Comme on l'a vu, depuis l'avènement de l'ordre colonial français en 1830, et bien avant l'émergence des multiples tendances culturelles, éducatives, et plus tard sociopolitiques et autres contestataires, l'Algérie est caractérisée par la prédominance de divers pôles socioculturels, s'activant chacun dans sa sphère de prédilection, de manière rivalisante et qui n'ont pas été sans engendrer des groupements associatifs ou partis ,idéologiquement affiliés, et dont les influences seront constatables jusqu'aux lendemains même de l'indépendance du pays. Ainsi, dans le contexte actuel de l'Algérie indépendante, l'on pourrait tenter de rattacher diverses associations à caractère politico-culturel, ou partis politiques, au pôle ou courant correspondant à l'affiliation ancestrale, dont ils sont l'incarnation ,plus ou moins fidèle, en quelque sorte, ou du moins se présentant, consciemment ou inconsciemment, dans la continuité fidèle de ses idéaux premiers, même si de nombreuses divergences les en distinguent, pour s'en être grandement écartés. Il n'est pas question ici de juger de quoi que ce soit mais juste de tenter d'exposer de simples constats de liens de parenté ou de filiations approximatifs, (ou dirions-nous de similitude dans le cas de non- affiliation ou de non fidélité doctrinale, ou de fidélité rompue , de changement de cap, etc.), susceptibles de contribuer à une certaine visibilité d'ensemble, en continuité avec ce qui a été développé ci-dessus et qui suivra plus loin. Ainsi, pour poursuivre ce jeu d'affiliation, d'apparentement ou tout simplement de rapport de similitude, on pourrait faire correspondre à la mouvance typique du pôle religieux traditionnel des zaouias ancestrales et Ouléma musulmans, de Ben Badis, El-Okbi, Cheikh Ibrahimi, entre autres, les options ou doxas actuelles des divers partis nationaux du présent paysage politique de tendance religieuse modérée ou réformiste ( islamiste). Ainsi à la mouvance nationaliste de l'Emir Abdelkader, Khaled, Messali Hadj, le MTLD-PPA;CRUA, FLN ( Front rassembleur historique) etc, correspondraient les actuels partis nationalistes qui seraient, en référence aux idéaux et buts fondamentaux de Novembre 1954, soit en accord avec, soit tout à fait déviants, et c'est tout à fait le cas aujord'hui bien en-deçà des objectifs assignés de la Révolution et de l'historique Front de Libération Nationale des militants nationalistes engagés corps et âme pour l'idéal d'indépendance et de prospérité générale d'une République algérienne démocratique et populaire, souveraine, unitaire et indivisible tel qu'indiqué dans ses principes fondateurs. Ainsi à la mouvance Jeunes Algériens du Dr Ben Jelloun, Ferhat Abbas, etc, prônant l'enjeu de la dimension libérale, semblent correspondre les partis pro- libéraliste actuels, et auxquels pourraient s'adjoindre la mouvance socio-culturaliste des activistes du mouvement associatif ou des indépendantistes, animateurs de la société civile, etc…Ainsi à l'autre mouvance de la gauche internationale semblent faire écho les partis de tendance gauche socialiste ou autre, de centre-gauche pro-libéraux, etc, cultivant aujourd'hui l'attrait fascinant de l'occidentalisme moderniste, après le culte d'obédience marxiste d'hier... Tout comme à l'autre tendance parallèle arabo-islamique d'antan pourraient correspondre certaines associations ou partis de l'arabo-islamisme exclusif… ainsi en est-il, vraisemblablement, de l'affiliation ou rapports de sympathie de certaines personnalités du monde politico -culturel, des affaires, etc, avec des zaouias notoires renaissant de leurs cendres ou renouant ,plus ou moins avec leurs gloires du passé ancestral, etc, etc… De meme qu' à certaine tendance culturaliste berbériste semblent correspondre, tout autant, certains partis ou associations de la mouvance identitariste berbère d'aujourd'hui, etc... Dualité traditionalistes / modernistes Evoquant cette question de dualité, un autre niveau d'évolution historique du pays, c'est-à-dire son caractère persistant depuis des lustres dans la société algérienne jusqu'au-delà de l'indépendance même, le Dr Djamel Guerid établissant son constat post 1962, et parlant de la composante humaine de la société indépendante algérienne et ses différentes catégories , en vient à la " scinder ", d'une manière générale, en la nouvelle dualité caractérisant " citoyens modernistes " d'une part , et " individus traditionalistes " , d'autre part. Ou encore, citant ce dualisme entre locuteurs nationaux actuels du français d'une part, et de l'arabe (ou du berbère) d'autre part, il finit par presque jurer à la façon précipitée des considérations populistes, et non point de l'examen critique rigoureux analytique, qu'on est là finalement en présence de " deux sociétés " ,ou de " deux Algérie " vivant,parallèlement côte à côte !? Assimilant ainsi, classes sociales différentes, ou conglomérats socioéconomiques et culturels divergents, mais apparentés à une même société, à deux types de sociétés radicalement opposées !. Exactement comme s'il s'agissait là de deux sociétés marginales vivant, côte à côte, totalement étrangères l'une à l'autre. Djamel Guerid sous-entendant par bien des passages, sinon des non-dits clairement suggestifs, cette ligne de démarcation étanche entre ces " deux types de populations " modernistes / traditionalistes, ou francophones / arabophones, instituant deux communautés virtuelles qui s'ignorent, vivant chacune dans son univers sociologique particulier, fondamentalement séparés l'un de l'autre !... Cependant, cette dualité oppositionnelle relevée, si hier durant la phase coloniale, elle paraissait tout à fait justifiée dans la totalité de sa dimension sociopolitico-culturelle-linguistique- civilisationnelle tranchée, du fait de l'opposition de deux sociétés ou deux communautés radicalement différentes, car s'agissant d'une part de la société coloniale d'occupation, et d'autre part de la société autochtone colonisée, aux lendemains de l'indépendance, cette dualité s'appliquant à l'ex-population autochtone libérée du joug colonial, et quoique comprenant des traditionalistes et modernistes, ou des francophones et des arabophones, et si aiguisée soit-elle, elle n'y apparaît point du tout , aujourd'hui, de façon aussi tranchée que l'universitaire l'affirme. Et ce du fait de l'évolution des choses et qu'on a affaire, présentement, dans l'Algérie de l'aube du troisième millénaire, non pas à deux types de sociétés juxtaposées, côte à côte, comme c'était bel et bien le cas, hier durant la colonisation entre société coloniale française et société algérienne indigène, mais plutôt à deux configurations sociales majeures, (et autres catégories sociales), dont les membres, quoique différents au point de vue socioéconomique et culturel, et divergents en bien de choses, sont malgré tout, tous partie prenante, d'une façon ou d'une autre, d'un même pays fondant la même identité plurale commune. Car, en dépit des différences de langues, de mœurs culturelles, de styles de vie, etc., les Algériens communient tous dans la même nationalité, la même langue maternelle de la daridja ( ou du tamazight), la même religion, le même arabe standard ou le même bilinguisme, les mêmes circonstances historiques et sociales, joies et peines et conjonctures socio-économiques et politiques en général, et partageant aussi nombre de préoccupations socioculturelles et sociopolitiques environnementales, et le même territoire national, voire ailleurs, extra-territorialement, les mêmes mouvements migratoires également vers l'étranger, etc., etc.…pour pouvoir aisément vite les classifier comme faisant partie de deux sociétés radicalement différentes l'une de l'autre ? Nombre d'éléments communs, comme ceux évoqués font qu' arabophones, berbérophones ou francophones, tous autant qu'ils sont, et de quelque tendance traditionnelle ou moderne qu'ils soient, sont d'abord et avant tout, tous des Algériens à part entière. L'Algérianité de ces derniers - malgré des différences notables de langages, de mœurs culturelles ou modus-vivendi de classe, etc. - ne saurait, en aucun cas, sous prétexte de la seule différence d'idiome d'usage, de niveau social, de style de vie autre, etc., pour qualifier ces deux classes sociales de " sociétés oppositionnelles différentes " constituer " deux Algérie " parallèles ?!?. Il y a certes des différences de strates sociales, de cultures, de catégories socio-culturelles, linguistiques çà et là caractérisant le pays, y compris visibles entre classes sociales cohabitant dans la même agglomération etc,( c'est le cas dans nombre de pays pour le signaler au passage) mais de là à parler de deux types de sociétés vivant de façon juxtaposée, côte à côte, ne communiquant jamais entre elles, comme n'hésitent pas à y insister également d'autres auteurs, prenant en ligne de compte, surtout, la caractéristique de " classe ", de caste , catégorie sociale ou l'origine ethnique, de la langue et tout ce qui leur est lié comme valeurs distinctives, apparemment, ce serait du point de vue de la logique d'entendement, aller un peu vite en besogne pour balancer de tels propos discriminatoires préjudiciables, vraisemblablement, à la vérité des faits et implications historiques ! Mohamed Ghriss Mail : [email protected]