Les chefs de la diplomatie de l'Union européenne, réunis lundi à Marseille (sud), ont appelé le prochain président américain à refonder le partenariat transatlantique afin de tenir compte du rôle accru de l'Union européenne face aux crises. Cette réunion informelle, qui a eu lieu à la veille de l'élection américaine en présence du diplomate en chef de l'UE Javier Solana et de la commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner, avait pour but de finaliser un document qui doit être adressé au président élu. "C'est fini de se demander à quoi sert l'Europe", a lancé le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, dont le pays assure la présidence de l'UE. "Nous sommes les partenaires des Américains et nous le ferons savoir au plus vite au nouveau président quand il sera élu", a-t-il dit. Une écrasante majorité d'Européens, Français et Allemands en tête, sont favorables à l'élection du démocrate Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, rival du républicain John McCain. Pour le ministre, "c'eût été inimaginable, il y a dix ans, de nous adresser (au prochain président américain), comme des amis mais surtout comme des partenaires, pour dire : voilà ce que nous pourrions faire ensemble". Il a précisé que le document, qui n'a pas été rendu public, était "très court : six pages", et contenait cinq chapitres : multilatéralisme, crises au Moyen-Orient, Afghanistan et Pakistan, relations avec la Russie, attitude vis-à-vis de la Chine et d'autres pays émergents comme l'Inde et le Brésil. M. Kouchner a estimé qu'une telle démarche était devenue possible parce que "le monde a changé, parce qu'on s'est aperçu qu'un grand pays, qui restera un très grand pays, n'est pas le seul concerné par les problèmes du monde". "Le multilatéralisme s'impose", s'est-il félicité. "Les décisions unilatérales qui réglaient le sort du monde, ou qui prétendaient le régler, seront plus difficiles à prendre". "Les deux candidats (américains) ont tourné leurs regards vers l'Europe". En même temps, "les Etats-Unis resteront une puissance très importante" et il ne s'agit pas de faire "table rase" de la relation transatlantique mais de la transformer. "Les Américains aspirent à ce changement", a dit M. Kouchner. L'UE, elle, "s'est raffermie", a dit le ministre, en référence à la façon dont elle a géré les crises financière et russo-géorgienne. "Il n'y avait pas d'Américains dans le processus de cessez-le-feu en Géorgie, donc, les choses changent un peu", a-t-il souligné."Notre relation devrait être plus équilibrée", a estimé de son côté Mme Ferrero-Waldner. "Nous avons fait preuve de leadership en Géorgie et c'est exactement ce que nous voulons montrer maintenant", a-t-elle fait valoir. Le chef de la diplomatie britannique, David Miliband, a précisé qu'"il ne s'agissait pas seulement de demander des choses aux Etats-Unis". "Il s'agit pour l'Europe de prendre toute sa place et de s'assurer que sa contribution au Proche-Orient, en Afghanistan et au Pakistan, dans la crise financière internationale, est forte et claire", a-t-il affirmé. Ce débat avait été engagé début septembre, en Avignon (sud de la France). M. Kouchner avait alors souligné que les Européens ne voulaient "pas être des supplétifs". La guerre en Irak avait créé en 2003 des tensions très vives entre Washington et plusieurs capitales européennes, et divisé durablement les Européens. La réunion informelle de Marseille a été suivie de l'ouverture d'une conférence ministérielle du "Processus de Barcelone/Union pour la Méditerranée" (UPM) réunissant 43 pays du continent européen et du pourtour de la Méditerranée dans la même ville.