Le mot a été lâché par le très sérieux Institut de la statistique, la France s'enfonce cet automne dans la récession, sur fond de crise financière mondiale et après l'annonce de nombreuses suppressions d'emplois par les grands groupes industriels. Deuxième économie de la zone euro, la France devrait voir son Produit intérieur brut (PIB) reculer de 0,1% aux troisième et quatrième trimestres après une baisse de 0,3% au deuxième trimestre, selon les prévisions de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) publiées vendredi.La récession est techniquement définie par au moins deux trimestres consécutifs de recul du PIB. Du jamais vu en France depuis 1993. Alors que le quotidien Le Figaro (conservateur) constatait simplement que "la récession ouvre le débat sur un plan de relance", le journal économique Les Echos estimait plus directement que "la France bascule dans la récession" et Libération (gauche) notait gravement: "et maintenant la récession". "Le risque d'une croissance négative à l'automne pour le 2ème trimestre consécutif est désormais réel", a estimé vendredi la ministre des Finances Christine Lagarde, sans cependant prononcer le mot de récession. Déjà préoccupés depuis des mois par la baisse de leur pouvoir d'achat, les Français vont ainsi subir de plein fouet les conséquences de la crise financière internationale et sont, selon un sondage publié vendredi, 86% à redouter ses effets sur le chômage. Selon les chiffres de l'Insee, 52.000 emplois seront détruits pendant la seconde moitié de l'année et le taux de chômage s'établira à 7,4% contre 7,2% au deuxième trimestre. De grands noms de l'industrie française ont annoncé récemment de douloureux plans sociaux. Le constructeur automobile Renault a annoncé le mois dernier la suppression de 6.OOO emplois en Europe, le géant pharmaceutique Sanofi-Aventis a indiqué jeudi qu'il se séparait de 927 salariés. L'opposition socialiste, sourde à l'appel à "l'unité nationale" lancé par le Premier ministre François Fillon, profite au contraire de la crise pour enfoncer un clou dans les choix économiques du président Nicolas Sarkozy qui se sont révélés, selon elle, "inefficaces" et "injustes", notamment en matière fiscale. Plutôt que de récession, la majorité de droite préfère parler de "très faible croissance". Pour Christine Lagarde, c'est surtout les "effets des envolées exceptionnelles du prix du pétrole et de l'euro au premier semestre et de l'aggravation de la crise financière" qui sont en cause. Pour tenter d'enrayer les effets de la crise sur l'économie réelle, le gouvernement a décidé jeudi de mobiliser une enveloppe de 22 milliards d'euros destinée au financement des petites et moyennes entreprises (PME). Autre mesure, la décision de faire racheter par l'Etat plus de 30.000 logements dont les travaux n'avaient pas été lancés. Pour l'Insee, le principal responsable de la baisse de croissance est le pouvoir d'achat des ménages qui accuserait encore une baisse de 0,4% au deuxième semestre. Il s'ajoute au durcissement des conditions de crédit lié à la crise financière internationale et aux difficultés sur le marché immobilier. Autre facteur, le commerce extérieur de la France: déjà moribond avec un déficit volant de record en record (près de 50 milliards d'euros attendus cette année), il devrait lui aussi pâtir du ralentissement de l'économie mondiale et de la demande extérieure.