Au lendemain de la guerre arabo-israélienne d'octobre 1973, les pays regroupés dans l'Opep déclarèrent qu'ils utiliseraient le pétrole comme arme politique, l'idée s'est largement répandue que " le monde énergétique " est divisé entre deux catégories d'acteurs, les pays producteurs et les pays consommateurs qui entretiennent des relations de dépendance et, dans bien des cas, conflictuelles. Selon cette idée, les intérêts de ces deux catégories de pays sont antagoniques. Pour un expert de la question, cette vision dominante des relations énergétiques qu'il appelle "paradigme énergétique dichotomique" (PED), la question de la sécurité énergétique est abordée à partir de l'idée que le problème trouve son origine dans la dépendance de ceux que l'on appelle les pays consommateurs vis-à-vis de l'offre de ceux que l'on appelle les pays producteurs. C'est pourquoi les politiques de sécurité énergétique sont généralement des politiques d'action sur l'offre (supply side). Dans l'Union européenne (UE) également, et encore tout récemment, le diagnostic des questions de sécurité est établi en fonction de " l'exposition croissante de l'UE aux risques pesant de la sécurité de l'approvisionnement ". La Commission européenne explique cette exposition croissante par quatre raisons : la part importante des hydrocarbures dans la consommation d'énergie primaire de l'UE, la forte dépendance européenne vis-à-vis des importations de cette énergie fossile, la concentration de ces achats dans un petit nombre de pays (surtout s'agissant du gaz naturel) ; enfin les prévisions qui indiquent que cette consommation et cette dépendance ne feront que s'accroître dans les décennies à venir. A côté de ce premier modèle, en existe un deuxième : la politique de l'UE en matière de sécurité énergétique est ancrée dans l'approche marché et institutions. Cette approche, clairement économiste et d'inspiration néolibérale, promet la création d'un marché énergétique en tant que mécanisme d'autorégulation de la sécurité énergétique. Par conséquent, le principal défi de la politique énergétique, c'est de la tenir isolée de l'action des Etats producteurs et des gouvernements des pays consommateurs, afin d'éliminer l'incertitude à laquelle sont confrontées les entreprises énergétiques privées. La "Charte de l'énergie " offre un bon exemple de cette politique de l'UE. (L'expression " processus de la Charte de l'énergie " se rapporte à toutes les obligations et activités mentionnées dans la Charte européenne de l'énergie de 1991, dans le traité sur la Charte de l'énergie de 1994 (modifié par l'amendement des dispositions commerciales de 1998) et dans le protocole de la charte de l'énergie sur l'efficacité et les aspects environnementaux connexes de 1994). Au niveau méditerranéen, cette approche "marché" de la politique de sécurité énergétique apparaît avec le processus de Barcelone. En 1995, la Déclaration de Barcelone attribue au secteur énergétique un " rôle structurant " dans le partenariat économique euro-méditerranéen, ce qui revient à en faire un élément clé du développement du Maghreb. Par ailleurs, la déclaration de Barcelone se propose de "renforcer la coopération et d'approfondir le dialogue dans le domaine des politiques énergétiques et de créer les conditions-cadres adéquates pour les investissements et les activités des compagnies énergétiques, en permettant à ces dernières d'étendre les réseaux énergétiques et de promouvoir les interconnexions". Cette ouverture n'est pas attribuable à la mise en place de zone de libre-échange. En Algérie, elle s'était déjà amorcée au début des années 1990, puis s'est consolidée en 1994 avec la mise en œuvre d'un plan de réajustement structurel sous l'égide du FMI. En revanche, elle est très récente en Egypte et en cours d'élaboration en Libye. Plus de dix ans après, les effets de cette politique ont été les suivants : l'ouverture progressive des économies des marchés du sud de la Méditerranée et donc l'ouverture des secteurs énergétiques de ces pays. Il s'en est suivi un accroissement important des investissements dans le secteur énergétique, devenu attractif tant en termes de production que de rentabilité financière. Malgré cet accroissement, les Européens ne sont pas les investisseurs majoritaires dans la région. En 2005, 21 % des investisseurs étaient d'origine européenne et 25 % provenaient des Etats-Unis. Ces dernières années, des pays du Golfe sont devenus les premiers investisseurs, avec une forte présence dans les services bancaires, financiers et commerciaux. Devant ce constat, le document sur lequel nous nous sommes basés, se propose d'analyser la situation énergétique en Méditerranée à partir de l'évolution des relations énergétiques entre l'Algérie, les pays de la région dont le secteur énergétique est le plus ouvert, qui est le mieux doté en infrastructures gazières et qui attire le plus d'investisseurs étrangers, et les pays européens de la Méditerranée occidentale. Le document rappelle que Gaz de France (GDF), premier importateur européen de gaz naturel liquéfié (GNL), a conclu un accord programme avec la compagnie algérienne Sonatrach pour reconduire jusqu'en 2019 ses contrats d'approvisionnement, qui doivent arriver à échéance en 2013. Dans les conditions actuelles de marché, ces contrats représentent un montant total annuel de 2,5 milliards d'euros. Cet accord a été signé à l'occasion de la visite en Algérie du président français Nicolas Sarkozy, au cours de laquelle plusieurs autres accords en matière énergétique ont été conclus, dont un accord de coopération sur le nucléaire civil et un accord de partenariat avec le groupe français Total, qui investira 1 milliard d'euros dans une nouvelle usine pétrochimique. La reconduction des contrats actuels d'approvisionnement en GNL devrait permettre à GDF de se rapprocher de son objectif stratégique, qui est de devenir le numéro un du GNL en Europe, et mettre l'Algérie en bonne position pour devenir le premier fournisseur mondial de GNL.