Le rapport d'inspection du ministère de la Santé, de la population et de la réforme hospitalière présenté mardi à Alger par le directeur général des établissements de santé au ministère, le Pr Larbi Abid, fait état de nombreuses lacunes et dépassements dans la gestion des cliniques privées. Selon le Pr Abid, le rapport d'inspection élaboré ces derniers mois par le ministère a relevé de nombreuses lacunes dans la gestion des cliniques relevant du secteur privé, dont la non transmission au ministère des informations relatives aux différentes maladies, l'absence de bilan sur leurs activités annuelles outre l'élargissement des locaux de ces cliniques et l'introduction de nouvelles activités sans en informer la tutelle. L'exploitation des ressources humaines activant dans le secteur public par ces cliniques et le refus de certaines cliniques d'accueillir des inspecteurs du ministère ont été mentionnés dans le document. Le Pr Abid a averti que ces cliniques risquent la «fermeture». La plupart des cliniques privées ne disposent pas, selon le rapport, de dossiers de patients. «Un seul médecin y procède à l'élaboration de rapports médicaux de tous les malades», ce qui constitue une «violation de la loi et de la profession». Il a, par ailleurs, appelé les investisseurs à ouvrir des cliniques privées dans les wilayas qui connaissent un déficit en matière de couverture sanitaire, de travailler selon les normes ISO en intégrant les activités de ces cliniques dans le système de santé tout en respectant le cahier des charges. S'agissant de la gestion administrative, le Pr Abid a qualifié les activités de certaines cliniques d'»illicites», les dossiers des travailleurs ne comportant pas les documents nécessaires en plus du transfert des ressources humaines du secteur public vers ces cliniques. Il a, par ailleurs, noté un déficit dans la gestion des déchets toxiques et le recrutement de spécialistes n'ayant pas passé le service civil. Les cliniques relevant du secteur privé (plus de 400 structures à travers le pays) offrent 4.661 lits. Créé dans les années 1990, le secteur privé n'a pas bénéficié de l'intérêt requis de la part des autorités publiques et a été confronté à plusieurs problèmes pendant des années, a indiqué le ministre de la Santé lors de cette rencontre relevant les lacunes et dépassements enregistrés dans la gestion de ce secteur et promettant d'œuvrer à le rendre complémentaire du secteur public. « Un déficit en ressources humaines » De leur côté, les gérants de ces cliniques privées, lors de leur rencontre avec le ministre de la santé, mardi, mettent en avant «un manque important» en ressources humaines dans ces établissements de santé. Le manque en ressources humaines enregistré notamment dans le corps paramédical relève de la responsabilité du ministère de tutelle qui forme pour le secteur public qui souffre également d'un manque dans ce domaine, a estimé le Pr Kelioua, gérant d'une clinique privée à Annaba. Le directeur de l'association des cliniques spécialisées dans la procréation médicalement assistée (PMA), le Dr Benbouhidja, a indiqué que certains corps quittent les cliniques après avoir bénéficié d'une formation, imputant lui aussi le manque enregistré dans le paramédical au ministère de tutelle. Le propriétaire d'une clinique privée à Sidi Bel Abbes, Ghali Benfaghoul, a, pour sa part, proposé au ministère de la Santé d'autoriser certaines sages-femmes qui travaillent dans le secteur public à travailler dans le secteur privé pour remédier au transfert illégal des ressources humaines entre les deux secteurs. Le directeur d'une clinique privée dans la wilaya de Saïda, Ghouider El Hachemi, a quant à lui salué «la franchise» qui a marqué cette rencontre et la manière dont les problèmes ont été soumis au ministère de tutelle, affirmant que sa clinique a aidé le secteur public, en envoyant des médecins anesthésistes-réanimateurs aux hôpitaux de la wilaya qui connaissent un manque dans ce domaine. L'intervenant a déploré le coût élevé du matériel médical importé et l'effet de l'augmentation des salaires dont a bénéficié le secteur public qui a poussé le secteur privé à appliquer la même grille de salaires, pour préserver la stabilité des ressources humaines dans les cliniques privées, autant de facteurs qui influent, selon lui, sur la gestion de ces dernières. Certains participants ont évoqué la question de refus des directeurs de santé de certaines wilayas d'envoyer des cas présentant des complications aux hôpitaux publics, ce qu'ils ont qualifié de pratiques «contraires à l'éthique et à la déontologie de la profession», vu que c'est la santé du citoyen qui est en danger. Un arsenal juridique pour réguler la gestion des cliniques privées A la fin des travaux de cette rencontre, le ministre a proposé aux participants de soulever toutes ces préoccupations lors des Assises nationales de la santé, prévues les 2 et 3 avril prochain, promettant d'œuvrer à trouver des solutions pour garantir une complémentarité entre les deux secteurs. Cependant et, anticipant ces assises, le ministère de tutelle s'attèle déjà à mettre en place un arsenal juridique, en concertation avec les partenaires du secteur de santé privé, pour réguler la gestion des structures hospitalières privées et assurer une meilleure complémentarité avec le secteur de santé public, a indiqué mercredi à Alger, Latifa Zaidi, inspectrice centrale au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. «Il existe un cadre réglementaire en terme de gestion des établissements sanitaires privés qui est tout a fait appliqué, mais dans le contexte actuel, il y a vraiment nécessité de plus de rigueur, donc il y a tout un arsenal juridique, dans ce sens, en cours de préparation pour dépasser toutes les lacunes et infractions constatées», a souligné Mme Zaidi à la chaîne 3 de la radio nationale. Reconnaissant une «anarchie» et des «dépassements» dans le travail de certaines cliniques privées, notamment, en terme de ressources humaines, de tarification, d'hygiène et de gestion des urgences, la représentante du ministère de la Santé, a tenu à préciser que la préparation de l'arsenal juridique se faisait en concertation avec les partenaires privés. Elle a rappelé que le nombre des cliniques privées en activité était de 167 cliniques et que 166 autres étaient en cours de réalisation. Concernant la tarification, Mme Zaidi a relevé une «urgence» de révision et d'»unification» avec le secteur public, tout en précisant que cela devait se faire en partenariat avec le secteur du Travail et de la Sécurité sociale, afin d'aboutir à «un système tarifaire uni qui répond aux standards internationaux». Affirmant que le secteur de santé privé représentait «un allié stratégique et complémentaire pour le secteur public», l'invitée de la radio a rappelé le gel du temps complémentaire jusqu'à la révision de la loi en vigueur, décidé, mardi, par le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abdelmalek Boudiaf, lors de sa rencontre avec des gérants de cliniques privées. Mme Zaidi a évoqué aussi une «forte adhésion» des partenaires privés à l'idée de s'intégrer davantage dans la politique nationale de santé, ajoutant que leur investissement dans la prise en charge de certaines spécialités médicales, comme le traitement du cancer et la cardiologie, est à encourager. Outre l'amélioration et l'encadrement juridique des services des établissements de santé privés, plusieurs autres sujets seront débattus lors des Assises nationales de la santé, prévues les 2 et 3 avril, pour identifier les problèmes et aboutir à des solutions, dans un esprit de collégialité, a-t-elle rappelé.