Photo : APS Par Anis Djaad Réveil difficile pour Nicolas Sarkozy dans ses appartements privés à l'Elysée. Ce qu'il croyait être sa première grande victoire diplomatique est devenue dimanche dernier son pire cauchemar. L'Irlande unifiée a dit «NON» au mini-traité européen. Qu'elle soit traitée d'ingrate ou non, elle a tourné le dos à l'Europe des vingt-sept comme le faisaient les Pays-Bas et la France. Se déclarant «effondré», Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, ne peut l'être autant que le président Sarkozy. Lui qui, aux côtés de la chancelière allemande, a fait des pieds et des mains pour que ses collègues de l'UE adhèrent au traité de Lisbonne. Douche irlandaise au château de Dublin, les formations politiques nationales n'ont pas fait mieux que leurs jumelles à Paris et Amsterdam. Victoire de l'unification et décadences référendaires, le Premier ministre irlandais s'est tenu droit derrière son pupitre, tout n'est pas fichu. Le Portugais José Manuel Barroso veut bien y croire mais l'optimisme a ses limites. Reste-t-il une chance pour qu'une nouvelle crise constitutionnelle soit évitée ? Rien n'est acquis à l'avance mais, tout de même, les Vingt-sept se rendent «confiants» au prochain Conseil européen. L'Union a connu bien pire, veut-on se rassurer dans les capitales européennes. A chaque blocage, elle a su imaginer des brèches devant les murs d'impasse. Tant pis si les Irlandais ont pris l'UE pour une «tirelire géante», les Anglais sauront redresser ce tort, la ratification du traité de Lisbonne passera par voie parlementaire chez Gordon Brown. Une belle manière de faire passer la pilule pour des peuples européens qui n'ont rien compris en relisant maintes fois la notice. A ce point, le traité simplifié de Lisbonne demeure une énigme pour tant d'électorats à travers le Vieux Continent ? Trop libéral, peu social… le texte continue d'être cet objet non identifié qui toupine sans cesse jusqu'à donner le tournis à ses propres rédacteurs. En premier lieu, à Nicolas Sarkozy qui aurait tant aimé ne pas s'encombrer de ce «NON» franc des Irlandais. Il faut dire que ce «gâchis» survient au moment où la France s'apprête à assurer la présidence tournante de l'UE dès le 1er juillet prochain. Ça chauffe drôlement du côté des fourneaux, tous les ministres du gouvernement Fillon vont être mobilisés pour les six mois à venir, deux services par jour : huiler à tour de rôle la machine pour que la construction européenne puisse continuer à faire du chemin même à un rythme d'escargot. Et faire en sorte que l'avancement du projet de l'Union méditerranéenne ne se transforme pas en une nage de tortue. Car, avouons-le, la présidence française de l'Union européenne ne sera pas de la tarte. Nicolas Sarkozy aura beau souhaiter que ses partenaires de la rive sud soient nombreux au défilé du 14 Juillet -il coïncide à un jour près avec l'ouverture de la conférence pour l'UPM à Paris-, la traversée sera loin d'être une partie de plaisir. A moins que le rejet de ce projet par le colonel Mouammar Al Kadhafi soit un «épiphénomène» comme vient de le révéler Rachid Kaci, l'un des conseillers du président Sarkozy dans les colonnes d'Algérie News. Mais tout ne baigne pas par la seule opposition de la Libye, les atermoiements arabes s'ajoutent aux hésitations de la Turquie qui n'accepterait pas l'UPM comme «lot de consolation» à la place de sa non-adhésion à l'Union européenne. Par conséquent, Nicolas Sarkozy aura tant à faire pour cocher de bons points sur les tableaux européen et euro-méditerranéen. Et ce n'est qu'un aperçu de ce qui l'attend à Bruxelles, la visite de son «ami» Bush le met dans l'embrasas. Annulera-t-il l'invitation libellée au nom de Bachar Al Assad si celui-ci refuse toujours de se désolidariser de son allié iranien ? Il ne peut la lui retirer, tout comme le locataire de la Maison-Blanche il pense que Damas finirait par lâcher les mollahs d'Iran. Pas si grave, osera-t-on dire, le régime d'Ahmadinejad fait preuve d'un tel pragmatisme qu'il peut même s'offrir le luxe de repousser royalement la nouvelle offre de Javier Solana au lendemain du sermon prononcé par le chiite Nouri Al Maliki à propos du «traité de coopération et d'amitié» entre Baghdad et Washington. Trop, c'est trop, l'Irak ne supporte plus que sa souveraineté soit piétinée par le diktat US. Ce coup de gueule n'est pas pour agréer à W. Bush, occupé à faire ses adieux à l'architecte en chef du projet de l'UPM. Fort de la position commune franco-allemande sur le traité de Lisbonne, Nicolas Sarkozy se sentira-t-il plus concerné par le succès ou l'échec de son «projet méditerranéen» que le reste de ses pairs de l'UE quand il lui faudra le présenter officiellement à ses «partenaires sudistes» ? Si une énième crise constitutionnelle qui guette les institutions de l'UE se confirme, il pourra aisément prétendre que la responsabilité incombe à tous. Quant à l'union pour la Méditerranée, il risque d'en assumer seul un éventuel naufrage. Après tout, l'idée a émané de lui et de lui seul ! Entre la douche irlandaise et le bain méditerranéen, il y aura de la difficulté à voir passer le yacht du richissime Bolloret.