Assia Djebbar, trois fois candidate malheureuse au prix Nobel de littérature décernée cette année avec surprisse à l'allemande Hurta Muller, était entre le 10 et 12 octobre au centre de l'actualité de la radio suédoise. Celle-ci a diffusé sous forme d'un feuilleton en 25 parties, un enregistrement de “Nulle part dans la maison de mon père”, le dernier pavé de la romancière. Intitulée Ingenstans i min fars hus, la traduction est signée Ingvar Rydberg et la narration assurée par la comédienne Marie Göranzon du Sweden's Royal Dramatic Theatre. Outre “Nulle part dans la maison de mon père”, “Vaste est la prison”, “L'Amour”, “la fantasia” et “Ombre sultane” ont également été traduits en suédois par Ingvar Rydberg et publiés aux éditions Leopard. Entre le 15 et le 23 octobre, l'écrivaine algérienne d'expression française sera l'invité au Festival international du film de Rome. Sous la présidence du cinéaste américano-tchèque Milos Forman et aux côtés de l'actrice allemande Senta Berger, de l'architecte italienne Gae Aulenti, du cinéaste russe Pavel Lungin et du scénariste et académicien français Jean-Loup Dabadie, Assia Djebbar compte parmi les jurés du prochain Festival du Film de Rome. Avec Histoires des droits de l'homme (Stories on Human Rights), une initiative du Haut-Commissariat aux Droits de l'homme de l'ONU, des réalisateurs, artistes et écrivains de renommée internationale, ont été associés à la commémoration du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'homme. 22 réalisateurs ont ainsi contribué à la confection d'un film composé d'autant de courts de 3 minutes, inspirés par les 6 thèmes de ladite Déclaration : culture, développement, dignité et justice, environnement, égalité des sexes et participation. Sur le même principe, le projet comporte en outre un livre (Editions Electa) avec les contributions de Gabriel Garcia Marquez, Khaled Hosseini, Roberto Saviano, Naguib Mahfuz, Elfriede Jelinek, Ruth Ozeki, Jose Saramago, Chimamanda Ngozi Adichie, Assia Djebbar, Nuruddin Farah, Toni Morrison et Mo Yan. La production du projet a été confiée à l'ONG ART for The World. Après les Italiennes Samantha Marenzi et Licia Maglietta, s'inspirant respectivement de Loin de Médine (Lontano da Medina) et de Vaste est la prison (Vasta è la prigione) d'Assia Djebbar, c'est au tour de l'actrice et productrice berlinoise d'origine irakienne Nadja Tenge de porter à la scène des textes choisis de l'écrivaine. Performance théâtrale à partir de textes d'Assia Djebbar et des Mille et une Nuits, sous la direction d'Ilona Zarypow, 1000 und eine Frau (Mille et une Femmes) mêle mots, chants et musique pour interroger les représentations et le sort fait aux femmes dans la tradition arabe. Assia Djebbar a été reçue le 22 juin 2006 sous la coupole de l'Académie française. Evoquant son élection de l'année précédente, elle dit avoir eu le sentiment "presque physique" que les portes de la vénérable institution du Quai Conti "ne s'ouvraient pas pour moi seule, ni pour mes seuls livres, mais pour les ombres encore vives de mes confrères - écrivains, journalistes, intellectuels, femmes et hommes d'Algérie qui, dans la décennie quatre-vingt-dix ont payé de leur vie le fait d'écrire, d'exposer leurs idées ou tout simplement d'enseigner... en langue française." Une langue française dont elle dit qu'elle est, "lieu de creusement de mon travail, espace de ma méditation ou de ma rêverie, cible de mon utopie peut-être...". Après avoir rappelé que "le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie !", Assia Djebbar a conclu son discours de réception sous la coupole de l'Académie sur "un vœu de " shefa' "" (guérison), "car mon français, dira-t-elle, doublé par le velours, mais aussi les épines des langues autrefois occultées, cicatrisera peut-être mes blessures mémorielles." Rachida Couri