L'écrivaine algérienne d'expression française, Assia Djebbar ainsi que son œuvre feront l'objet à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 30 juin d'un colloque international à Cerisy en France. La romancière sera présente à ce rendez-vous que dirigera Wolfgang Asholt, Mireille Calle-Gruber et Dominique Combe. Nominée deux fois (2005 et 2006) au très prestigieux prix Nobel aux cotés du poète Syro - Libanais Adonis, le Tchèque Milan Kundera, l'Américaine Joyce Carol Oates, la Britannique Doris Lessing ou le Japonais Haruki Murakami, l'écrivaine algérienne sera finalement le 22 juin 2006 sous la coupole de l'Académie française. Un titre très honorifique puisque Assia Djebbar sera la première femme maghrébine a accéder au “ fauteuil immortel ” de la très glorieuse institution de l'académie française. Lors de son investiture officielle, elle lira un texte lourd de sens dont voici la teneur : “J'ai eu le sentiment “ presque physique ” que les portes de la vénérable institution du Quai Conti “ ne s'ouvraient pas pour moi seule, ni pour mes seuls livres, mais pour les ombres encore vives de mes confrères - écrivains, journalistes, intellectuels, femmes et hommes d'Algérie qui, dans la décennie quatre-vingt-dix ont payé de leur vie le fait d'écrire, d'exposer leurs idées ou tout simplement d'enseigner... en langue française.” Une langue française dont elle dit qu'elle est, “ lieu de creusement de mon travail, espace de ma méditation ou de ma rêverie, cible de mon utopie peut-être... ”.Après avoir rappelé que “ le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie ! ”, Assia Djebar a conclu son discours de réception sous la coupole de l'Académie sur “ un vœu de “ shefa ” ” (guérison), “ car mon français, dira-t-elle, doublé par le velours, mais aussi les épines des langues autrefois occultées, cicatrisera peut-être mes blessures mémorielles. ” Même si selon certains éditeurs algériens, les livres de la romancière ne se vendent pas aussi bien que ceux d'un Yasmina Khadra par exemple, le tout nouveau venu à l'arène littéraire, ses ouvrages sont largement enseignés dans les universités occidentales notamment en Algérie. Ils font sans cesse l'objet de recherches à travers des thèses littéraires et linguistiques. L'an dernier France Culture avait proposé un excellent document consacré à l'auteur “ Des Alouettes naïves enregistré en public et en présence de l'auteur lors de la soirée de clôture du Festival “ Textes & Voix ”, en février à Paris. La même année France 5 diffusa un autre documentaire intitulé, Assia Djebbar, la soif d'écrire, qui fut une sorte de portrait signé Frédéric Mitterrand et Virginie Oks. De l'Algérie natale à New York où elle enseigne aujourd'hui en passant par l'Allemagne qui l'a honorée à plusieurs reprises, le film revient sur le parcours de l'écrivaine, de son initiation à la littérature à son admission à l'Académie française. Vers la fin de l'année dernière étaient publiés deux de ses livres Nulle part dans la maison de mon père ainsi que La Disparition de la langue française chez Fayard dont le premier contenait des fragments autobiographiques. L'année d'avant, paraissait Oran langue morte, son recueil de nouvelles, contes et récits, sorti aux Etats-Unis sous le titre de The Tongue's Blood Doesn't Run Dry, lequel reprend, “ Le sang ne sèche pas, simplement il s'éteint ”, une citation tirée de Vaste est la prison qui figure dans l'intitulé de la postface à l'édition française (Actes Sud, 1997). Auteur prolifique (romans, poésie, nouvelles, essais, théâtre) et réalisatrice, née Fatma-Zohra Imalhayene en 1936 à Cherchell, Assia Djebbar est la plus célèbre écrivaine algérienne de langue française. Son œuvre interroge l'histoire et des destins de femmes dans les sociétés musulmanes. Traduite dans une vingtaine de langues, la romancière a été primée à plusieurs reprises aux quatre coins du globe.