"Qui peut imaginer, aujourd'hui, résoudre les problèmes du monde sans le Brésil ?", a déclaré Nicolas Sarkozy dans un entretien au journal Folha de Sao Paulo, à la veille d'une visite de deux jours à Rio de Janeiro, lundi 22 et mardi 23 décembre. Par sa taille, son poids démographique un Sud-Américain sur deux et sa réussite économique, par son statut de leader régional et la vigueur de sa démocratie, le Brésil est devenu un acteur essentiel dans l'arène internationale. Diplomatie, commerce, énergie, environnement, immigration, espace, drogue, terrorisme : tout l'intéresse et tout le concerne. L'Union européenne (UE), et d'abord la France, ont entrepris de développer un "partenariat stratégique" avec cet interlocuteur ambitieux, sérieux, pragmatique, conscient de sa montée en puissance, et parfois coriace négociateur lorsqu'il estime que ses intérêts nationaux sont en jeu. Après des décennies d'instabilité, de marasme ou de repli sur soi, le Brésil donne le sentiment d'avoir enfin rendez-vous avec l'Histoire. Comme le disait un jour le président Luiz Inacio Lula da Silva, "Dieu est maintenant brésilien". En mettant en oeuvre avec Brasilia une coopération militaire assortie de gros transferts de technologie pour la construction d'un sous-marin à propulsion nucléaire et la fabrication d'une cinquantaine d'hélicoptères lourds, Paris manifeste son désir d'aider les Brésiliens à acquérir les moyens de leur puissance. Toutefois, les relations franco-brésiliennes ne peuvent se réduire à des livraisons d'armes ou à des discussions client-fournisseur. Elles s'inscrivent dans un dialogue politique global. M. Sarkozy, son homologue brésilien et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, devaient donc d'abord parler de leur principal souci commun, la crise mondiale, sur lequel ils se retrouvent sur la même longueur d'ondes. Le Brésil préside cette année le "G20", qui regroupe les sept économies les plus avancées et les principales économies émergentes. Se posant en porte-parole de ces dernières, Brasilia n'a cessé, depuis des mois, de réclamer qu'elles prennent toute leur part dans une refonte du système financier international. La France est d'accord. Elle souhaite aussi que le Brésil augmente sa contribution au Fonds monétaire international (FMI) pour y faire mieux entendre sa voix. L'Europe et le Brésil aimeraient que la crise permette de "ressusciter" les négociations du "cycle de Doha" sur la libéralisation des échanges dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui ont échoué en juillet. Les Brésiliens s'étaient beaucoup démenés pour que les discussions réussissent, avec l'espoir de faire bénéficier, au moins partiellement, l'éthanol qu'ils produisent d'un libre accès aux marchés européen et américain. Après cet échec, qui se solde par un important manque à gagner, le Brésil se retrouve isolé du fait qu'il n'a pas d'accords bilatéraux de libre-échange avec ses principaux partenaires internationaux. L'UE propose de négocier un accord régional avec le Mercosur, l'union douanière formée par le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, ainsi que le Venezuela, en cours d'adhésion. Les Brésiliens poussent en ce sens, mais ils ne peuvent forcer la main de leurs voisins. Le 16 décembre, au sommet de Bahia, le Paraguay a refusé d'abolir la double taxation douanière sur les produits importés et échangés à l'intérieur du Mercosur, un handicap tarifaire pour les biens venus de l'UE. Les querelles actuelles entre le Brésil et les voisins qui le contestent Paraguay, Bolivie ou Equateur compliquent fatalement ses discussions avec l'Europe. Il n'empêche : 25 % des exportations du Brésil sont destinées à l'UE. L'Europe, a rappelé M. Barroso, dimanche, investit plus au Brésil que dans les trois autres "BRIC" (Russie, Inde, Chine) réunis. M. Sarkozy devait réaffirmer à Rio son appui à un élargissement du conseil de sécurité des Nations unies, qui ferait du Brésil un membre permanent. Là, le blocage vient de l'Italie et de l'Espagne. L'environnement est le dossier le plus délicat. L'UE voudrait que le Brésil se fixe des objectifs chiffrés sur la réduction des gaz à effet de serre, ce qu'il ne semble pas disposé à faire. Sur l'Amazonie, les Brésiliens font preuve d'un nationalisme sourcilleux. Ils craignent que le moindre accord international ouvre la voie à une remise en cause de leur souveraineté sur la région et complique la difficile protection des terres indigènes. Pour créer un simple réseau d'études entre chercheurs français et brésiliens une idée pourtant lancée par le président Lula Paris a dû négocier avec Brasilia pendant un an, et jusqu'à la dernière minute.