La moiteur suffocante d'un mois d'août particulièrement chaud et humide n'a pas dissuadé les camelots de la rue Bab Azzoun à Alger d'étaler à même le sol leurs marchandises, donnant l'image de plus en plus préoccupante d'une capitale mangée par le commerce informel. C'est un assaut en règle: Alger, comme beaucoup de villes du pays, est devenue l'otage d'une myriade de commerces informels. Si dans la rue Larbi Ben M'hidi et l'ex-Mogador, c'est le commerce de l'or qui fait battre le pavé à des professionnels de ce type de ‘'business'', à Bab El Oued, Bab Azzoun, Laaquiba, Bachdjarrah, El-Harrach, et ailleurs à Alger, les revendeurs occasionnels sont en terrain conquis. ‘'Il y a même des murs près des marchés aux fruits et légumes qui sont loués par des petits commerçants'', s'étonne Krimo, attablé à une terrasse d'un vieux café de la vieille ville, la Casbah. A fin mars 2011, le ministère du commerce avait recensé quelque 765 sites de commerce informel à travers le pays et dans lesquels activent plus de 75.000 commerçants occasionnels. Depuis, ces ‘'states'' ont explosé, selon des experts du ministère interrogés par l'APS. Les pertes financières de l'Etat du fait de la formidable prolifération du commerce informel, étaient estimées en 2011 à plus de 10 milliards d'euros par an. Des chiffres avancés en 2011 par le ministre du commerce, M. Benbada, indiquent que les transactions sans factures durant les trois dernières années sont été estimées à 155 milliards de dinars, soit un peu plus d'un milliard d'euros. ‘'On peut dire que le défaut de facturation peut atteindre les 1.000 milliards de dinars (un peu moins de 10 milliards d'euros)'', estime de son côté Abdelhamid Boukadoum, responsable du département du contrôle économique et de la répression des fraudes au ministère du commerce. ‘'Ce n'est un secret pour personne que la moitié du chiffre d'affaires des opérateurs économiques provient de l'économie informelle'', résume un expert. En mars 2011, M. Benbada avait, lors d'un colloque sur le commerce informel organisé par le cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE), affirmé que la moitié du chiffre d'affaires des opérateurs économiques algériens provient de l'économie informelle. Ce type de ‘'business'', couplé à un taux de chômage de 10% selon l'ONS, a pris ces dernières années des proportions monstrueuses dans plusieurs grandes villes du pays: des univers urbains et suburbains entiers sont squattés, mangés, rongés par les aménagements hétéroclites de vendeurs occasionnels, plus ou moins spécialisés dans les articles de confection importés et à la qualité douteuse, que pour divers produits agricoles et fruitiers. Des solutions existent Selon Nacer Eddine Hammouda, chercheur au CREAD (centre de recherche en économie appliquée et au développement), ‘'le phénomène de l'informel est le résultat d'un dysfonctionnement économique en Algérie où le secteur formel ne crée pas assez d'emplois''. Pour autant, des solutions existent pour lutter efficacement contre l'informel. Il y a d'abord cette proposition de l'Union générale des commerçants et artisans Algériens (UGCAA), qui penche pour la légalisation ‘'du petit commerce'' informel, notamment à travers son intégration dans le circuit officiel et sa prise en charge. Le département du commerce a déjà proposé ensuite un allégement des procédures administratives pour l'obtention d'un registre de commerce, et l'autorisation des jeunes commerçants informels à occuper des espaces aménagés avant même l'obtention de Registre de commerce. Une exemption fiscale temporaire au profit de ces commerçants pour les encourager à intégrer sereinement le marché formel constitue une autre éventuelle solution, selon le ministère du commerce. Mais, quelles que soient les dispositions à prendre «il ne s'agira pas de légaliser l'informel mais de le traiter et de l'intégrer à travers plusieurs mesures et facilitations gouvernementales'', précise-t-on au ministère du commerce. Pour autant, les inscriptions au registre du commerce durant le premier semestre 2012 se sont établies en baisse de 28% à 204.097 par rapport à la même période de 2011. Le nombre total de commerçants en Algérie est ainsi de 1.568.741, indique un bilan du 1er semestre 2012 du Centre national du registre du commerce (CNRC).