Kezoul L Les chefs d'entreprises sont de plus en plus déconcertés. Malmenés par les dernières mesures de régulation du commerce extérieur et de l'investissement, les opérateurs économiques ne savent plus à quel saint se vouer. Les mesures censées restreindre l'importation, à l'image de l'obligation de passer de passer par le crédit documentaire, sont à leurs yeux des mesures qui pénalisent nettement plus les producteurs qu'elles contribuent à réduire les importations. Le besoin de restreindre l'espace ouvert à l'investissement étranger qui peut être justifié dans quelques secteurs stratégiques n'a pas la raison d'être dans tous les autres secteurs d'activité pour lesquels notre pays accuse des retards technologies significatifs. Est-il juste de limiter la part étrangère à 49% dans l'investissement lorsqu'elle est autorisée à 70% dans les activités de pur commerce ? N'est-il pas opportun d'inverser cette règle ? L'abandonnement des réformes structurelles, pourtant présentées, il y a peu comme des réformes vitales, est-il réellement justifiés ? Ce sont là quelques unes des interrogations des chefs d'entreprises réunis hier à l'Hôtel El Aurassi (Alger). Le président du Forum des Chefs d'entreprises, M. Réda Hamiani, dans son allocution d'ouverture a planté le décor en estimant que les dernières orientations de la politique économique publique, loin d'aider à simplifier l'environnement de l'entreprise, s'acharnent, au contraire, à la parsemer à chaque fois de nouveaux obstacles. «Le retour vers des pratiques centrées sur la restriction administratives de l'acte de commerce comme de l'acte d'investir, est une fausse solution qui ne fait que limiter chaque jour un peu plus une offre nationale déjà insuffisante tout en favorisant le gaspillage de ressources rares, tirées des hydrocarbures» a-t-il souligné. M.Hamiani a indiqué que «le gonflement exponentiel du budget d'équipement de l'Etat, les dépenses d'équipement public sont passées d'un volume annuel de 453 milliards de dinars en 2002 à 2.814 milliards en 2009, ne profite que marginalement à l'entreprise algérienne et, par conséquence, ne produit que peu de résultats en termes de croissance de l'économie nationale». Le FCE a effectivement noté avec beaucoup de préoccupations comment notre pays est passé en quelques années seulement d'un niveau des importations de marchandises qui se situait entre 10 à 12 milliards de dollars à près de 40 milliards de dollars. Au cours de la même période les importations de services sont passées de 2 à 3 milliards de dollars à près de 11 milliards de dollars. Cependant, a-t-il expliqué, si ce niveau d'importation est en soit une source de préoccupation, il n'en demeure pas moins que cette explosion de la facture des importations est directement liée à l'augmentation de la facture, sans précédent, du niveau des dépenses d'équipement du budget de l'Etat. Et puis à qui la faute ? «Chaque fois que nous avons eu à alerter nos autorités sur certaines difficultés ou soumettre quelques réserves concernant une réforme particulière, celles-ci se sont souvent avérées fondées avec le temps» a affirmé M.Hamiani. Il cite dans ce cadre la loi sur les hydrocarbures, l'accord d'association avec l'Union Européenne, la zone de libre échange arabe…Les événements ont fini par donner raison au FCE, aussi bien pour la réforme du secteur des hydrocarbures que pour l'impact de l'accord d'association. Que de temps perdu. Qui fait qu'aujourd'hui, et les experts le soulignent parfaitement, l'économie algérienne est une économie rentière. En effet le professeur Abdelmadjid Bouzidi trouve que le régime de croissance de l'économie algérienne «n'est pas bon». Il est coûteux, excessif et éphémère. Le professeur Bouzidi indique que la croissance algérienne est surtout portée par les dépenses publiques. En 2009 l'investissement public est évalué à 48%, l'investissement privé 15% et les investissements 1%. Sur 4228 projets inscrits auprès de l'ANDI, 5% seulement sont réalisés, 10% en cours de réalisation. 53% des projets sont en autofinancement. Le taux d'investissement public entre 2005 et 2009 est estimé à 10% du produit intérieur brut. Alors qu'il n'était que 6% du PIB en 1991. La contribution de la consommation à la croissance est faible. L'Algérie exporte essentiellement des hydrocarbures (98%). M. Hédir pense lui aussi que croissance économique insuffisante. «Selon les experts du MIPI, une des raisons de l'inefficacité de l'investissement national est celle du manque de visibilité que rencontrent les acteurs sur le terrain… Abdelatif Benachenhou, dans son livre pour une meilleure croissance met en garde contre le retour aux gestions du passé, aux tentations protectionnistes et à l'attrait de la dépense facile et du gaspillage des ressources publiques. Le FMI dans son dernier rapport note que l'Algérie est l'économie la moins compétitive; Le climat des affaires y est le plus mauvais. Le système financier y est le plus inefficace» a rappelé M. Hédir relevant les difficultés pour les entreprises d'accéder aux marchés extérieurs. Evoquant le problème de logistique, Hédir indique que le coût moyen de transport d'un conteneur à l'importation est de 858 dollars en Tunisie, de 1000 dollars au Maroc et de 1428 dollars en Algérie. A l'exportation, le même conteneur coûte en moyenne 733 dollars en Tunisie, 700 dollars au Maroc et 1248 en Algérie Le surcoût annuel pour le pays sur l'ensemble de la chaîne (transport maritime et ports) est estimé entre 5 et 7 Milliards de dollars. Le temps moyen de transit d'une marchandise dans le port est estimé actuellement à plus de trois semaines (7 jours en Tunisie – 3 jours au Maroc). «Personnellement je suis inquiet pour mes activités, inquiet pour l'économie du pays mais également pour mon pays» a affirmé M. Omar Ramdane, président d'honneur du FCE et patron de «Moderne Céramique», un pessimisme que le délégué général de l'ABEF trouve exagéré, mais que d'aucuns jugent réaliste. Pour Omar Ramdane, «le nationalisme c'est d'aimer l'Algérie et les Agériens. C'est travaillé pour que ce pays soit prospère. Tout le reste n'est que slogan».