"In corpore " est le titre d'une grande exposition qui se déroule jusqu 10 janvier prochain au Centre culturel algérien à Paris. Signée, par Abdeslam Graine, le sculpteur algérien qui a plié bagage en 1997 à cause de la tension sécuritaire ambiante dans le pays, cette exposition se veut "un hymne aux esprits libres dans des corps libres.""In corpore " est "l'histoire d'un corps tourmenté, malade, habité par une famille nombreuse d'esprits illuminés qui l'habillent de honte pour le posséder ; il s'agite, se secoue, s'en déleste, mais ces esprits reviennent à chaque fois par légions indénombrables et davantage nuisibles, voire fatals, car ils brûlent le corps qui résiste à leur conquête". Amoureux de la renaissance italienne, porté sur la sculpture monumentale et particulièrement sensible à la plastique du corps humain, il se décrit comme un artiste " contemporain " qui tient dans sa pratique artistique à rester inscrit dans la continuité des techniques académiques, davantage par amour de la puissance plastique des oeuvres classiques que par rejet des tendances actuelles ; ou pire encore, par ignorance des bouleversements qui ont eu lieu depuis plus d'un siècle. Après une longue période de repli créatif et une exposition intitulée " Jardin de la poésie ", à Cologne durant l'automne 2006, le voilà de retour avec ses volumes à la faveur d'une première exposition au Centre culturel algérien à Paris. " Je me sens comme une maison ultramoderne, hantée par de nombreux fantômes: ceux de mes maîtres et inspirateurs de toujours. " disait -il aussi. En 1996 en plein période d'instabilité et d'insécurité totale, le sculpteur créa avec ses amis artistes Carpe diem, -1996-2001- un groupe d´expression scénique engagé, contre la terreur islamiste et le régime oligarchique, qui ont plongé l´Algérie dans une sanglante guerre civile. Carpe diem (Jouir de l´instant présent) comme nom l'indique, "nous a été inspiré par la menace de mort qui semblait la seule à tenir ces promesses dans l´Algérie des années 90 ; nous nous disions : mort pour mort, autant tout nous permettre! Notre philosophie était de faire des contraintes de tout ordre, des données avec lesquelles il fallait joyeusement composer." Ces spectacles muets, originaux, courts, alternant allégresse, humour et violence sur fond musical, dans les rues et salles, d´Alger de Tizi-Ouzou et de Béjaia, étaient comme " la dernière volonté " de condamnés à mort; aucun interdit n´était respecté. Les dernières représentations de ce groupe ont été données au théâtre piccolo de Forli en Italie (1998), ainsi que sur la place de la République et au Zénith de Paris en France (2001). Né en 1967 à Béjaïa au sein d'une famille originaire des Ath Yenni, Abdeslam Olivier Graïne est diplômé de l'Ecole supérieure des Beaux-Arts d'Alger, où il a étudié la sculpture monumentale dans l'atelier Boulaïne entre 1990 et 1995. Dans le tumulte et les assassinats de cette période, il a envie de dire à travers les corps de Carpe-Diem, dont la devise était " la rage de bâtir dans le sanctuaire de la destruction ". Ce groupe, a un temps donné des performances-improvisations chorégraphiques nourries de la tragédie qui se jouait alors à ciel ouvert dans le pays. A cette époque, le sculpteur a notamment réalisé une statue en pied, de feu le président Boudiaf et une sculpture en hommage aux sept moines assassinés de Tibhirine. L'artiste, qui a aussi réalisé des bustes en bronze de Kateb Yacine, Taos Amrouche, Mouloud Mammeri, Cherif Kheddam et Matoub Lounès, poursuit le rêve de voir se créer un espace, galerie ou jardin, qui conjugue la mémoire et l'art, " un lieu de vie en rupture avec les "stèles cimetières". Actuellement Abdeslem Graïne vit entre la France et l'Allemagne. Par Rebouh H/