Les places financières étaient nerveuses hier et repartaient dans le rouge, inquiètes du risque de récession aux Etats-Unis mais aussi en Europe, où l'UE va tenter de généraliser à ses 27 membres le plan de crise des pays de la zone euro. Après la tornade financière, le risque de récession inquiète les marchés. Les sommes vertigineuses débloquées par les Européens et les Américains pour soutenir leur secteur bancaire ont certes éloigné la crainte d'un effondrement du système financier mondial et stoppé la glissade historique et incontrôlée des bourses enregistrée la semaine dernière. Mais la crise financière n'est pas pour autant terminée et une série de mauvais indicateurs nourrissent les craintes de récession aux Etats-Unis et en Europe. A 08h15 GMT, Paris perdait 2,2%, Francfort 2,3% et Londres 2,6%. "Il n'y a pas de raison de déclarer la fin de la crise financière et de verser dans l'optimisme exagéré", en dépit de l'euphorie des marchés lundi, a averti Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe. Le Premier ministre français François Fillon a reconnu mardi que la crise était "profonde" et "exceptionnelle". "Je n'ai jamais pensé que la crise financière était derrière nous", a-t-il dit. Décidés à agir groupés, les dirigeants de l'Union européenne se réunissent à partir de mercredi après-midi à Bruxelles pour un sommet de deux jours au cours duquel ils vont tenter de généraliser aux 27 pays membres le plan d'aide massif aux banques de près de 2.000 milliards de dollars décidé par les 15 pays de la zone euro et le Royaume-Uni dimanche et lundi. Ils devront pour cela surmonter les réticences de la République tchèque. Prague a indiqué avoir des "inquiétudes" à propos des garanties bancaires apportées par les Etats, craignant "une fuite des capitaux" tchèques vers des pays "plus grands", comme l'Allemagne. "Je suis sûr qu'il y aura une position commune, j'ai une confiance totale dans le bon sens et le sens des responsabilités des gouvernements", a déclaré mardi le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Paradoxalement, les craintes d'effondrement de la croissance pourraient faciliter un accord. Dans un discours à Berlin, avant de partir à Bruxelles, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé mercredi matin qu'une réunion du G8 se tiendrait "avant la fin de l'année". Les grands instituts allemands de conjoncture voient la première économie européenne "au bord de la récession", prévoyant "au mieux" une croissance de 0,2% pour 2009. Mme Merkel, a prévenu qu'il fallait s'attendre "à ce que la croissance économique (allemande) ralentisse". M. Fillon a dit craindre "une panne de croissance" pour la France en 2009, avec des "conséquences" sur l'emploi. La crise a déjà frappé durement le secteur du bâtiment aux Etats-Unis et en Europe, avec une chute des nouveaux chantiers et des permis de construire. Elle se répand à l'automobile, un autre pilier de l'économie très lié au marché du crédit. En Europe, les ventes de voitures neuves ont plongé de 8,2% sur un an en septembre, après une chute de 15,6% en août et de 7,3% en juillet. Elles ont atteint leur niveau le plus bas depuis 10 ans. Mauvaises nouvelles aux Etats-Unis également, où les entreprises, inquiètes pour leur rentabilité, commencent à annoncer des plans sociaux. L'allemand Daimler a annoncé mardi 3.500 suppressions d'emplois en Amérique du Nord et l'américain Pepsico 3.300. Le nombre de "coupons d'alimentation" distribués aux plus pauvres aux Etats-Unis avait approché un record cet été, avec quelque 29,05 millions d'Américains concernés. Wall Street avait déjà clôturé dans le rouge mardi (-0,82%), à contre-courant de l'euphorie qui régnait en Europe et en Asie depuis deux jours. Les investisseurs ont apparemment peu apprécié les commentaires de Janet Yellen, présidente de la banque centrale régionale de San Francisco, qui a annoncé une croissance nulle pour l'économie américaine au troisième trimestre et une contraction au quatrième. "En fait l'économie américaine semble en récession", a-t-elle ajouté. Autre information inquiétante: le déficit budgétaire des Etats-Unis a été annoncé en forte hausse au cours de l'exercice 2007-2008 clos fin septembre, à 445 milliards de dollars, soit trois fois plus qu'en 2006-2007. Et les dernières mesures de soutien aux institutions bancaires ne devraient rien arranger. Le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson a musclé mardi son plan de sauvetage de 700 milliards de dollars, en annonçant l'entrée de l'Etat fédéral américain au capital de plusieurs banques. Washington a débloqué 250 milliards de dollars pour entrer au capital d'institutions financières, dont neuf des plus grandes banques américaines qui se sont déjà portées candidates et qui doivent absorber la moitié du plan. Parmi elles, les plus grands noms de Wall Street comme Citigroup, JP Morgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Morgan Stanley et Merrill Lynch. Les mauvaises nouvelles sont également venues d'Asie, avec la chute de 52,2% de l'excédent courant japonais en août, nettement pire que prévu, la baisse de la demande américaine ayant un impact brutal sur les exportations nippones. Parallèlement le ministère de l'Economie japonais a révélé une baisse de 6,9% sur un an en août de la production industrielle dans l'archipel. Le Nikkei a clôturé en hausse de 1,06% à Tokyo, après avoir évolué dans le rouge toute la journée, au lendemain d'une hausse record (+14,15%) mardi. Après l'annonce du renforcement du plan Paulson, "toutes les bonnes nouvelles sont derrière nous maintenant (...) et l'attention se porte sur l'économie réelle", a cependant souligné Masatoshi Sato, courtier chez Mizuho Investors Securities à Tokyo. Shanghai a clôturé en baisse de 1,12%, Hong Kong de 4,96%.