Investir dans le secteur de l'énergie et des matériaux, c'est oser un pari sur la croissance mondiale. Or, à chaque nouvelle publication de prévisions économiques les perspectives pour l'année 2009 s'assombrissent. Cependant, pour l'heure, la crainte de récession mondiale se voit davantage dans les niveaux des indices boursiers que dans les cours des matières premières. Le pétrole faiblit légèrement à 107,45 dollars américains le baril mais reste au dessus du seuil psychologique de 100 dollars américains. Certes, les prix du pétrole ou encore de l'or ont corrigé de leur pic de juillet 2008 mais restent pour la plupart plus élevés que leurs niveaux de l'année passée. Ils sont soutenus par l'idée selon laquelle toute baisse de demande de la part des États-Unis serait compensée par une augmentation de la demande des pays émergents et notamment de la Chine. La chute vertigineuse des matières premières et la remontée du dollar marquent l'éclatement d'une bulle spéculative et le changement de sentiment des investisseurs, qui voient la crise s'étendre à l'Europe et au Japon. Après un record le 11 juillet à 147,50 dollars, le baril de brut a vu son prix plonger jusqu'à 104 dollars mardi, soit un tiers de sa valeur évaporé en sept semaines. "Les fonds spéculatifs et investisseurs financiers présents sur le marché pétrolier ont fortement réduit leur exposition depuis le mois de juin", indique Harry Tchilinguirian, analyste pétrole chez BNP-Paribas. Selon lui, le nombre de contrats pétroliers, qui détermine la taille de ce marché, est passé de 1,5 à 1,2 million depuis le printemps.Une contraction de 20% qui illustre un désengagement massif du marché pétrolier, déclenché par l'assombrissement des perspectives économiques mondiales. "Beaucoup d'investisseurs, après les bons chiffres de croissance du premier trimestre au Japon et dans la zone euro, voulaient croire que la crise américaine n'allait pas s'étendre", souligne l'analyste de BNP-Paribas. "Mais lorsque les indices d'activité ont commencé à chuter, il est devenu clair que les deux premières économies de la zone euro, l'Allemagne et la France, ainsi que le Japon, faisaient face à un sévère ralentissement", ajoute-t-il. L'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) a nettement abaissé mardi ses prévisions pour l'Europe et le Japon, et juge désormais le Vieux continent plus près d'une récession que les Etats-Unis. "Les investisseurs en ont déduit que cela aurait forcément un impact sur la Chine et économies asiatiques, moteurs de la demande de matières premières", poursuit M. Tchilinguirian. Si les économies émergentes restent très dynamiques, la croissance est tombée au plus bas depuis trois ans en Inde et elle ralentit en Chine, de même que les exportations vers les Etats-Unis. De fait, les investisseurs réduisent leur exposition non seulement au pétrole, mais aux métaux, liés à la construction et l'industrie, et aux denrées agricoles, notamment le maïs et le soja, qui servent à produire les biocarburants. Alors que pendant des mois, l'or noir a fait office d'antidote à l'affaiblissement du dollar pour les investisseurs, ce mouvement s'inverse aujourd'hui. La chute des cours pétroliers accompagne donc le rebond du billet vert face au yen, l'euro et la livre sterling. "Pendant les périodes d'incertitude, on se reporte sur le cash, ça veut dire plus de dollar en portefeuille", explique M. Tchilinguirian. Pour autant, souligne Véronique Riches-Flores, économiste de la Société Générale, le rebond du dollar et la baisse des matières premières pourrait ne pas durer. Les Etats-Unis devraient faire face à un ralentissement d'ici fin 2008, ce qui pourrait fragiliser leur monnaie. Quant aux matières premières, "si on assiste à la correction d'excès, il y avait des éléments fondamentaux derrière la hausse des cours ces derniers mois: à moyen terme, la croissance de la demande justifie un rebond des cours", conclut Mme Riches-Flores. Les prévisions des économistes semblent pourtant laisser les analystes spécialistes de ce secteur de marbre. "Nous allons vers une période longue de croissance très faible", pense Martin Roberge, spécialiste des matériaux chez Dundee Securities. Il pense que les conditions monétaires soutiennent encore la croissance dans les pays de l'OCDE, que le dollar américain est encore faible alimentant les exportations et que les pays émergents investissent toujours autant. À cela s'ajoute la hausse de productivité "très méconnue" des sociétés de ces secteurs et la dépréciation du dollar canadien qui dope les bénéfices. Martin Roberge anticipe un cours du pétrole qui évoluerait, au mieux, à l'horizontale mais sur des actions du secteur de l'énergie et des matériaux en hausse.