Les œuvres de Assia Djebbar, l'écrivaine algérienne d'expression française, seront, au mois de juin prochain, au centre d'un colloque international à Cerisy sous la direction de Wolfgang Asholt, Mireille Calle-Gruber et Dominique Combe. Cette rencontre fait sans doute suite à la sortie, le 31 octobre 2007 chez Fayard, des fragments autobiographiques de l'écrivaine, sous le titre, Nulle part dans la maison de mon père. Ce n'est pas le premier rendez-vous consacré à cette femme de lettres, la seule en Afrique qui a accédé au prestigieux fauteuil des Immortels en 2006, à l'Académie française. Ces œuvres ont été le 25 août dernier, au centre d'un débat intitulé Correspondance retrouvée. C'était le Centre François Mauriac de Malagar qui a accueilli l'auteur de Alouettes naïves sur la base de ses textes lus sur une musique de Jean-Jacques Quesada. Le mois de mars de l'an dernier, le journaliste et écrivain français, Frédéric Mitterrand avait consacré un portrait coloré de Assia Djebbar sous le titre La soif d'écrire. Ce documentaire diffusé sur France 5 revenait sur le parcours de l'écrivaine, de son initiation à la littérature ainsi qu'à son admission récente à l'Académie française. Oran langue morte, son recueil de nouvelles, conte et récit est paru en novembre aux Etats-Unis sous le titre de The Tongue's Blood Doesn't Run Dry. En octobre 2005, la femme de lettres était portée, tout comme les grands noms de la littérature, à l'image du poète Syro - Libanais Adonis, le Tchèque Milan Kundera, l'Américaine Joyce Carol Oates, la Britannique Doris Lessing ou le Japonais Haruki Murakami, sur la liste des nominés au Nobel. Evoquant son accession au fauteuil de l'Académie française, elle avait évoqué et soutenu qu'elle a eu le sentiment “ presque physique ” que les portes de la vénérable institution du Quai Conti “ ne s'ouvraient pas pour moi seule, ni pour mes seuls livres, mais pour les ombres encore vives de mes confrères - écrivains, journalistes, intellectuels, femmes et hommes d'Algérie qui, dans la décennie quatre-vingt-dix ont payé de leur vie le fait d'écrire, d'exposer leurs idées ou tout simplement d'enseigner... en langue française. ” Une langue française dont elle dit qu'elle est, “ lieu de creusement de mon travail, espace de ma méditation ou de ma rêverie, cible de mon utopie peut-être... ”. Après avoir rappelé que “ le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie ! ”, Assia Djebar a conclu son discours de réception sous la coupole de l'Académie sur “ un vœu de “ shiffa ” ” (guérison), “ car mon français, dira-t-elle, doublé par le velours, mais aussi les épines des langues autrefois occultées, cicatrisera peut-être mes blessures mémorielles. ” Une nouvelle édition d'Ombre sultane a vu le jour en février 2006 aux éditions Albin Michel. Durant le mois de novembre, Les Enfants du nouveau monde, le troisième roman d'Assia Djebar paru en 1962, qui met en lumière les histoires et les questionnements d'une galerie de personnages féminins au cœur de la guerre d'Indépendance, a été publié en anglais sous le titre de Children of the New World. Auteure prolifique et signataire de plusieurs œuvres, notamment des romans, des recueils de poésie, des nouvelles, des essais, du théâtre, et même réalisatrice, -Fatma-Zohra Imalhayène sur l'état civil-, Assia Djebbar, est née en 1936 dans la ville de Cherchell à l'ouest d'Alger. Son œuvre interroge l'histoire et les destins de femmes dans les sociétés musulmanes. Après le collège à Blida et le lycée à Alger et Paris, elle est la première étudiante musulmane à entrer à l'École normale supérieure de Sèvres. Elle suit le mot d'ordre de grève des étudiants algériens de 1956 et entame une carrière littéraire inaugurée avec La Soif (1957) et Les Impatients (1958). Contrainte à quitter l'École de Sèvres en 1958, elle se marie et se réfugie à Tunis où elle travaille en qualité de journaliste, puis, à la faveur d'un D.E.S. en Histoire, de professeur à Rabat et Alger. 1962 voit publier Les Enfants du nouveau monde où Assia Djebar éclaire déjà, à sa façon, la présence des femmes dans la guerre d'Indépendance. En 1965, elle quitte une nouvelle fois l'Algérie pour la France où parait Les Allouettes naïves en 1967. De 1974 à 1980, Assia Djebar retourne enseigner la littérature française et la sémiologie du cinéma à l'Université d'Alger. Durant cette période où elle s'arrête de publier, elle se met à l'étude de la langue arabe et réalise deux films. A nouveau à Paris où elle s'est établie depuis 1980, elle publie Femmes d'Alger dans leur appartement. Son doctorat ès lettres, entrepris à l'université Paul Valéry de Montpellier, lui ouvre les portes d'une carrière universitaire poursuivie aux Etats-Unis. De 1997 à 2001, Assia Djebar a dirigé le Centre d'études françaises et francophones de la Louisiana State University. Elle enseigne, aujourd'hui, à la New York University. Traduite dans une vingtaine de langues, la romancière a été primée à plusieurs reprises en Occident.