Le président français n'a pas réussi à faire passer son projet de créer une union méditerranéenne auprès de ses partenaires européens réunis en conseil, jeudi 13 mars, à Bruxelles. Nicolas Sarkozy n'est pas homme à reconnaître l'échec. Dans son entourage, on a parlé de « projet édulcoré ». Mais, au fond, le projet original a presque été vidé de sa substance. C'est qu'au début, pris par l'ivresse de la victoire électorale de mai 2007, le président français s'était trop empressé à annoncer son initiative en ignorant l'Union européenne (UE). Il n'a visiblement pas calculé les conséquences diplomatiques d'une initiative unilatérale. L'obsession de Nicolas Sarkozy, un politicien de droite, de vouloir exclure la Turquie de l'adhésion à l'UE et à « normaliser » la présence d'Israël dans l'espace méditerranéen lui a fait oublier la nécessité de consulter des partenaires. La résistance de l'Allemagne, le refus de la Turquie, les hésitations de l'Espagne et de l'Italie et le silence de la Grande-Bretagne ont eu pour effet de rappeler à Nicolas Sarkozy les « dures » réalités de la politique internationale qui ne sont pas faites d'égoïsme et de spectacles. Il est vrai qu'il y a eu le fameux appel de Rome de décembre 2007 dans lequel les premiers responsables italien, français et espagnol avaient lancé d'une manière presque officielle l'initiative. Mais c'était insuffisant, surtout que l'appel n'avait pas la force de la clarté. « C'est un compromis, c'est incontestable, mais c'est difficile de faire l'Europe sans faire des compromis », a fini par reconnaître le chef d'Etat français après la réunion de Bruxelles. Une révision du processus de Barcelone Devenu union « pour » la Méditerranée (UPM), le nouveau projet sera réduit finalement à une révision générale du processus euro-méditerranéen de Barcelone. « Il ne s'agit pas de l'enterrer, il s'agit de le mettre à jour », a précisé Janez Jansa, Premier ministre de Slovénie qui préside actuellement l'UE. L'UE, qui tente de donner vigueur au projet de politique de voisinage (PEV), avait prévu, depuis l'échec du sommet de Barcelone de 2005 avec le boycott des chefs d'Etat de la rive sud de la Méditerranée, de revoir le processus de Barcelone. Nicolas Sarkozy lui a donné l'occasion sans gagner grand-chose dans l'affaire. Pis. Le propos de Janez Jansa a tranché la question : « Nous n'avons pas besoin d'institutions qui fassent concurrence à celles de l'UE. » C'est, à peu près, la position officielle de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. Bruxelles a laissé le soin à Nicolas Sarkozy de présider, le dimanche 13 juillet 2008, à la veille de la fête nationale française, le sommet constitutif de l'UPM, en présence des chefs d'Etat de l'ensemble du bassin méditerranéen. C'est du moins le vœu de Paris de faire venir, probablement à Marseille, ces hauts responsables, même si la rencontre de Bruxelles a laissé l'impression que les choses ont déjà été tranchées. Cette présence n'est pas encore acquise. Le guide libyen Mouammar Al Kadhafi (qui a été froidement accueilli lors de sa visite à Paris en décembre 2007) est contre l'UPM. « J'étais, pour ma part, très enthousiaste, mais il semble que l'idée ait désormais été mise de côté. Elle pourrait suivre la même voie que le processus de Barcelone, qui a échoué et péri, même s'il n'a pas été enterré », a-t-il déclaré, relayé par l'agence Jana. Hosni Moubarak a donné « un oui, mais » au projet. « Je pense que c'est une proposition excellente, qui a besoin d'être étudiée (...). Nous sommes encore en train de réfléchir », a déclaré le président égyptien lors de sa visite à Paris l'été 2007. Le Caire a appelé les pays arabes méditerranéens à « une réflexion collective » sur le projet. Surtout que la Syrie n'a encore rien dit sur ce projet et que la position de la Jordanie demeure imprécise (l'UPM est également élargie à des pays non riverains comme la Mauritanie et le Portugal). Pouteflika à Paris avant la fin de l'année L'Algérie a noté par la voix de son ministre des Affaires étrangères que l'UPM manque de « contenu opérationnel ». François Fillon, Premier ministre français, devra venir à Alger dans les prochains semaines pour convaincre le président algérien d'être présent au sommet de juillet 2008 Abdelaziz Bouteflika envisage, selon des sources diplomatiques, de se rendre en France pour une visite d'Etat avant la fin de l'année. La Tunisie et le Maroc sont les pays qui ont le plus applaudi l'initiative de l'UPM. La présence de Mohammed VI et de Zine El Abidine Benali est presque acquise. Concrètement, l'UPM aura la prétention d'enjamber les obstacles créés devant le processus de Barcelone. Mais le conflit au Moyen-Orient, qui se complique avec la crise humanitaire à Ghaza, sera curieusement évité. « L'objectif n'est pas de résoudre les problèmes du Moyen-Orient ou le conflit israélo-palestinien », a expliqué Janez Jansa. « On est tous conscients qu'en Méditerranée, on aura la paix ou la guerre, et que c'est là où beaucoup de choses se jouent », a noté le président français, attaché, comme il le dit, au dialogue des cultures. A charge aux concepteurs de l'UPM de trouver la voie médiane entre ces deux visions. L'UPM, dont la principale raison de création est d'assurer la sécurité énergétique de l'Europe (selon la vision de Nicolas Sarkozy), se veut être, tout compte fait, un ensemble de projets à élaborer en commun. Ceux-ci vont se concentrer, entre autres, sur l'environnement et sur le développement à travers la création d'une banque destinée à cet objectif. Il est question de créer également « une zone de sécurité » commune. Là aussi, il faut trouver des liens avec le dialogue méditerranéen engagé par l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) aux fins d'assurer la stabilité et la sécurité dans la région.