confrontées à plusieurs défis en matière de croissance, qui varient des environnements macroéconomiques, les barrières administratives et la bureaucratie les pénalisant dans l'accès aux services financiers ? 6.-.A l'instar des pays développés ( USA/Europe) ne faudrait-il pas également favoriser également en cohabitation avec les instruments classiques la finance islamique où d'ailleurs certains savants musulmans ont pu émettre l'idée du cycle de d'investissement concernant la durée de détention d'un titre de société intervenant par exemple dans le domaine agricole qui correspond au temps nécessaire pour semer, récolter et commercialiser, la décision de vente du titre étant alors justifiée par une véritable stratégie d'investissement mesurée par le retour sur investissement post cycle de récolte ? *Expert International en management stratégique (1) Voir Abderrahmane Mebtoul « les enjeux de l'entreprise dans le cadre de l'intégration maghrébine » contribution ronéotypée Institut arabe des chefs d'entreprises décembre 2010 disponible sur le site IACE. L'ensemble des contributions de ce séminaire international seront publiées le premier trimestre 2011 en un ouvrage collectif conjointement avec la collaboration la commission économique européenne.