Par Faouzia Belkichi Les craintes d'une récession prennent de la consistance dans la zone euro. Son économie s'est dégradée au deuxième trimestre, pour la première fois de son histoire.Selon une première estimation jeudi de l'Office européen des statistiques Eurostat, le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a reculé de 0,2% comparé au premier trimestre. Le retour de bâton était attendu après la croissance inespérée de 0,7% enregistrée sur les trois premiers mois de l'année. Mais la performance est la plus mauvaise jamais enregistrée dans la zone euro: depuis sa création, elle n'avait pas connu pire qu'une croissance nulle, au deuxième trimestre 2003. Une récession se définit par deux trimestres consécutifs de recul du PIB. Ce n'est pas encore le cas dans la zone euro, qui n'y a d'ailleurs jamais été confrontée.Donc " à ce stade, il serait exagéré de prononcer ce mot ", juge Amelia Torres, porte-parole de la Commission européenne pour les affaires économiques. Elle reconnaît tout de même que " les signes sont plutôt négatifs " et que " les indicateurs de confiance ne laissent pas augurer du futur avec un grand optimisme ". De fait, les grandes économies européennes ont glissé dans le rouge. La plus mauvaise surprise vient de la France, dont le PIB a baissé de 0,3% après une hausse de 0,4% au premier trimestre. L'Allemagne - première force de la zone devant l'Hexagone - a reculé de 0,5%, ce qui ne lui était plus arrivé depuis quatre ans.Le ralentissement est manifeste aussi dans d'autres pays. Le PIB a diminué de 0,3% en Italie et la croissance est nulle au Pays-Bas, tandis qu'elle tombe à un plus bas de quinze ans en Espagne (+0,1%).Forte inflationL'économie européenne avait été dopée au premier trimestre par une activité plus soutenue que la normale dans le secteur du bâtiment, qui avait bénéficié d'un hiver relativement doux. Un repli dans ce domaine était à prévoir.De plus, la consommation des ménages semble aussi ralentir, sur fond de fortes hausses des prix de l'énergie et de l'alimentation ces derniers mois. L'inflation en zone euro a été revue en baisse pour juillet à 4% sur un an, comme en juin, mais cela reste le taux le plus élevé enregistré depuis la création de la zone euro.Cette équation dangereuse entre forte inflation et croissance en berne est délicate à résoudre pour la Banque centrale européenne: elle peut tenter de contrer la hausse des prix en relevant ses taux, mais risque alors de plomber encore plus l'économie L'Allemagne connaît son premier recul de PIB depuis quatre ans L'Allemagne a connu au deuxième trimestre une baisse de 0,5% de son produit intérieur brut (PIB), a indiqué l'Office fédéral des statistiques jeudi. Cela ne lui était pas arrivé depuis l'été 2004. Dans le même temps, l'Office a révisé en baisse la croissance du premier trimestre à 1,3%. Le chiffre publié jusqu'alors, de 1,5%, avait étonné par sa robustesse.Un recul du PIB entre avril et juin était largement attendu, et même de plus grande ampleur. Les analystes interrogés par Dow Jones Newswires tablaient sur une baisse de 0,7%, la semaine dernière le chiffre de 1% avait même circulé.Selon Destatis, le deuxième trimestre a été caractérisé par "des dépenses de consommation des ménages en recul et des investissements plus faibles". La balance commerciale a apporté une contribution positive, mais principalement du fait d'un recul des importations, ce qui n'augure rien de bon. Après avoir étonnamment bien résisté aux turbulences de la conjoncture mondiale pendant les premiers mois de l'année, notamment grâce à la solidité de son industrie et aux carnets de commandes bien remplis de ses entreprises, l'économie allemande a donc été elle-aussi rattrapée par la crise. L'industrie montre de clairs signes de ralentissement, tandis que l'inflation élevée pèse sur le moral des consommateurs et freine leurs envies de dépenser. Après deux trimestres, le solde de la croissance s'affiche à +0,8%. Le gouvernement table sur une croissance de 1,7% pour l'ensemble de l'année, un objectif encore réalisable d'un point de vue purement arithmétique. Le PIB français se contracte pour la première fois depuis fin 2002 Le Produit intérieur brut de la France a reculé de 0,3% au deuxième trimestre 2008, première baisse depuis le quatrième trimestre 2002, confirmant le net ralentissement de l'économie, a annoncé jeudi l'Institut national de la statistique (Insee). Le chiffre français est une première estimation, susceptible d'être révisée. L'Insee a par ailleurs revu en baisse la croissance du premier trimestre à 0,4% contre 0,5% auparavant.Ce sont des "chiffres auxquels on s'attendait et qui ne sont pas bons", a réagi la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, sur la radio France Inter. Elle les a notamment justifiés par le contexte international morose résultant de la crise financière mondiale, citant aussi "les augmentations du cours des matières premières", "le renforcement de l'euro" et "une situation d'inflation" qui, selon elle, "a atteint son pic en juin-juillet". Elle a aussi affirmé qu'il serait "totalement inexact de parler de récession". "Toute personne qui crierait au loup à la récession aurait un trimestre d'avance", a dit Mme Lagarde, rappelant qu'une récession correspond à une contraction du PIB durant deux trimestres consécutifs.Pour la ministre de l'Economie, la baisse de la croissance, "dans l'ensemble des pays européens, résulte de facteurs internationaux qui sont en train de s'inverser". "Ce n'est pas un phénomène propre à l'économie française", a-t-elle martelé. Commentant la contraction du PIB, "c'est un chiffre qui n'est pas bon, il ne faut pas se voiler la face", a reconnu la ministre, "mais je pense que nous avons un nombre de réformes qui vont entrer en vigueur maintenant, qui vont nous mettre dans le bon sens". Elle a estimé que les conditions "fin 2008-début 2009" seraient "plus favorables", s'attendant à "un rebond". Au deuxième trimestre, les dépenses de consommation des ménages ont peu évolué, l'investissement a chuté, les exportations ont diminué ainsi que, dans une moindre mesure, les importations, selon l'Insee.