Par Faouzia Belkichi Parce que le monde n'a jamais changé aussi vite, l'actualité internationale est, chaque jour, plus difficile à décrypter. Les grilles de lecture toutes faites ne suffisent pas. Certains thèmes s'imposent parce que tout le monde en parle. D'autres sujets plus lointains peuvent éclairer les grandes questions du moment. Rien de ce qui nous arrive n'est intelligible sans tenir compte de notre place dans le monde, sans être à l'écoute de la planète. Pour tenir le choc de la mondialisation, l'Europe vieillissante ne peut se passer d'immigration. Ce point n'est plus contesté, mais l'anarchie des flux migratoires et l'absence d'une véritable politique d'immigration continuent d'alimenter la polémique qui se nourrit du drame des sans papiers. Cette semaine c'était plus de trente morts dont plus de la moitié des enfants en bas âge qui ont perdu la vie dans la grande bleue. L'Europe a besoin de main-d'œuvre, ne serait-ce que pour aider à payer les retraites des classes d'âge les plus nombreuses. Elle ne peut pas, pour autant, "accueillir dignement tous ceux qui voient en elle un eldorado". Il faut donc organiser l'immigration en Europe. Telle est l'immense ambition du "Pacte" que la France veut faire adopter par ses partenaires lors de sa présidence de l'Union européenne, au cours des prochains mois. Mais surtout avec la naissance de l'Union pour la Méditerranée. Nicolas Sarkozy ne lésine pas sur ce sujet, il aura invité, sûrement, ses invités au cours de cette rencontre parisienne à plus de fermeté, de contrôle des frontières et évidemment à l'instauration d'une démocratie réelle au sein de l'Afrique souvent confrontée à des conflits favorisant les migrations. Par ailleurs, la France et l'Europe en général aspirent à la création d'une zone économique méditerranéenne pour ouvrir à leurs entreprises de nouveaux horizons. Le geste n'est ni gratuit, ni fortuit, tout est géopolitique et stratégie économique. Que peuvent, donc, espérer les pays du sud de la Méditerranée ? Rien, sinon un possible transfert de technologie conditionné, d'ailleurs, par la grosseur des contrats décrochés. Ou, peut-être la libre circulation des personnes, ce qui semble-t-il, relèverait de l'utopie. Alors le bilan est d'une simplicité déconcertante : Le Sud a tout à perdre que tout à gagner. Faut-il rappeler que l'Europe part de très loin. En 2004, l'Europe a absorbé 2,8 millions d'immigrants, selon l'OCDE. Rapporté à la population des Vingt-sept, c'est plus que nulle part ailleurs, l'Amérique du Nord comprise. Le nombre total de clandestins en Europe est estimé à huit millions. A une telle échelle, le problème ne peut être abordé au niveau des États. Le "Pacte européen" proposé prévoit, d'abord, " un effort collectif pour protéger les frontières de l'Union et une politique commune pour assurer le retour des clandestins, en accord avec les pays d'origine. Ce n'est que dans l'application de la loi et le respect du droit que les drames humains pourront être évités. Les régularisations massives seront abandonnées parce qu'elles encouragent les arrivées clandestines et prolongent la gestion anarchique de l'immigration, qu'il s'agit, justement, d'abolir ". Une question épineuse que Sarkozy a mis sur la table des négociations avec les pays du Maghreb, notamment. Les propositions françaises ont un côté utopique. Il est difficile d'imaginer qu'un problème aussi complexe puisse être réglé par un texte européen. Reste qu'il faut bien commencer quelque part et que le moment politique en Europe est favorable à une approche plus réaliste des questions d'immigration. Le Sud de la Méditerranée devrait lui aussi se soucier de la dignité et du salut de ses enfants, clandestins, fussent-ils.