Les perspectives de l'Union du Maghreb arabe (UMA) ont été au centre d'un débat contradictoire samedi à Tunis à l'occasion du cinquantenaire de la Banque centrale de Tunisie (BCT).Les gouverneurs des banques centrales des cinq pays du Maghreb ont participé à cette réunion à laquelle étaient également présents le vice-président de la Banque européenne d'investissement Philippe de Fontaine-Vive et le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer. A l'occasion, le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali a souhaité une mise en place rapide de la Banque maghrébine de l'investissement et du commerce extérieur, un projet pouvant accélérer l'intégration économique régionale dans le contexte de la crise mondiale. "Les mutations économiques mondiales (...) imposent à nos pays d'accélérer la cadence dans la réalisation du projet d'intégration maghrébine, en tant que condition indispensable pour s'adapter à ces mutations.Nous formons l'espoir que l'ensemble des mesures prises à cet effet seront mises en oeuvre, et tout particulièrement l'entrée en exercice de la Banque" régionale, a-t-il dit, évoquant le besoin d'investissement, d'ouverture des marchés et de levée des barrières douanières. Il a exprimé "sa préoccupation" au sujet de la crise financière et assuré que l'intégration du Maghreb constituait pour son pays "un choix stratégique", conforté par la crise, dans un discours lu par le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Taoufik Baccar. Pour sa part, le gouverneur de la Banque d'Algérie, M. Mohamed Laksaci, a indiqué que l'intégration des économies des pays du Maghreb, pour autant qu'elle soit aujourd'hui une nécessité, constitue un processus long et complexe pour être viable et bénéfique pour tous. "L'intégration financière au niveau régional émerge comme une nécessité, surtout dans un contexte de globalisation accru qui véhicule des chocs externes dans le domaine économique", a affirmé M. Laksaci ajoutant que "les progrès réalisés dans le processus tendant à intégrer les économies des pays du Maghreb restent modestes". "Un tel processus est par essence un processus long et complexe, à l'instar de processus similaires dans d'autres régions", a-t-il estimé. Pour le gouverneur de la Banque d'Algérie, "l'intégration économique réussie, viable et bénéfique pour tous exige de chacune des parties prenantes d'oeuvrer à réunir les meilleures conditions internes à cette intégration". Les réformes en cours dans les pays de la région, en matière de poursuite des politiques macro-économiques saines, contribuent, selon lui, à préparer ces bonnes conditions internes d'intégration. Des progrès appréciables ont été accomplis par les banques centrales de la région, en matière de modernisation des cadres réglementaires et opérationnels de l'activité bancaire, mais aussi en matière de renforcement de la supervision, dans un contexte qui, dit-il, doit être un contexte d'ouverture de leur secteur bancaire. "Il est ainsi crucial que les efforts en la matière se poursuivent de manière soutenue, en même temps que se poursuive le développement de nos secteurs bancaires, afin d'assurer les meilleures conditions pour une intégration financière régionale viable", a-t-il relevé. M. Laksaci a rappelé la dernière réunion, à Tripoli (Libye), des gouverneurs des banques centrales de pays arabes, qui a permis d'instituer une commission permanente pour asseoir une coopération fructueuse entre les banques centrales. Il faut savoir que le symposium a été marqué par la présentation d'exposés succincts sur le rôle des banques centrales dans les constructions régionales, à l'exemple de l'UE, de la communauté économique de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO), du conseil de coopération des pays du Golfe (CCG), en attendant le parachèvement de l'intégration économique des pays de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) et la construction naissante de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Ces entités économiques ont abouti, pour certaines à des unions monétaires, à l'instar de l'UE (zone Euro) ou de l'Union monétaire ouest-africaine UEMOA- (zone F-CFA), ou en voie d'en parachever le processus à l'instar du projet de monnaie unique des pays du Golfe, projeté à horizon 2010. Les participants, tout en évoquant le rôle préventif des banques centrales, de par leurs missions de supervision et de régulation, contre les dérives financières des systèmes bancaires, ont souligné la particularité et la complexité de la crise qui vient de secouer les marchés financiers internationaux, et dont il est craint de "devoir en gérer les séquelles pour encore quelques mois, voire quelques trimestres", selon Christian De Boisseau, universitaire français, président du Conseil d'analyse économique. Pour Philipe de Fontaine Vive, vice-président de la Banque européenne de l'investissement (BEI), la crise financière, encore dans tous les esprits ne doit pas occulter "la nécessité" de mettre en place, à travers une coopération économique et financière soutenue, "les bases de la croissance future à laquelle doit contribuer le nouveau partenariat qui émerge entre l'Europe et les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (UPM)". Face à l'adversité du contexte économique et financier international pour de nombreux pays en développement, des représentants de pays de la région du Maghreb ont déploré la lenteur de la construction de l'intégration maghrébine et des déficits en terme de croissance que cela entraîne, appelant à débarrasser la démarche de toute pesanteur politique et à en accélérer le processus d'intégration. Les participants ont, par ailleurs, évoqué certaines conséquences de la crise financière actuelle devant donner lieu, irréversiblement, à une restructuration du monde de la finance, le renforcement des règles prudentielles et des systèmes de régulation, une révision des normes comptables, une amélioration du dispositif de Bâle 2, le recalibrage des modes d'évaluation des risques, l'harmonisation des règles de liquidités bancaires, et éventuellement à l'engagement d'un débat sur le renforcement du rôle de supervision réglementaire du FMI.