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Exposition-Art Contemporain arabe
Quatre enseignements en beauté
Publié dans El Watan le 06 - 09 - 2007

C'est sans doute l'une des plus intéressantes expositions internationales de peinture moderne et contemporaine montée en Algérie depuis l'indépendance.
Avec soixante-dix œuvres représentant chacune un artiste, l'exposition offre un panorama complet de l'évolution des arts plastiques dans le monde arabe en terme de tendances, d'écoles et de recherches, depuis le premier quart du XXe siècle jusqu'à nos jours. On peut s'y délecter de la qualité et de l'originalité des créations, en se laissant aller simplement à l'effet des couleurs et des formes, à la richesse des thèmes et des motifs ou aux subtilités des techniques et des compositions. Mais ce bonheur des yeux serait incomplet sans une considération des découvertes, que l'exposition apporte du point de vue de la connaissance d'une « aventure créative » unique en son genre. Jusque-là, la peinture du monde arabe nous était connue qu'à travers quelques individualités et sans doute, beaucoup moins que l'art européen ou occidental qui dispose de moyens de promotion conséquents. C'est là aussi, un fait de l'isolement culturel de l'Algérie en manque d'échanges et de contacts artistiques internationaux de haut niveau. Quatre enseignements se dégagent de cette exposition. Premier enseignement : l'art contemporain arabe est indissociable de l'art contemporain universel et il en a suivi l'évolution sans grand retard, étant même parfois, étonnamment à la page. On notera ainsi qu'en 1938 déjà, à l'initiative de peintres et d'écrivains, se créa au Caire le groupe Art et Liberté qui se réclamait du surréalisme et était en contact direct avec le mouvement créé par André Breton. Quand on sait que c'est par l'orientalisme que les premiers artistes arabes accédèrent à la peinture au début du XXe siècle, on mesure mieux l'accélération incroyable de leur évolution picturale. Deuxième enseignement : pour être intégrés à l'art moderne universel, ces nouveaux créateurs recherchèrent d'emblée à le combiner à leurs patrimoines, soucieux d'accompagner les revendications indépendantistes. Ainsi, ils allèrent tous puiser le suc de leur modernité dans la calligraphie arabe ou les signes mésopotamiens, pharaoniques, phéniciens et amazighs. Troisième enseignement : ces évolutions, qui se déroulaient dans chaque pays, ont connu un parallélisme remarquable sans que des liens n'existent entre les communautés nationales d'artistes, sinon par des échanges limités au sein de la diaspora. On voit ainsi, les mêmes étapes se dérouler au Maghreb et au Machreq par une sorte de déterminisme culturel, aboutissant aujourd'hui dans les nouvelles générations à des approches aussi similaires. Quatrième enseignement : les œuvres algériennes présentes dans cette exposition, et qui relatent de manière correcte les grandes étapes de l'art national, amènent à penser que celui-ci n'a pas « à rougir » comparativement de sa qualité et de son audace créatives. Au-delà des signatures connues de pionniers (Ali Khodja, Baya, Benanteur, Issiakhem, Khadda, Mesli), d'artistes contemporains confirmés et de jeunes créateurs engagés sur de nouvelles voies, on notera l'événement que constitue la première apparition de Mahdjoub Ben Bella, immense artiste né en 1946, et qui souffrait jusque-là de n'avoir jamais été invité dans son propre pays. L'idée d'une grande exposition de ce peintre mériterait l'attention. Mais chaque individualité est à découvrir dans cette exposition. Chaïbia Tallal la Marocaine, décédée en 1994, cousine symbolique de notre Baya, car complètement autodidacte, et dont les œuvres « spontanées » sont fortement cotées dans les enchères d'art. Mohamed Sami, le sculpteur koweitien aux personnages tourmentés en bronze. Mouna Saoudi, sa collègue jordanienne, une des rares femmes sculpteur, dont la Femme-oiseau de marbre semble si légère. Zeïd Fahrelnissa, irano-jordanienne avec ses Bédouines aux couleurs chatoyantes. Abdehadi Al Gazzar, alexandrin né en 1925, précurseur avec son univers onirique qui rejoint dans l'esprit, celui de sa compatriote Nada Hamad, née en 1924, au Caire. Soleïman Mansour le Palestinien dont il faut absolument voir le tableau La foule, véritable tourbillon humain d'une angoissante beauté. Awad Al Shimi qui, comme son nom l'indique, est un alchimiste de la gravure (s'arrêter devant son Odalisque, chef-d'œuvre de maîtrise et d'atmosphère). Autre pionnier, Mohamed Melehi, né en 1936 au Maroc, obsédé d'ondes très contemporaines. Zineb Sedira, l'Algérienne de Londres dont l'art emprunte les chemins de la photo et de la vidéo. Nada Akl, la Libanaise qui excelle dans un hypersurréalisme aux ambiances feutrées. Adel El Siwi, né en 1952 en Egypte et dont le travail se rapproche tant de celui d'Issiakhem, qu'on pourrait s'y tromper. Shadia Alem, née en 1960 en Arabie Saoudite, y vit et y expose des installations audacieuses. Vraiment, chaque artiste est une découverte dans cette exposition constituée de la collection de l'Institut du Monde Arabe de Paris (exposée pour la première fois dans sa totalité hors de France) et les prêts du Musée national des Beaux-arts d'Alger et d'une douzaine d'artistes. L'intérêt de l'exposition tient aussi à la scénographie, réalisée par des professionnels français, selon les meilleurs standards internationaux (disposition, supports, éclairage, respect des distances de vue et de déplacement des visiteurs…). Tout cela met en évidence la nécessité de former chez nous des spécialistes en la matière, comme envisagé dans le cadre du MAMA (Musée d'Art moderne et contemporain d'Alger). Celui-ci devait ouvrir ses premiers niveaux avec cette exposition. Selon nos informations, bien que le chantier ait respecté ses échéances, des retards dans la livraison d'équipements techniques auraient empêché cette pré-inauguration, ce qui explique son déplacement au Palais de la culture Moufdi Zakaria. L'ouverture devrait avoir lieu le mois prochain avec l'exposition « Regards des photographes arabes contemporains ». Pour l'instant, il y a de quoi voir, apprécier et s'émerveiller du 7 septembre au 12 octobre. Enfin, comment ne pas se demander pourquoi l'Algérie est un des rares pays du monde arabe à ne pas organiser de biennale internationale d'art, aussi attendue par les artistes que par les amateurs d'art ? Espérons que la présente exposition suscitera un élan.

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