La crise que connaît le monde des pêcheurs est peu évoquée dans les médias. La question de la "surpêche", le problème du coût d'énergie sont bel et bien des indicateurs palpables qui démontrent l'impératif de déceler les bons remèdes dans de brefs délais. La crise que connaît le monde de la pêche, subissant de plein fouet l'augmentation en rafales du coût du gazole, est l'occasion de vérifier les boussoles et de tenter de comprendre la nature hautement sensible de l'enjeu. Comment continuer à pêcher sachant que la fin annoncée du pétrole pour les années 2050 ne fera qu'augmenter le prix du baril ? Comment, dans ces conditions, préserver une activité nécessaire pour l'alimentation et éviter une exploitation outrancière des océans ? Comment valoriser le potentiel économique des mers dans une logique de développement durable ? Regardons les choses en face. Quand on sait qu'il faut deux litres de gazole en moyenne pour pêcher un kilo de poissons, on comprend la vulnérabilité de ce secteur. Le gazole représente le tiers du chiffre d'affaires des chalutiers contre 15% il y a deux ans. Mais si le coût du baril permet difficilement d'assurer la survie du métier, la " surpêche " en vidant la mer de ses poissons, ne l'assure pas davantage. S'il n'y a plus de poissons, il n'y aura logiquement plus de pêcheurs ! Surpêche et hausse du coût de l'énergie sont liés. Ces deux problèmes doivent être solutionnés ensemble. Selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), il existe un très important déséquilibre entre les capacités de production mobilisées pour l'exploitation et le potentiel biologique des ressources. Le quart des espèces pêchées dans le monde est surexploité. Un triste pourcentage fait référence : 75% des réserves mondiales ont déjà été exploitées. Le PNUE (Programme des Nations unies pour l'environnement) a calculé que la moitié des stocks de poissons de la planète sont exploités à leur limite à l'heure actuelle. Une chose est sûre, au rythme où se jettent les filets, la survie de certaines espèces n'est pas assurée pour les prochaines années. Une espèce sur trois est menacée de disparition ( thon rouge, aux morues de Terre-Neuve, aux anchois du Pérou, aux mérous du Sénégal, aux empereurs, aux églefins, aux flétans, aux carrelets…). Cette surpêche, estiment les experts maritimes, est due à la pêche industrielle. En effet, sur les 3,5 millions de bateaux de pêche dénombrés, les gros navires de type industriel équipés de radars ne représentent que 1 % de cette flotte. Mais ils accaparent 60 % de la pêche totale. D'où ils préconisent l'importance de rééquilibrer les choses en donnant sa place à la pêche locale et artisanale. Selon eux, cette pêche, pratiquée par des pirogues rudimentaires, non motorisées, ne contribue pas seulement à la sécurité alimentaire, elle nécessite beaucoup moins de capitaux et génère beaucoup plus d'emplois que la pêche industrielle. En dépit de tout cela, la FAO a bon espoir qu'une prise de conscience globale fasse peu à peu son œuvre. Les consommateurs veulent du poisson frais et une pêche durable. L'industrie des produits de la mer commence à le comprendre. Quelques initiatives européennes vont dans le bon sens. Une dizaine de parcs naturels marins doit être mise en place d'ici 2012 sur les côtes françaises. Déjà, des organismes écologiques se mobilisent pour l'inscription en tête des urgences de l'agenda international de "sanctuaires de la mer" destinés à protéger les poissons. La lutte contre le gaspillage des ressources, la limitation de la pêche minotière (pêche destinée à la farine animale) en réservant son usage à la seule aquaculture, l'interdiction des captures annexes font partie des mesures préconisées par de nombreuses associations. Sur le plan de la rentabilité, de belles économies sont possibles en expérimentant de nouvelles solutions pour que les chaluts soient moins gourmands en énergie. Un exemple est donné par l'armement Dhellemmes, qui a fait transformer un chalutier, l'Aravis,en l'équipant d'une technique la "senne danoise" couramment utilisée en mer du nord. Résultats : 50% d'économie de gazole. Pour qu'il y ait une pêche durable, il serait alors nécessaire qu'il y ait pêche concertée. Des plates-formes de discussions qui réuniraient pêcheurs et scientifiques pourraient être créées, pour définir, de manière concertée sur le long terme, les moyens de préserver le patrimoine halieutique. Sur le plan prospectif, la recherche d'un équilibre entre la conservation des espèces pêchées, et la préservation du revenu des pêcheurs est la clé du problème. Certains pays comme l'Écosse, Terre-Neuve ou l'Alaska, où la pêche constitue une des activités principales, ont su trouver le juste équilibre.