Le paradoxe du système financier algérien est en train d'être dépassé. Jusqu'à il y a quelques années, les banques algériennes dormaient sur d'importantes surliquidités bancaires, alors que l'économie nationale, notamment les PME, souffrait de difficultés d'accès au financement. Aujourd'hui, les institutions financières semblent réussir à dépasser cette situation grâce à une résorption soutenue des excès de liquidités par la Banque d'Algérie (BA) et un niveau de crédits à l'économie jamais égalé. C'est ce qu'a indiqué jeudi, sur les ondes de la radio nationale, le délégué général de l'association des banques et établissements financiers (ABEF), M. AbderrezakTrabelsi, «les surliquidités bancaires commencent à être derrière nous (banques) et nous devons désormais nous occuper uniquement de la problématique du développement de l'économie». Cette performance n'est pas le fruit du hasard mais le résultat direct des mécanismes introduits par la BA depuis l'année dernière pour résorber l'excès des liquidités bancaires et contenir l'inflation. Elle est ensuite soutenue par les nouvelles facilitations des procédures bancaires appliquées par le gouvernement depuis le début de l'année. Les conséquences de ces mesures semblent être bénéfiques puisqu'elles ont conduit à relancer les crédits à l'économie, qui ont cru de 14% à fin juin dernier, un taux de croissance «atteint actuellement à peine dans deux ou trois pays dans le monde», selon M. Trabelsi. Ainsi, les banques algériennes ont octroyé plus de crédits à l'investissement au cours des 6 premiers mois de 2013 qu'auparavant M.Abderezak Trabelsi s'est félicité de l'équilibre macro-économique réalisé par le pays, qu'il considère comme une « condition indispensable pour la relance de la machine économique ». Selon les dernières données rendues publiques par le gouverneur de la Banque Centrale, l'Algérie a enregistré un encours des réserves de change à 189,7 milliards de dollars et un endettement extérieur historiquement bas à 3,4 milliards de dollars au premier semestre 2013. Selon lui, les banques algériennes ont consenti un effort considérable aux entreprises en débloquant 4.568 milliard de dinars à l'investissement au cours des six premiers mois de l'année en cours, soit « l'équivalent des crédits octroyés pour toute l'année 2012 ». Sur ce montant, 71 pour cent a été orienté vers le financement de l'investissement et 44 pour cent a bénéficié aux entreprises privées. La Banque d'Algérie a introduit en janvier dernier un nouvel instrument de politique monétaire qui consiste à faire profiter les liquidités bancaires reprises pour six mois à une rémunération de 1,5%. En 2012, Elle avait augmenté le montant de ces reprises à 1.350 milliards (mds) de DA contre 250 mds de DA auparavant. Le taux de constitution des réserves minimales obligatoires a été en outre relevé de 9% à 11%. Grâce à ces mécanismes, la liquidité bancaire s'est contractée à 2.542,5 mds de DA (environ 34 mds usd) à fin juin 2013 contre 2.876,2 mds de DA à fin 2012, selon les chiffres avancés mercredi par le gouverneur de la BA Mohamed Laksaci qui assurait que «l'excès de liquidités a été résorbé de manière effective». Cette situation s'est accompagnée d'un recours moindre des banques à la facilité de dépôts à 24 heures, qui a porté sur 164 mds de DA seulement durant le premier semestre contre 838 mds de DA à fin 2012, a détaillé M. Laksaci. Des crédits en hausse, c'est bien mais pas suffisant L'assèchement de l'excès de liquidités bancaires a eu lieu simultanément avec un rebond remarquable des crédits à l'économie accordés par les banques de la place au cours des six premiers mois de l'année. L'encours de ces crédits a atteint 4.902,5 milliards de DA (65 mds usd) à la fin juin, progressant de presque deux fois de plus de leur croissance à fin juin 2012 par rapport au premier semestre de 2011, selon la BA. Près des trois-quarts de ces crédits, soit 71%, sont accordés à moyen et long terme et destinés, donc à l'investissement. Ce dynamisme «traduit l'amélioration de la structure et des conditions de financement, corrélativement à l'important soutien financier apporté par l'Etat aux PME depuis le 4ème trimestre de 2011", commentait le gouverneur. Mais pour M. Trabelsi, une croissance des crédits à l'économie est certes un indicateur «très rassurant sur le plan macroéconomique» mais elle reste «insuffisante» pour une réelle croissance industrielle au moment où le pays compte seulement 300 entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à deux milliards de DA. L'introduction de mesures structurelles, notamment de régulation du marché, s'impose alors, selon lui. «La part de l'industrie dans le PIB a reculé de manière significative ces dernières années ce qui veut dire que l'acte de produire demeure peu compétitif en Algérie», a averti M. Trabelsi en soutenant que les PME «n'avaient pas seulement besoin de financements mais aussi d'un environnement favorable à l'investissement». Il a surtout pointé du doigt la défaillance des mécanismes de régulation des importations, une défaillance nuisible pour la production nationale, selon lui. Interrogé sur la position de l'ABEF concernant la récente proposition de l'UGTA (Union générale des travailleurs algérien) de réintroduire «l'autorisation d'importation» comme moyen de contenir la lourde facture des importations de l'Algérie, M. Trabelsi a exprimé son opposition à toute tentative de régulation administrative. Ce mode de régulation «a déjà montré ses limites», a-t-il argué en appelant plutôt à des mesures de régulation «indirecte». Il s'est dit enfin optimiste quant à un aboutissement «rapide» des propositions des banques relatives à la dépénalisation du risque lié au crédit.