Lors de cette rencontre internationale, l'Algérie a été représentée en force avec plus de 80 jeunes entreprenants, en majorité de cursus universitaire, désirant tisser des relations de partenariat gagnant-gagnant. Je me propose d'analyser les axes directeurs opérationnels de cette rencontre placée sous le thème «Les enjeux de la compétitivité des entreprises au Maghreb» et dont j'ai eu l'honneur d'animer. I) Les entreprises maghrébines face aux mutations mondiales Le premier constat est qu'en ce début du XXIe siècle, les entreprises maghrébines se doivent d'être attentives aux nouvelles mutations mondiales qui annoncent une reconfiguration géostratégique entre 2015 et 2020. En effet, ce n'est plus le temps où la richesse d'une nation s'identifiait aux firmes dites nationales, celles-ci ayant été calquées sur l'organisation militaire et ayant été décrites dans les mêmes termes : chaîne de commandement, classification des emplois, portée du contrôle avec leurs chefs, procédures opératoires et standards pour guider tous les dossiers. Actuellement, une nouvelle organisation est en train de s'opérer montrant les limites de l'ancienne organisation avec l'émergence d'une dynamique nouvelle des secteurs afin de s'adapter à la nouvelle configuration mondiale. Nous assistons au passage successif de l'organisation dite tayloriste, marquée par une intégration poussée, à l'organisation divisionnelle, puis matricielle, qui sont des organisations intermédiaires, et enfin à l'organisation récente en réseaux où la firme concentre son management stratégique sur trois segments : la recherche développement (coeur de la valeur ajoutée), le marketing et la communication et sous-traite l'ensemble des autres composants avec des organisations de plus en plus oligopolistiques, quelques firmes contrôlant la production, la finance et la commercialisation au niveau mondial tissant des réseaux comme une toile d'araignée. Les firmes ne sont plus nationales, même celles dites petites et moyennes entreprises reliées par des réseaux de sous-traitants aux grandes. Les firmes prospères sont passées de la production de masse à la production personnalisée. Ainsi, les grandes firmes n'exportent plus seulement leurs produits mais leur méthode de marketing, leur savoir-faire sous formes d'usines, de points de vente et de publicité. Parallèlement à l'insertion dans la division internationale du travail, la manipulation de symboles dans les domaines juridique et financier s'accroît proportionnellement à cette production personnalisée. Indépendamment du classement officiel de l'emploi, la position compétitive réelle dans l'économie mondiale dépend de la fonction que l'on exerce. Au fur et à mesure que les coûts de transport baissent, les produits standards et de l'information qui les concernent, la marge de profit sur la production se rétrécit en raison de l'absence de barrières à l'entrée, et la production standardisée se dirige inéluctablement là où le travail est compétitif, moins cher et le plus accessible. Mais, fait nouveau, depuis la fin du XXe siècle, la qualification devient un facteur déterminant. Les emplois dans la production courante tendent à disparaître comme les agents de maîtrise et d'encadrement impliquant une mobilité des travailleurs, la généralisation de l'emploi temporaire et, donc, une flexibilité permanente du marché du travail avec des recyclages permanents étant appelés à l'avenir à changer plusieurs fois d'emplois dans notre vie. Ainsi, apparaissent en force d'autres emplois dont la percée des producteurs de symboles dont la valeur conceptuelle est plus élevée par rapport à la valeur ajoutée tirée des économies d'échelle classiques, remettant en cause les anciennes théories et les politiques économiques héritées de l'époque de l'ère mécanique comme l'ancienne politique des industries industrialisantes calquée sur le modèle de l'ancien empire soviétique. Au fur et à mesure que la firme se transforme en un réseau mondial, impossible de distinguer les individus concernés par leurs activités qui deviennent un groupe vaste, diffus et répartis dans le monde. Cela a des incidences sur le futur système d'organisation à tous les niveaux, politique, économique et social, où existent des liens dialectiques entre la gouvernance mondiale, celle locale, l'efficacité des institutions et celle des entreprises dont la prise en compte de la dominance de la sphère informelle avec des institutions et des entreprises informelles au niveau du Maghreb. Toute étude de marché sérieuse, si l'on veut éviter le gaspillage des ressources financières, suppose que l'on réponde au moins à quelques questions qui concernent l'ensemble de la politique économique au Maghreb que l'on ne saurait isoler de l'urgence d'une intégration maghrébine car l'ère des micro-Etats est à jamais révolu. 1) Quel est le choix des secteurs en fonction de la demande solvable des Maghrébins sachant que le marché local, fonction du pouvoir d'achat, lui-même fonction du taux de croissance réel, du partage du revenu national entre les couches sociales et du modèle de consommation est un marché instable ? Quelle est la stratégie des filières par rapport aux mutations mondiales et en référence aux accords de libre-échange avec l'Europe qui prévoit un démantèlement tarifaire (Maroc, Tunise et Algérie signataires de cet accord) ? 2) La restructuration du secteur industriel/services permettra-t-elle des programmes d'investissement pour les transformer en véritables leviers économiques favorisant l'émergence de secteurs dynamiques compétitifs dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux dont la prise en compte des industries écologiques ? Construit-on actuellement des projets pour un marché local régional ou mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale ? Les filières ne sont-elles pas internationalisées avec des sous-segments éparpillés à travers le monde ? Un partenariat stratégique n'est-il pas la condition fondamentale pour à la fois des projets fiables et pénétrer le marché mondial ? 3) La production locale sera-t-elle concurrentielle en termes du couple coût/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ? 4) Le système financier est-il adapté afin qu'il réponde autant aux politiques économiques internes qu'à la nouvelle logique industrielle mondiale ? L'objectif de la réforme du système financier, condition d'accompagnement de la politique industrielle, n'est-il pas de promouvoir l'investissement dans des actifs tangibles, les investissements devant être adossés à des actifs réels et le banquier ne devant pas être seulement prêteur mais co-investisseur et partenaire du projet financé, ses revenus correspondant à une quote-part des résultats issus du projet financé, permettent d'atténuer le risque selon le principe des 3P (partage des pertes et profits) ? 5) Cela ne suppose-t-il pas d'autres modes de financement, sans, bien entendu, renier les instruments classiques adaptés à certains secteurs afin de dynamiser les projets facteur de croissance dont le retour du capital est lent et la rentabilité n'est qu'à moyen terme, dont, par exemple, l'extension du crédit bail ? Les petites et moyennes entreprises, (PME) jouant un rôle vital dans le développement économique par l'accroissement de la concurrence, la promotion de l'innovation et la création d'emplois, ne sont-elles pas souvent confrontées à plusieurs défis en matière de croissance, qui varient des environnements macroéconomiques, les barrières administratives et la bureaucratie les pénalisant dans l'accès aux services financiers ? (A suivre)