Après des débuts jugés difficiles, la présidence française de l'UE a enregistré des succès incontestés mais c'est surtout le style imprimé par Nicolas Sarkozy qui restera à Bruxelles. "Réunionite aiguë", "style surprenant", "bouffée d'air frais" - les qualificatifs ne manquent pas parmi les diplomates de la Commission européenne ou de la présidence française pour décrire la "patte Sarko". "Malgré des tiraillements, c'est un bilan très positif pour l'Europe et pour la Commission en particulier", résume l'un d'entre eux. Au rang des succès, les observateurs citent la création de l'Union pour la Méditerranée, même si elle a vu le jour sous une version modifiée, le "bilan de santé de la PAC (Politique agricole commune), le Pacte européen sur l'Immigration et, surtout, le paquet "énergie-climat". Autant de dossiers jugés normalement sensibles et qui auraient largement suffit à une présidence "normale", relève un haut responsable de la présidence française habitué de longue date aux joutes européennes. Mais la France a dû en outre gérer plusieurs crises quasi simultanées : la crise née du "non" irlandais au traité de Lisbonne trois semaines à peine avant que Paris ne prenne les rênes de l'Europe, la crise russo-géorgienne du début août puis la crise financière et économique qui s'est intensifiée à partir de la fin de l'été. "C'est soudainement devenu une présidence de crise", indique ce responsable, qui reconnaît d'ailleurs bien volontiers que cela a sans doute servi les intérêts français. "Compte tenu des circonstances, la présidence a tiré le chariot, et le chariot était très lourd", confirme un diplomate de la Commission européenne. "Sur la Géorgie notamment, il faut se souvenir des Balkans et d'où l'on vient". Même son de cloche côté allemand où, tout en louant les qualités de leader du président français, son dynamisme et son engagement européen, on considère néanmoins qu'il a été considérablement aidé par le calendrier et l'intervention russe en Géorgie, qui lui a permis de reprendre la main. Paradoxalement, ce sont d'ailleurs les Allemands, l'autre moitié du couple moteur de l'UE, qui ont le plus fait obstacle aux ambitions de Nicolas Sarkozy au cours du semestre. Au-delà des relations détestables qu'entretiennent Peer Steinbrück, le ministre allemand des Finances, et Nicolas Sarkozy, Berlin a été d'une vigilance sourcilleuse sur toute remise en question de l'indépendance de la Banque centrale européenne et n'a que peu goûté la multiplication des sommets et la tendance à isoler des groupes parmi les Vingt-Sept. L'Allemagne a par ailleurs refusé jusqu'au bout d'octroyer à la France la possibilité d'appliquer des taux réduits de TVA à certains secteurs, comme la restauration. Et Berlin n'a pas hésité à s'ériger en gardien du temple budgétaire européen quand Nicolas Sarkozy faisait le siège des capitales de l'UE sur le plan de relance coordonné. Mais le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, estime toutefois que le bilan est largement positif et que la présidence française a permis une véritable "renaissance européenne". De l'avis de beaucoup d'observateurs, ces succès ne seront pas forcément suivis d'effets à moyen et long terme, alors qu'un nouveau cycle européen, plus calme, va s'ouvrir et que l'entrée en fonction de Barack Obama le 20 janvier marquera un retour du leadership américain sur la scène internationale. Restera alors le style et l'instinct, un mot qui revient constamment pour décrire la présidence Sarkozy dans les couloirs de la Commission et du Conseil européen.