Souveraineté nationale et sécurité alimentaire. Voilà les axiomes des prochains pourparlers de l'Algérie avec l'Union européenne (UE), dont le prélude est prévu à partir du 15 juin prochain. Selon les responsables algériens, cette réunion sera décisive pour trancher le nœud Gordien de plusieurs questions cruciales, et surtout celles portant sur «la sécurité alimentaire». En effet, une évaluation de l'application de cet accord se fera, le 15 juin prochain, à Bruxelles, lors de la réunion du Conseil d'association Algérie-UE. Stefan Füler, commissaire européen en charge de l'élargissement et de la politique de bon voisinage fera, le 19 mai, un déplacement à Alger (pour la 1ère fois, ndlr) pour préparer la feuille de route de cette réunion qualifiée d' «importante» et de «cruciale» par les deux parties. Alors qu'en septembre, les négociations porteront exclusivement sur la question de la sécurité alimentaire. Ce rendez-vous est prévu 5 années après l'entrée en vigueur de l'accord, au terme de laquelle, l'Algérie et la Communauté européenne examineront les possibilités d'une libéralisation progressive de leur commerce agricole, pour passer à la phase 2. Cette deuxième phase de l'accord prévoit des concessions réciproques pour un bon nombre de produits agricoles, de produits agricoles transformés ainsi que de produits de la pêche. Dans cet ordre d'idées, Rachid Benaïssa, ministre de l'Agriculture, a déclaré ce jeudi qu'«au moment des négociations (celles du 15 juin prochain), vous saurez ce que nous allons demander. Il est clair que l'amélioration de la production et de la sécurité alimentaire est intimement liée à la souveraineté nationale». Du côté agriculteurs, on a vivement critiqué cette clause de l'accord car « nous ne sommes pas prêts pour concurrencer les produits agricoles européens dopés aux engrais et génétiquement modifiés», déclarent plusieurs agriculteurs. Et de renchérir : «si ces clauses portant sur la libéralisation définitive seront signées pour ses produits agricoles, on peut dire adieu au développement de l'agriculture. Nos produits locaux ne pourront pas faire face et seront réduits à des compléments de cultures bios alors que les produits européens seront massivement consommés». Rachid Benaïssa qui s'exprimait en marge de la signature d'un accord-cadre de financement entre l'Office algérien interprofessionnel des céréales(OAIC) et la Banque de l'agriculture et de développement rural (BADR), a dit, même à demi-mots, que les négociateurs algériens seront intransigeants quant au démantèlement tarifaire relatif aux produits agricoles. « Nous ne voulons nullement fermer nos frontières. Nous voulons juste améliorer nos capacités de production», a déclaré le ministre de l'agriculture. Et de poursuivre : «nous avons constaté que lors de la crise alimentaire de 2008, les systèmes de régulation ne fonctionnent pas toujours. Certains pays ont refusé de vendre le riz malgré les accords qui les liaient à d'autres pays. Cela donne à réfléchir. Il faut agir en conséquences». En fait, le ministre de l'agriculture prend en considération les insuffisances et deux poids deux mesures des clauses signées pour les autres produits industriels. Pour rappel, le ministre des Finances, Karim Djoudi avait révélé, dans son intervention au Forum Crans Montana que depuis son entrée en vigueur, «le démantèlement tarifaire retenu dans l'accord d'association s'est traduit au plan du budget de l'Etat par un manque à gagner évalué à 2,2 milliards de dollars, et cela en contexte de forte sollicitation de la ressource publique pour la couverture financière du budget de l'Etat ». A la fin du démantèlement tarifaire, prévu à l'horizon 2017, le manque à gagner passerait, selon le 1er argentier du pays, à 3,5 milliards de dollars. Pourtant, le ministre ne prend pas en considération les produits agricoles mais parle d'une façon générale, c'est-à-dire, en se basant sur les statistiques portant exclusivement sur les produits industriels. Dans tous les cas de figures, Karim Djoudi reste sceptique, «c'est moins de ressources fiscales, peu d'investissements, peu d'exportations hors hydrocarbures et une économie qui pourrait privilégier l'acte de commercer à celui de produire ». Ce constat fait avec amertume par Karim Djoudi n'était même pas prévisible pour les moins optimistes du gouvernement. On parlait, on pérorait sur un accord qui apportera «une prospérité partagée», dans un processus «gagnant-gagnant» et de fameux IDE (investissements directs étrangers). Un haut responsable disait que « cet accord mettra fin à l'archaïsme et l'obsolescence de l'économie algérienne. Quant au ministre des Affaires étrangères de l'époque, il déclarait qu'« il était convaincu que la protection du produit national n'aurait pas servi à grand-chose. Ce serait en quelque sorte une prime à la médiocrité et la stagnation », ce qui n'empêchera pas Abdelaziz Belkhadem de dire plus tard que « l'Algérie n'était pas pressée de ratifier l'accord» en question. Loin des propos sentencieux de l'époque, aujourd'hui, les responsables algériens sont unanimes : les retombées de cet accord sont négatives. Mais reste le rendez -vous du 15 juin qui sera une opportunité pour corriger les insuffisances constatées précédemment». Sur cette optique, les déclarations vives du ministre de l'agriculture, Rachid Benaïssa faisant la corrélation directe entre «souveraineté nationale et sécurité alimentaire» a d'ores et déjà corsé le débat futur. Est-ce que l'Algérie est prête à geler cet accord association pour assurer sécurité alimentaire et ponctuer sa souveraineté ? Si l'Algérie joue pleinement ses atouts que lui confère son rôle stratégique dans le bassin méditerranéen, elle aura en effet toutes les chances d'influer positivement lors des prochains pourparlers (ceux du15 juin, ndlr), noteront des experts. Il faut savoir aussi, qu'entre l'Algérie et l'UE, l'accord d'association se veut global et intègre les questions liées à la sécurité. En effet, l'accord d'association entre l'Algérie et l'UE se distingue par le fait qu'il réserve un titre à part aux questions relevant du domaine de la justice et affaires intérieures par rapport aux accords d'association conclus entre l'UE et les autres pays du bassin méditerranéen. Les clauses de l'accord stipulent une coopération bilatérale sur des sujets de sécurité, à l'instar du terrorisme, la lutte contre la criminalité ou le crime organisé, le blanchiment d'argent, la corruption la circulation des personnes, la réadmission des personnes en situation irrégulière, le racisme ainsi que les questions juridiques et judiciaires. Un atout de taille pour l'Algérie pour faire valoir…ses droits. Au diable Vauvert, «la technocratie machiavélique». Les Algériens veulent, cette fois-ci, du concret.