Les ministres de la Défense européens et maghrébins 25+5 dont l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie et la Libye, se sont retrouvés les 28 et 29 septembre 2007 à Evora au Portugal et ont abordé les problèmes de défense et de sécurité en Méditerranée. 3. L'Algérie dans le dialogue méditerranéen de l'OTAN Le cadre défini au Sommet de l'Otan est de promouvoir le Dialogue méditerranéen de l'Otan au rang de " véritable partenariat ", (le même Sommet d'Istanbul faisant une offre de coopération à la région du Moyen-Orient élargi qui est adressée aux pays qui le souhaitent, ceux qui sont membres du Conseil de coopération du Golfe étant cités explicitement) ambitionne de contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région méditerranéenne par le truchement d'un certain nombre d'actions au nombre de cinq qui se veulent complémentaires avec d'autres actions internationales : 1.-le renforcement de la dimension politique du dialogue méditerranéen avec l'Otan ;2.- l'appui au processus de réformes de la défense ; 3.- la coopération dans le domaine de la sécurité des frontières ;4.- la réalisation de l'interopérabilité ; 5- la contribution à la lutte contre le terrorisme,. L'objectif poursuivi par l'initiative d'Istanbul est de renforcer la sécurité et la stabilité par le biais d'un nouvel engagement transatlantique en fournissant un avis adapté sur la réforme de la défense, l'établissement des budgets de défense, la planification de la défense, les relations civilo-militaires et l'encouragement de la coopération entre militaires afin de contribuer à l'interopérabilité ; lutter contre le terrorisme par le partage de l'information , la coopération maritime , lutter contre la proliférations des armes de destruction massive et contre les trafics. Face à ces propositions quelle est l'attitude de notre pays ? Etant conscient que le défi des années à venir étant la relance économique réelle, si l'on veut peser dans les futures négociations internationales, supposant l'accélération de la réforme globale qui piétine actuellement, il faut néanmoins reconnaître que la politique extérieure de notre pays, et particulièrement sa politique en matière de coopération multi/bilatérale, est sans doute le secteur qui s'est le mieux adapté aux bouleversements cardinaux que le monde connaît depuis une décennie. Face aux défis qui lui sont lancés, et sans se départir de ses positions et de ses principes traditionnels relatifs aux droits des peuples, au respect du droit international et à celui de la légitimité internationale incarnée par l'Organisation des Nations unies,encore que des efforts importants restent à faire pour adapter notre diplomatie aux nouvelles mutations mondiales( nos ambassades hélas étant des guichets administratifs)du fait que les nouvelles relations internationales ne se basent plus sur des relations personnalisées entre chefs d' Etat et la situation géographique, mais sur la puissance économique et des réseaux influents. L'Algérie a su pourtant adapter correctement sa diplomatie et se redéployer avec efficience sur la scène internationale. La tragédie qu'elle a vécue, les hommes d'expérience et de bonne volonté qu'elle a eu à sa disposition et un leadership judicieusement exercé, depuis quelques années, en matière de gestion domestique et sur la scène internationale lui ont permis en effet de rompre l'isolement qu'elle a connu dans un passé encore proche. Les menaces qui pèsent sur les peuples et leurs Etats et les défis collectifs qui leur sont lancés ont amené notre pays à doter sa politique extérieure d'une approche globale des enjeux, des problèmes et des crises que connaît le monde et à déployer ses capacités, ses moyens et son savoir-faire dans une logique de juste et fécond équilibre. L'Algérie, qui considère que la sécurité est une et indivisible la lie indiscutablement à celle de l'ensemble de notre région, mais aussi à celle de l'Europe et, au-delà, des autres espaces régionaux que les technologies militaires - aujourd'hui démocratisées - rendent tout proches. La réponse à ces menaces et à ces défis doit être, pour notre pays, une réponse engageant l'ensemble de la communauté internationale. Le dialogue et la concertation entre les peuples et entre les acteurs sont la clef et en même temps la meilleure des garanties pour instaurer la paix et la stabilité de manière juste et durable. C'est sur cette base que l'Algérie s'est engagée dans le Dialogue méditerranéen de l'Otan et dans d'autres initiatives régionales ou sous-régionales. En matière de défense et de sécurité, l'Algérie est depuis 2002 l'un des sept pays du Bassin méditerranéen qui sont parties prenantes du Dialogue méditerranéen de l'Otan. Depuis cette date, diplomates et experts militaires algériens ont participé avec assiduité aux réunions de travail, visites et conférences organisées conjointement avec les autres partenaires du DM ou avec les responsables de l'Organisation de l'Atlantique Nord. L'Algérie a aussi participé, depuis, à plusieurs réunions aux sommets de l'Otan ces dernières années. Rappelons que le sommet qui s'est déroulé en décembre 2002 à Bruxelles a donné lieu à une rencontre entre le président Bouteflika et le secrétaire général de l'Otan. Comme nous avons assisté à des visites de hauts responsables à Alger, notamment le secrétaire général de l'Otan, permettant d'approfondir le dialogue politique et notamment du fait de l'expérience de l'Algérie, relatif au renseignement en matière de lutte antiterroriste (2). La nature de ces questions et leur importance confirme la place particulière que notre pays occupe dans la perception de l'Otan et le rôle que cette dernière souhaite lui voir jouer. Pour illustrer cet intérêt de l'Otan pour l'Algérie, son secrétaire général a souhaité que les forces armées de cette dernière soient associées à des manœuvres militaires organisées par l'Alliance. Cette proposition renvoie à la dimension militaire de la coopération que l'Otan a introduite dans le Dialogue méditerranéen en 1997. Mais face à l'Otan, existe une volonté politique de l'Union européenne d'avoir une stratégie de défense et de sécurité qu'il convient brièvement d'examiner, étant encore embryonnaire, mais concernant également notre pays. 4.- La politique de défense et la sécurité de l'Europe La fin de la guerre froide, les velléités d'émancipation de l'Europe de la tutelle américaine - particulièrement en matière de défense et de sécurité - et la volonté de construire avec les pays de la région des relations économiques privilégiées accroît de manière significative cet intérêt. Qu'il s'agisse en effet de crises régionales, de scissions d'Etats, de prolifération d'armes de destruction massive ou de conflits internes (ethniques, religieux, culturels ou autres), l'Otan est perçue par les Européens comme une organisation incapable de réagir à ces nouveaux types de menaces. C'est pourquoi va revenir à la surface le vieux rêve d'Europe de la défense que caressaient un certain nombre de pays du Vieux Continent. C'est pourquoi aussi les Européens se mettent à la recherche d'une alternative à l'Otan et à l'Union de l'Europe occidentale (UEO) laquelle, pour d'autres raisons, ne pouvait prétendre combler le ''vide de sécurité'' en question. Il convient aussi d'ajouter que la traduction en termes concrets de la subordination juridique de l'UEO à l'Union européenne rencontre des difficultés qui laissent présager un avenir incertain de l'UEO en tant que " bras armé de l'Union" : la non appartenance à l'Union européenne de pays classés comme ''membres associés'' et l'attachement à l'Otan ou la neutralité de pays observateurs.. Par ailleurs, l'UEO est non seulement absente du théâtre européen mais aussi, elle connaît un phénomène d' " otanisation " qui rend difficile son autonomie et son usage donc en tant qu'instrument au service d'une politique européenne de sécurité et de défense autonome. Ces atermoiements se retrouvent dans le traité de Maastricht qui jette de manière timide, les bases de ce que certains Européens souhaitent être une politique commune de sécurité et de défense. Les divergences ne vont pas manquer entre les trois principales puissances européennes, en l'occurrence la France et l'Allemagne d'un côté et le Royaume-Uni de l'autre. Pour la France et l'Allemagne, l'UEO peut être réactivée en fonction des nouvelles données et des missions qu'elle serait appelée à mener. Elle deviendrait le "bras armé de l'UE ". Le Royaume-Uni, quant à lui, défend l'idée de mettre en place " un pilier européen de l'Alliance Atlantique " Ces divergences vont se retrouver dans le texte du traité qui stipule, d'un côté que " la politique étrangère et de sécurité inclut l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union européenne, y compris la définition à terme d'une politique de défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune " ; de l'autre que " la politique de l'Union au sens du présent article n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres du Traité de l'Atlantique Nord ". Par ailleurs, le traité mentionne clairement que l'UEO est une " composante de défense de l'Union européenne et un moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance atlantique ". Autant dire donc que ces deux dispositions d'un même article et l'annexe qui accompagne le traité, contentent à la fois la position franco-allemande et celle de la Grande-Bretagne. Dans ce contexte quel cadre tracer pour un partenariat euro- méditerranéen en matière de défense et de sécurité d'autant plus que les résultats de ce partenariat issus du processus de Barcelone sont mitigés ? C'est pourquoi des tentatives sont faites aujourd'hui pour redynamiser le dialogue euro- méditerranéen avec deux initiatives : d'une part, la politique européenne de voisinage ; d'autre part, le partenariat stratégique entre l'Union européenne d'un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient de l'autre. L 'initiative du président Sarkozy rentre dans ce cadre incluant à la fois le volet économique, culturel mais également militaire ; mais ayant une vision beaucoup plus large à travers l'axe Europe - Afrique, cette zone devant devenir une zone tampon de prospérité pour freiner l'émigration notamment africaine. Mais cette initiative devrait tenir compte de la situation qui prévaut dans la région du Proche et Moyen-Orient et de l'influence décisive qu'y exercent les Etats-Unis. Et c'est à travers les activités du groupe dit des " 5+5 " que peut être apprécié aujourd'hui la réalité d'une telle évolution. C'est que la lecture que font les Européens des menaces et défis auxquels le monde et notre région sont confrontés repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective et efficace concernant notamment le terrorisme international, le trafic des êtres humains et la criminalité organisée à travers la drogue et le blanchiment d'argent. Par ailleurs, selon la Commission de Bruxelles et le Parlement européen entre l'Europe et le Maghreb, et plus globalement l'Europe et la zone méditerranée, il s'agit de faire bloc, de rapprocher les Européens et leurs voisins immédiats. Pour le cas de notre pays, qui a signé l'Accord de libre échange avec l'Europe, applicable depuis le 01 septembre 2005, la Tunisie et le Maroc l'ayant signé bien avant, en matière de défense et de sécurité, des consultations relatives a la mise en place d'un dialogue entre l'Algérie et l'Union européenne ont eu lieu sous forme de consultations informelles et de réunions formelles. Mais, notre pays a officiellement demandé des clarifications portant sur deux questions jugées fondamentales : d'une part, la valeur ajoutée de cette offre de dialogue par rapport au Dialogue méditerranéen de l'Otan : d'autre part, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre l'Algérie et l'UE dans le cadre de la PESD. 5. La modernisation de l'ANP: une adaptation aux réalités locales et mondiales L'Algérie a toutes les potentialités pour devenir une grande puissance régionale. Pour cela, des stratégies d'adaptation au nouveau monde sont nécessaires, étant multiples, nationales, régionales ou globales et mettent déjà en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissance différentes et inégales. Mais, face aux menaces communes et aux défis lancés à la société des nations et à celles des hommes, les stratégies de riposte sont ou doivent être collectives. Cependant, dès lors qu'elles émanent d'acteurs majeurs et de premier plan, elles s'inscrivent dans une perspective globale et cachent mal des velléités hégémoniques. Incluse dans une sous-région qui n'en finit pas de vouloir se construire et évoluant dans un environnement géopolitique régional que des acteurs majeurs façonnent aujourd'hui à partir de leurs intérêts et des préoccupations stratégiques qui leurs sont propres, l'Algérie est appelée de se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu'elle a eu à relever jusqu'à présent. Aussi, face aux mutations tant internes que mondiales, qu'aux enjeux géo-stratégiques, l'Armée Nationale Populaire ((ANP), faisant sa mue progressivement est engagée dans les réformes qu'elle a planifiées (modernisation), en accordant au civil et au politique la prééminence sur le militaire ( la sécurité intérieure comme dans tous les pays démocratiques, avec le primat à l'économique et aux défis sociaux relevant de structures spécialisées) et en se fixant, de nouvelles missions : préservation de l'intégrité du territoire national, le maintien de la paix, la prévention des conflits, l'organisation des secours humanitaires de par le monde, et comme l'avenir de demain repose sur les ressources humaines , intensifier la formation, notamment dans les nouvelles technologies et la recherche scientifique et améliorer sa gestion par des audits pointus afin d'optimaliser les effets de ses dépenses. Abderrahmane MEBTOUL assisté de Youcef IKHLEFF (1) NB-Abderrahmane Mebtoul Docteur d'Etat en économie- Youcef Ikhleff politologue, tous deux enseignants aux universités d'Oran et d'Alger. (1 Voir A. Mebtoul-"L'Afrique face aux enjeux géo-stratégiques " (2) " le terrorisme : défis collectifs et menaces globales " disponibles sur le site international Internet - www.yahooo.fr ou www.google.fr et l'interview donnée à la Radio internationale algérienne sur le terrorisme et les relations algéro- marocaines le 14 juillet 2007.