Les propos de l'ambassadeur de France en Algérie qualifiant les événements du 8 Mai 45 "d'épouvantables massacres. Aussi dur que soient les faits", a déclaré le diplomate. "La France n'entend pas, n'entend plus les occultés. Le ton de la dénégation est terminé", a lancé Bernard Bajolet. Cette déclaration a été saluée par l'Association du 8 Mai 45. Son président, M. Makhlouf Aoufli estime cette déclaration insuffisante. "Les Algériens attendent des excuses", a-t-il souligné lundi sur les ondes d'une radio française. "Je pense que c'est un pas en avant, un pas très important. Dois-je rappeler qu'en 2005, il y avait eu une déclaration à peu près similaire du prédécesseur de M. Bajolet en l'occurrence, l'ambassadeur De Lavierdière à Sétif". Il dit qu'à titre symbolique, le choix du 8 Mai 45, et dois-je rappeler qu'à cette occasion plus de 45 000 Algériens ont été tués par les policiers, les miliciens et "je dirais même des soldats français. Cet acte criminel abominable qu'on ne peut effectivement pas nier et qui est survenu au lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale".Il souligne que c'est à partir de là qu'a été provoquée la cassure entre les Algériens et la France. "Ce n'est pas nous qui l'avons dit. Si vous prenez la déclaration du général Duval qui disait à ses supérieurs : "je vous ai gagné dix ans de paix", ce sont des propos prémonitoires parce que de 1945 à 1954, il y eut le soulèvement des Algériens pour se libérer du joug du colonialisme et d'anciens colons".Interrogé sur les déclarations de l'ambassadeur de France à Guelma qui a, pour la première fois, utilisé le mot "massacre", le président de l'association du 8 Mai 45 dit : "C'est une très bonne chose de le reconnaître. Nous, nous aurions préféré qu'il utilisa l'allocution "crime contre l'humanité" en ce sens qu'il y a une discrimination raciale et raciste qui convient totalement à la qualification du "crime contre l'humanité". Il ajoute qu'en plus de cela, quand il y a un massacre, il faut reconnaître qui sont les auteurs. "C'est bien beau de viser les pieds-noirs, mais c'est un crime d'Etat. Ces gens-là ont agi sous l'autorité de l'Etat". "Nous attendons de la France qu'elle présente des excuses. Est-ce que l'Italie , lorsqu'elle a reconnu ce qu'elle a fait en Libye, avait, tenez-vous bien, consenti une indemnisation ; elle a prévu de construire une autoroute à titre de dédommagement. Est-ce que cela a diminué l'Italie ? Lorsque le chancelier Aznawer, s'est recueilli sur la tombe de Jean Moulin, est-ce que cela a diminué l'Allemagne. Au contraire, cela a été le point de départ d'une réconciliation entre les peuples allemand et français et surtout le point de départ d'une coopération fructueuse".M. Makhlouf poursuit : "Je n'oserais pas utiliser le mot repentance , il y a une connotation religieuse mais des excuses doivent être faites".Le président Nicolas Sarkozy lors de sa campagne électorale a déclaré qu'il n'y aura pas de "repentance", ce qui a fait dire au président de l'association du 8 Mai 45 : "Nous, en ce qui nous concerne, nous continuerons à revendiquer cette exigence. Il s'agit en fin de compte si M. Bajolet parlait au nom de l'Etat français. Et je pense qu'il l'est, il représente l'Etat français. Dans ce cas, les autres responsables de l'Etat français doivent suivre". Maintenant, s'il faut s'attendre à une déclaration comme celle du président Sarkozy qui déclarait "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire". Pour sa part, Benjamin Stora, historien spécialiste de l'Algérie, a estimé que la déclaration de Bernard Bajolet est "importante". C'est la première fois que la France reconnaît officiellement sa responsabilité. Non seulement l'ambassadeur a qualifié les faits, en parlant de "massacres", mais il a reconnu "la très lourde responsabilité des autorités françaises de l'époque dans ce déchaînement de folie meurtrière qui a fait des milliers de victimes innocentes, presque toutes Algériennes, Hubert Colin Verdière (ancien ambassadeur de France en Algérie NDLR), avait seulement évoqué en 2005 une "tragédie inexcusable".Il explique ce tournant par une véritable volonté de tourner la page en vue de construire l'Union méditerranéenne, dont le premier sommet est prévu le 13 juillet à Paris. "Ce n'est d'ailleurs, peut-être, pas un hasard si cette déclaration intervient au moment où Nicolas Sarkozy est en Tunisie. L'Algérie avec ses 1 200 km de frontières le long de la Méditerranée, est un partenaire économique et politique incontournable de cette Union". A la question de savoir si la France va-t-elle finir par présenter des excuses, comme le souhaiterait l'Algérie ? Benjamin Stora répond : "Pas forcément. La France est prête à la reconnaissance, pas à la repentance". La presse algérienne l'a regretté lundi. Les propos de Bernard Bajolet ont toutefois fait la une des journaux, ce qui prouve leur portée. Reconnaître la blessure de l'autre, c'est déjà une étape importante.