Contrairement à ce que l'on a tendance à croire, la mondialisation ne constitue point du tout un phénomène récent. Déjà avec l'avènement du cinéma, de la télévision, entre autres, répandus à la faveur de l'électricité atteignant pratiquement les quatre coins du globe, la planétarisation commençait à devenir ainsi effective, dès les débuts du siècle écoulé.Et bien plus, encore, ce phénomène de la mondialisation, loin de remonter au commencement du siècle dernier, peut être situé en d'autres périodes beaucoup plus reculées de l'histoire, comme le considère le professeur Harod James, de l'université des sciences historiques de Princeton (USA).Relativisant les faits en les situant notamment dans un long processus de déploiement historique, le professeur évoque dans un ouvrage, quoique discutable " The end of globalization ", l'idée intéressante de " mondialisation multiple ", caractérisant certaines périodes historiques mondialistes particulières, inhérentes chacune, à un paradigme sociopolico-économique-culturel conjoncturel spécifique…Ainsi, partant de ce postulat, l'on pourrait parler, dès lors, de " mondialisation première époque " , " mondialisation seconde époque ", etc.…la plus récente, étant, bien sur l'actuelle,qualifiée par les observateurs d'" unipolaire " , et tout autant spécifique à une étape historique transitoire. C'est-à-dire que cette dernière est également appelée à évoluer vers une autre étape devant lui succéder, et qui est susceptible de déboucher, soit sur une "mondialisation plus large ", soit sur une tout autre phase, moins extensive et plus récessive, comportant peut- être des risques éventuels de bouleversements majeurs, brusques, tout à fait inattendus ! Le récent passé de l'histoire internationale n'est-il pas fort instructif à ce sujet ? Il y a à peine une soixantaine d'années , précédant la phase de " mondialisation actuelle " , l'ordre barbare du fascisme nazi a brusquement fait irruption dans l'histoire, en plein XX è siècle, modifiant de fond en comble, en l'intervalle d'un temps, la face du monde, imposant une sombre " mondialisation " sous dictat SS , avant de s'effondrer sous les coups de boutoir des forces alliées de la résistance internationale, et pour laisser place, ensuite , au déploiement de la " mondialisation bipolaire " post 1945 , marquée essentiellement par la dualité Est -Ouest des deux blocs USA -URSS : phase de bipolarité , qui , suite aux bouleversements historiques ,intervenus conséquemment , consacrera ,in fine, le triomphe final du camp Libéral , qui débouchera sur l'actuelle mondialisation, fondée sur l'hégémonie unipolaire de la " globalization " sous leadership U.S.Bien entendu, la présente phase de " mondialisation unipolaire " est elle -même appelée, en toute logique, à muter, progressivement vers l'étape évolutive attendue, en principe celle de la " multipolarité " démocratique , quasiment planétaire ", connectant l'ensemble des civilisations, économies et cultures du globe, soit la résurgence , en quelque sorte, de la mythique " Tour de Babel " antique , " s'affichant " en perspective....comme si l'Histoire réalisait un tour complet sur elle - même et reprenait son mouvement à l'origine, mais à un autre niveau plus large, similaire mais pas identique, la vision de l'éternel retour étant à prendre non dans son sens répétitif figé trompeur, mais dans son sens dynamique, incessamment novateur et recréateur à l'image des circonvolutions permanentes de la planète, apparemment pareilles mais jamais les mêmes. Comme quoi la notion de "mondialisation " est à considérer , somme toute, de façon " relative " , chacune survenant à un moment donné de l'histoire, étant spécifique à une période conjoncturelle particulière , ou comme indiqué ci-dessus, inhérente à un paradigme particulier , surgissant dans le cours processionnel évolutif de l'Histoire.Déjà au XVI è siècle, le hollandais Erasme en véritable cosmopolite se déplaçait allégrement de Rotterdam à Paris, et de Paris à Rome et à Oxford, etc. .Il vivait à l'époque de la Renaissance européenne dans un monde occidental unifié sur le plan économique, religieux, linguistique .Mais dès l'irruption de la réforme religieuse Luthérienne, l'Europe se scinde en deux parties antagonistes, opposant le Protestantisme au Catholicisme. Cette fracture a entraîné les guerres civiles et confusions doctrinaires entre les pays européens, annonçant, par là - même , la fin de leur unité religieuse et celle de leur hégémonie économique euro - méditerranéenne et au-delà africaine…Cependant la nouvelle reconfiguration socio - économico- scientifique et culturelle restructurant les rapports géopolitiques internationaux tout au long du XVI è au XIX è siècle sera derrière l'émergence, à l'échelon nettement international, d'une mondialité singulière, qui signifiait surtout à l'époque, l'extension des valeurs de l'Europe et de son commerce dans le monde : le coup d'envoi de la " première mondialisation " a été ainsi historiquement donné, dès le siècle de la Renaissance occidentale ( XV è siècle ) avec notamment les grandes innovations scientifiques et découvertes géographiques, à commencer par celle du continent américain par Christophe Colomb ( 1451-1506). Les Européens étant les prédécesseurs dans l'établissement de l'espace d'exploration géographiques mondial reliant toute l'humanité, et partant donc , ébauchant la mondialisation initiale , synonyme d'interrelation étroite de toutes les contrées et peuplades du globe .Agissant dans cette perspective, les Européens ont songé à une autre voie de communication que celle contraignante de la traditionnelle route de la soie : tenter d'atteindre la Chine et l'Inde par voie maritime pour s'approvisionner directement en soie, or, combustibles,etc. Ainsi Vasco de Gama fut le premier à joindre l'Inde par voie maritime et, entre 1519-1522, Magellan impulsera la première expédition autour du monde. Ce qui a rendu possible les liaisons Europe- Amérique, et aussi entre l'Europe et les différentes régions du globe, exception faite pour de grandes nations comme la Chine et le Japon, qui refoulaient l'infiltration européenne . Le Japon était protégé par sa ceinture maritime alors que la Chine l'était - et l'est toujours - par l'impressionnant nombre de ses habitants. Les expéditions d'évangélisation à destination du Japon ont toutes échoué, et ce pays ne s'est ouvert sur l'Occident que dans la moitié du XIX è siècle. Il a pu néanmoins bâtir une civilisation industrielle et technologique sophistiquée, au cachet culturel n'ayant rien à voir avec le patrimoine chrétien - occidental. Même chose pour la Chine, restée Confucéenne, malgré la présence chrétienne mais qui, après une certaine période d'enfermement, s'est finalement ouverte sur le monde contemporain des sciences et techniques modernes. Ces dernières, si elles se rencontrent un peu partout dans les foyers rayonnants, des diverses cultures et civilisations de l'humanité, elles n'ont connu cependant leur point de cristallisation et de développement fulgurant que lors de l'avènement,- comme on ne le sait que trop bien-, du paradigme révolutionnaire et révélationnaire de la Renaissance européenne, aux implications multidimensionnelles considérables qui se sont mondialement répercutés par la suite. L'histoire de la mondialisation, pour ainsi dire, est indissociable de l'histoire de l'expansion européenne, de ses apports scientifiques, découvertes géographiques et diverses expéditions vers L'Asie et l'Orient, etc. Jusqu' au XVI é siècle, les européens croyaient que le bassin méditerranéen constituait le centre du monde .Mais après les découvertes géographiques, les limites du monde, se sont soudainement élargies, et les yeux s'ouvraient alors, pleins d'étonnement, sur le spectacle d'un autre monde faisant tout autant partie de celui du leur , et reliant l'ensemble dans le cadre global " interconnecté " de la mondialisation " première époque " du cours de l'histoire . Celle - là même qui va étendre , par la suite , ses tentacules sur les premières colonies d'exploitation de l'or, de l'ivoire, du poivre, et notamment de la traite des esclaves , dont l'échange contre des produits manufacturés et du tabac, et les ventes en Europe rapportait d'énormes bénéfices aux colons -exploiteurs . " De cette rapide expansion économique jaillirent les circonstances qui permirent à l'Angleterre de réaliser une révolution industrielle. (...) Il en était de même en France. Les marchands des ports de l'Atlantique retiraient du " Grand Circuit " un bénéfice régulier de trois cent pour cent. "La fondation d'industries, des fortunes privées, la richesse publique, la reconstruction des villes, les gloires sociales d'une classe nouvelle , celle de gros négociants avides de charges publiques qui refléteraient leur importance économique (…) telles furent au total ", écrit Gaston - Martin , " les conséquences essentielles , pour la France du XVIII é siècle , de la traite africaine des esclaves " ( Cf. Basil Davidson, Mère Afrique , p.64 ,éd Presses Universitaires de France , Paris 1965) . C'était l'ère mondialiste des colonies qui s'étendra sur des siècles , non sans engendrer des réactions et contestation en Occident même ,( le grand travail des abolitionnistes humanistes , et à leur tête le noble Thomas Clarkson dont le nom brille de mille feux , plus que celui de nombre de princes , monarques et chevaliers illustres contemporains de son époque, pour avoir courageusement défié les pouvoirs féodaux et mobilisé les opinions de différentes catégories sociales contre les horreurs du " passage de l'océan " des bateaux - négriers ), et appuyant par la suite les insurrections sporadiques périodiques dans les contrées asservies. Révoltes, qui allaient également , sans diminuer du mérite des abolitionnistes de l'esclavagisme , dans le sens des bouleversements économiques des nouveaux rapports socioéconomiques émergeant, à la faveur de l'industrialisation naissante et dont l'expansion nécessitait une main - d'œuvre à bon marché ,jouissant de ses pleines capacités physiques. Autres temps, autres mœurs donc, et autres contours géopolitiques et socioéconomiques et culturels spécifiques à l'autre mondialisation économique vagissante… A l'aube du XX è siècle, l'Europe vivait dans un paradigme empreint de dynamisme et de prospérité économique et civilisationnelle jamais vécu auparavant. C'était l'époque du début de la folle aventure des sciences et techniques modernes, illustrés notamment par l'avènement du cinéma des frères Lumière et du fantastique Méliès, de la voiture , de l'avion qui projetait l'homme parmi les nuages, tel que le rêvassaient les poètes exaltés de cette époque marquée du Romantisme. Brusquement c'est le crash économique ( crise de 1929 ) et l'irruption de mouvements extrémistes fascistes et Nazis qui vont précipiter la chute de la civilisation et de la mondialisation européenne .S'ensuit dès lors après la 1ère guerre mondiale ,et peu de temps après la guerre d'Espagne , opposant nationalistes franquistes et républicains ; dans une guerre civile qui prit un caractère d'atrocité extrême (ex. massacre de Guernica - 26 avril 1937 -), dont rend compte toute une production culturelle, du Guernica de Picasso aux Présages de la guerre civile de Dali, Pour qui sonne le glas d'Hemingway, Les grands cimetières sous la lune de Bernanos, L'espoir de Malraux, Espana en el corazon de Pablo Neruda,etc. Le conflit prenant par la suite des proportions mondialiste avec le recours des 2 belligérants espagnols aux apuis techniques et aides financières , les républiucains se tournant vers la France, les nationalistes vers l'alliance italo-allemende, etc, sucitant des réactions à travers le monde entier . Cette guerre civile fut également le théâtre des prémices de la seconde guerre mondiale, avec notamment , le role de l'Allemagne d'Hitler et de l'Italie de Mussoloni apportant leur soutien à Franco, alors que de son coté l'Union Soviétique de Staline vendait des armes aux républicains , avec en ligne de mire la prise de pouvoir au sein de la République. La France et le Royaume Uni restant, pour leur part à l'affut , imposant le blocus des exportations d'armes, mais laissant la voie libre aux Brigades internationales s'engager aux côtés des républicains, etc, autant d'éléments avants - coureurs qui constituaient dès cette période fatidique les ferments explosifs de la deuxième conflagration internationale. Cette dernière, qui présidera, aux lendemains de la victoire des forces alliées, à l'ère de la bipolarité Est- Ouest de la guerre froide, divisera le monde en partisans de l'idéologie capitaliste bourgeoise du camp libéral et partisans du credo collectiviste du camp socialiste - communiste. Etape qui vit également, surgir au sein de ce paradigme nouveau-né de l'histoire, le mouvement contestataire , alternatif en quelque sorte des Non-alignés, qui tentera de s'interposer entre l'hégémonie des deux grandes puissances , contribuant notamment à l'impulsion du mouvement de décolonisation à travers le globe, et les revendications des pays laissées pour comptes du Tiers-monde, en général. Dans cette optique, les révolutions populaires anticoloniales vietnamienne et algérienne jouèrent, incontestablement, un rôle capital dans le processeur de décolonisation universel.. Et aux lendemains de la seconde guerre mondiale et des indépendances acquises de nombre d'ex-colonies rejoignant le giron du Non-alignement défendant les intérêts des sous-développés marginalisés du Tiers-monde, s'ouvrit conséquemment une ère nouvelle de pacification internationale, caractérisée par le dualisme des deux blocs antagonistes capitalo - communiste et la tendance montante non négligeable du Tiers-mondisme , appelant à l'instauration d'un nouvel ordre économique international plus équitable. Pour rappel nombre de combattants du front allié anti-nazi sont originaires de contrées tiers-mondistes, dont la zone Maghrébo- africaine et arabe , ayant pris part effective à la libération de L'Europe du joug de l'ordre fasciste , mais qui ont été mal payés en retour : témoins en sont, entre autres exemples , les massacres du 8 mai 1945 en Algérie de populations civiles manifestant pour l'indépendance du joug colonial, ou le non règlement , à ce jour, de la question palestinienne demeurée en suspens depuis 1948… malgré les multiples tentatives d'accords de paix ! Ce qui n'est pas sans influer, bien entendu, sur la paix et la sécurité internationale par sa persistance anachronique, depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu 'à nos moments présents qui voient le déploiement de la mondialisation unipolaire, dernière époque , succédant à la bipolarité américano-soviétique antécédente, suite à l'effondrement du bloc collectiviste de l'Est et le triomphe final du camp libéral de l'Ouest. Auteur-journaliste indépendant [email protected]
