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L'Algérie pourrait être un acteur incontournable de la pêche au thon Mourad Kahoul. Président de l'Association euro-méditerranéenne des pêcheurs de thon
Menaces d'actions musclées de la part des écolos, déprime des thoniers algériens, nouvelles restrictions de quotas… La campagne de pêche au thon rouge, qui commence le 15 mai jusqu'au 15 juin, s'annonce mouvementée. De Marseille, Mourad Kahoul, représentant de la plus grande corporation en Méditerranée, s'interroge sur l'avenir des pêcheurs algériens. Pour la campagne de pêche au thon qui commence la semaine prochaine, le ministère algérien a inscrit à l'ICCAT, organisation de pêche intergouvernementale responsable de la conservation des thonidés…, seulement 4 thoniers ! Pour 1200 km de côtes, c'est la misère, non ? Oui, je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais c'est grave pour l'industrie du pays, car l'Algérie pourrait être, grâce à son potentiel humain et à ses richesses halieutiques, un acteur incontournable de la pêche au thon en Méditerranée. Il faudrait au moins trois thoniers par grand port : 3 à Oran et à Mostaganem, 4 à Alger, 2 à Béjaïa, Skikda, Annaba et Cherchell. D'autant que ces bateaux, polyvalents, pourraient aussi servir en hiver pour la pêche à la sardine, à l'anchois et au pélagique. Beaucoup d'argent a pourtant été injecté dans le secteur… Il faudrait restructurer la pêcherie, créer des chambres consultatives régionales avec des représentants de la filière. Et faire un nouveau plan de relance pour financer de vrais bateaux types, conçus pour la Méditerranée. Le matériel de pêche n'a pas évolué depuis 25 ans ! Mais des nouveautés sortent au moins tous les six mois : de nouveaux flotteurs, de nouvelles compositions de filets… Il serait très facile d'améliorer le quotidien des pêcheurs. Il existe en Algérie de très bons patrons de pêche, de vrais exemples : je pense à Yazid Yacoubi, à Béjaïa, que nous avons reçu à Marseille à bord d'un bateau nouvelle génération. Il n'a pas 30 ans, mais aujourd'hui, il travaille sur un bon chalutier et je vous assure qu'il débarque du poisson tous les jours ! On pourrait très bien imaginer des conventions de stage : à la sortie de l'école à Alger, les jeunes viendraient en stage à Marseille sur nos bateaux.. Pourquoi n'intervenez-vous pas en Algérie ? Mais je l'ai écrit au Premier ministre et au ministre de la Pêche : allez, je vous offre un bateau-pilote, nouvelle génération, nouvelles technologies embarquées, pêche durable… Pourquoi personne ne me répond ? Demain, si je propose la même chose aux Marocains, on va m'agresser ! Ahmed Ouyahia est le premier à m'avoir envoyé une lettre très favorable, où il écrivait : « Contactez le ministre de la Pêche et tenez-moi au courant des avancées. » Ce que j'ai fait, mais je n'ai eu aucun retour. Maintenant, je n'ose pas demander une nouvelle audience ! Et pendant ce temps, j'ai déjà fait trois réunions au Maroc et six en Tunisie. Tous ces jeunes Algériens désœuvrés dans les ports, ils ne demandent qu'à travailler ! Je l'ai déjà dit au gouvernement algérien : les harraga ? Je m'en occupe. Laissez-les moi ! Moi je suis Franco-Algérien, né à Alger, d'une famille de pêcheurs depuis cinq générations. Je ne veux pas d'argent, je fais ça pour mon pays ! Cette campagne de thon rouge s'annonce mouvementée : en réponse au Captain Watson, fondateur du groupe écologiste Sea Shepherd, qui a promis de venir s'attaquer à la pêche illégale au thon en Méditerranée, vous vous êtes récemment dit « prêt à le couler »… J'ai eu mercredi une réunion avec les pêcheurs et mes consignes ont été très claires : si cette personne veut combattre la pêche illégale, on embarque à ses côtés. Mais ses propos ont été ambigus et on connaît ses méthodes. On l'a vu à l'œuvre contre les Japonais ! (Watson est accusé d'avoir entravé la pêche des baleiniers japonais en février dernier et d'avoir lancé des produits chimiques contre un bateau, ndlr). Qu'il ne s'amuse pas à attaquer les thoniers… Oui, d'accord, admettons qu'il y a de la surpêche en Méditerranée, mais elle est de 1 à 2% ! Un dépassement normal. Moi je veux bien que Greenpeace ou d'autres écolos mènent des actions en Méditerranée, mais sur la marée noire en Louisiane, je ne vois personne. Le pétrole en mer, voilà une vraie catastrophe écologique ! Mais en mars à Doha lors de la conférence de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction), vous avez obtenu gain de cause puisque les votants se sont prononcés en faveur de la poursuite du commerce de thon rouge. Alors où est le problème ? Depuis cinq ans, notre quota a été réduit de plus de 50%. En moyenne, un bateau n'a aujourd'hui le droit de pêcher que 60 tonnes de thon ! Ce qui ne suffit absolument pas à faire vivre un bateau et quinze marins embarqués. Un bateau de 30/32 mètres a besoin d'au moins 150 tonnes ! Seulement voilà : au nom du principe de précaution, on fait n'importe quoi. Mais cette année, l'ICCAT va se réunir à Paris et je pense que les quotas seront revus à la lumière des nouvelles données. Vous voulez parler des données scientifiques ? Justement, on entend un peu de tout à ce sujet : certaines études disent que le thon rouge est menacé, d'autres assurent que le renouvellement des stocks est assuré… Qui croire ? L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), ou encore la Commission générale pour les pêches en Méditerranée, qui dépend aussi des Nations unies : toutes ces organisations nationales ou mondiales, qui ont des experts sur le terrain, disent que les stocks ne sont pas menacés. Qui établit des rapports négatifs ? Les consultants canadiens ou australiens, payés par les bailleurs de fonds du pétrole, qui ne connaissent rien à la Méditerranée et touchent des salaires extraordinaires. Ceux-là sont des gens malhonnêtes, de véritables ayatollahs de l'environnement, des voyous qui affament les familles et ruinent les entreprises. Vos relations avec les écolos ne sont pas près de s'arranger… Ecoutez, à partir du 15 mai, un des thoniers de ma fédération va mettre un bateau de 42 m, nouvelle génération, à disposition des chaînes de télé BFM et une chaîne italienne de la RAI, avec à bord des scientifiques et des observateurs. Comme ça, on ne pourra plus dire que les pêcheurs sont des pirates… Bio express « A 13 ans, je désertais déjà l'école pour partir à la pêche sur le chalutier de mon père qui n'était pas trop d'accord ! Ce fut un long combat pour lui faire admettre que mon métier serait la pêche », raconte Mourad Kahoul. En 1977, il quitte l'Algérie pour s'installer à Marseille. Patron de plusieurs bateaux, dont un thonier, il fait progressivement son chemin dans la corporation. Président de l'Association euro-méditerranéenne des pêcheurs de thon, du Syndicat des thoniers méditerranéens, de Medisamak, association professionnelle de la pêche euro-méditerranéenne, et du Comité régional des pêches et des élevages marin de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, vice-président du Comité national des pêches de France et Dom-Tom, à presque 50 ans, Mourad Kahoul, décoré chevalier de l'ordre du mérite, est de toutes les négociations sur la pêche en Méditerranée. En 1999, il fonda aussi une fédération pour la préservation du milieu marin et de l'environnement.