La menace d'une invasion de criquets pèlerins de l'Algérie est écartée après le franc-succès dans la lutte contre les larves de criquets dans le désert mauritanien, a annoncé la Banque mondiale. Plusieurs pays du Sahel (Burkina Faso, Gambie, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad) et de l'Afrique du Nord sont désormais à l'abri pendant au moins une année de la menace d'une invasion acridienne. «Après des années de dur labeur, le Centre national de lutte antiacridienne (CNLA) a finalement atteint le niveau de préparation nécessaire pour gérer efficacement les interventions antiacridiennes d'urgence et éviter toute aggravation de la situation», affirme Amadou Oumar Ba, Chef d'équipe du Programme d'intervention antiacridienne d'urgence en Afrique de la Banque mondiale, faisant référence à la situation en Mauritanie. Le CNLA vient de montrer que la prévention est le moyen le plus efficace de lutte contre ces prédateurs qui ravagent les cultures depuis des siècles dans la région saharo-sahélienne et au Maghreb. Le criquet pèlerin représente une menace constante pour la production agricole dans de nombreux pays du monde. Se déplaçant par essaims de plusieurs milliers, ces insectes peuvent détruire des centaines d'hectares de terres en quelques heures. On estime à 65.000 km⊃2; la superficie des terres cultivées détruites en 2004 par des essaims de criquets pèlerins dans neuf pays du Sahel et du Maghreb, dont la Mauritanie, soit une perte de l'ordre de 200 millions d'euros. «Les acridiens ont une capacité d'adaptation surprenante», a fait remarquer Mohamed Abdallahi Ould Babah, directeur du CNLA et coordinateur national du Programme d'intervention antiacridienne d'urgence en Afrique, une opération financée par la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds. «Ils évoluent en solitaire, il est parfois difficile de les détecter. Ils font corps avec leur environnement, attendant le moment propice pour se rassembler et lancer leurs attaques». Ould Babah et son équipe ont constaté très tôt que la pulvérisation à grande échelle d'importantes quantités de pesticides, lorsque l'invasion a déjà commencé, n'était pas le meilleur moyen d'atténuer la menace. Outre le fait qu'elles ont peu d'effet sur cet acridien, les substances chimiques utilisées constituent une grave menace pour la salubrité du milieu et la santé humaine. C'est pourquoi le CNLA a élaboré une stratégie de lutte préventive et d'alerte rapide consistant à utiliser des quantités réduites de pesticides sur de petites populations de criquets pèlerins, avant qu'ils ne puissent constituer des essaims et d'envahir les zones agricoles où ils peuvent détruire les cultures de subsistance et de rente. Le CNLA a déployé sur le terrain 25 équipes. Elles ont détruit les premières populations en utilisant de petites quantités de pesticides. En novembre, le traitement de 13.000 hectares de terres seulement avait suffi pour endiguer l'invasion. Des activités de surveillance se poursuivent en prévision de la prochaine saison des pluies. Les activités du CNLA sont financées dans le cadre du Programme d'intervention acridienne d'urgence en Afrique, une opération appuyée par la Banque mondiale au moyen d'un prêt de 60 millions de dollars, qui couvre sept pays du Sahel. Ce projet, qui devrait prendre fin en juin 2010, a eu un impact significatif et a contribué à réduire la vulnérabilité des pays concernés aux invasions acridiennes actuelles et futures. L'Algérie a consacré 3 milliards de dinars pour lutter contre une probable invasion acridienne. Début novembre dernier, le DG de l'Institut national de protection des végétaux (INPV) a estimé que la menace acridienne était «réelle» pour l'Algérie. «Les prémices d'une invasion acridienne du pays sont là. Si les conditions écologiques sont favorables, on pourrait assister à une invasion acridienne durant le printemps 2010», avait averti le même responsable. Un dispositif de veille a été mis en place tout au long des frontières Sud. Des équipes spécialisées ont été dépêchées pour intervenir à tout moment. L'INPV dispose d'une flotte de 12 hélicoptères appartenant au ministère de la Défense. Le ministère de l'Agriculture, de son côté, a pris une panoplie de mesures préventives antiacridiennes en prévision d'une invasion à partir de la Mauritanie. Il s'agit surtout du suivi du développement du couvert végétal saisonnier du Nord de la Mauritanie par le biais de photos satellitaires prises par l'agence spatiale algérienne. Le ministère a également mis à la disposition des wilayas de l'extrême Sud : Bechar, Tamanrasset et Adrar, des moyens d'intervention. Le dispositif national d'intervention a été installé depuis l'invasion acridienne de 2004-2005. Il a été renforcé par quatre équipes de contrôle et de traitement relevant de l'Institut national de prévention des végétaux, signale-t-on. En 2005, l'Algérie a déboursé 29 milliards de dinars pour lutter contre l'invasion des criquets pèlerins venus du Nord de la Mauritanie.