Malgré la très basse température -moins 30 degrés- la rencontre du G7 dans le Grand nord canadien risque de chauffer dès ce matin. Le point d'achoppement : la chasse aux phoques. Depuis vendredi, les pays du G7 se trouvent dans le Grand nord canadien où leur séjour ne sera consacré exclusivement à parler économie, finances et de Haïti. Pendant une bonne période, ils iront sillonner la Toundra à bord de traîneaux bien emmitouflés dans leurs nouveaux vêtements chauds avec au menu, de la viande de phoque, entre autres. Pour leur première réunion annuelle organisée par le Canada, qui préside cette année le G7, les grands argentiers ont rendez-vous à Iqaluit. Cette bourgade d'environ 7.500 habitants dont le nom signifierait «poisson» dans la langue inuite et n'est autre que la capitale du territoire du Nunavut. C'est dire qu'ils devront s'armer de moufles, chapkas, raquettes et autres manteaux de fourrure. Cependant, ce choix n'a rien d'innocent. D'une part, vu la température «sibérienne» et les difficultés de transit, les autorités canadiennes ont considérablement réduit les risques de manifestation des altermondialistes et autres militants anticapitalistes. Le Nunavut, dont la taille correspond à peu près à celle de l'Europe de l'Ouest, couvre le cinquième du Canada et s'étend sur trois fuseaux horaires dans la partie la plus boréale de l'Amérique du Nord. Il comprend la collectivité d'Alert, le lieu habité en permanence, le plus septentrional au monde, situé à seulement 817 kilomètres (508 milles) du pôle Nord. La partie continentale du territoire est une vaste étendue essentiellement sauvage. Lieu où la toundra boréale austère fait place à des falaises et des plateaux le long du passage du Nord-ouest. D'autre part, le Canada veut sans doute réaffirmer son autorité sur ces territoires du Grand Nord, qui attisent les convoitises. L'épisode du sous-marin russe qui a déposé au fond de l'océan Arctique le drapeau de la Russie à la verticale du pôle Nord, le 2 août 2007, reste dans les mémoires. En troisième lieu, outre son intention de faire découvrir une autre facette du Canada, le gouvernement a sans doute voulu aussi réaffirmer son autorité sur cette province. Mais en fait, c'est toute la question de la chasse aux phoques qui risque de faire surface, quitte à ce que Brigitte Bardot ressente des frissons au plus profond d'elle-même. L'Union européenne et les États-Unis (soit cinq pays du G7) interdisent les produits de la chasse de ce mammifère. Mais à Iqaluit, les fauteuils sont garnis de peau de phoque, aussi banal là-bas que le cuir de vache ailleurs. L'Europe est en voie d'interdire tous les produits dérivés de cette activité, mais les délégations du Royaume-Uni, d'Allemagne, de France et d'Italie seront confrontées aux fruits de cette chasse controversée à tous les coins de rue lors de leur visite à Iqaluit. La partie consacrée aux affaires au cours des rencontres aura lieu dès ce matin. À l'ordre du jour, la réforme du système financier, la monnaie chinoise, qui est sous-évaluée, la manière et le moment pour les pays de s'attaquer aux déficits de plus en plus importants et à la reconstruction d'Haïti. Les ministres des Finances et dirigeants des banques centrales du G7 aborderont différentes questions économiques lors de leur somment, incluant la reprise, l'augmentation de la dette gouvernementale, les déséquilibres mondiaux, le taux de change des devises et les échanges commerciaux. La question d'Haïti a été ajoutée au programme. Les pays membres du G7 figurent parmi les plus importants à contribuer à l'aide internationale au pays dévasté en janvier dernier par un séisme. Par ailleurs, les ministres des Finances du G7 comptent revoir les mesures prises depuis la crise financière de l'an dernier. Ceci pour soutenir la relance économique. Les gouverneurs des banques centrales, dont le Canadien Mark Carney, participeront également à cette rencontre, tout comme le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn. Depuis l'éclatement de la crise, en 2008, le G20 est devenu le principal forum international pour discuter de l'état de l'économie de la planète. Cette nouvelle donne permettra au G7 de revenir à ses racines, soit de redevenir une organisation où les échanges entre les leaders sont «informels» et «francs», au lieu d'argumenter pendant des heures sur la teneur des paragraphes d'un communiqué de presse final. La réunion des ministres des Finances se déroulera à l'Assemblée législative du Nunavut. «Cette réunion arrive à un moment critique pour l'économie mondiale. La reprise qui s'est amorcée demeure somme toute fragile. Il n'y a vraiment pas lieu de nous reposer sur nos lauriers. Il nous reste d'importants défis à relever», a dit le haut fonctionnaire. De Montréal Abdelkader DJEBBAR