Le film "Gabbla" de Tariq Teguia est actuellement en compétition au festival international du film de Rotterdam qui se déroule du 21 au premier janvier prochain.Sélectionné en compétition lors de la 65è Mostra de Venise, " Gabbla", le film franco-algérien qu'il faudra attendre pour le voir sur nos écrans si toutefois quelques distributeurs y consentent- y a remporté le prix Fipresci de la critique internationale. Dans ce long-métrage qui est une comédie dramatique, il est question comme c'était le cas dans le premier film du réalisateur, "Roma wala N'touma " (Rome plutôt que vous) (2006), de l'émigration clandestine. Comme dans l'un, comme dans l'autre de ces œuvres, le réalisateur s'interroge en tentant de donner des réponses sur le phénomène des harragas qui gagne toute l'Afrique, malgré les risques mortels et pénaux que courent les candidats qui émigrent sur un bout de bois.Le film " Gabbla" raconte l'itinéraire de Malek, la quarantaine, qui a accepté un emploi de topographe. Dans le hameau où il débarque, quelque part dans l'ouest algérien, les villageois qui ont fui le terrorisme reviennent chez eux mais restent à cran. Un jour, dans la cabine saharienne qui lui fait office de logement, Malek découvre une " harraga " africaine qui se cache. Après une visite de la police, il prend la fuite avec elle vers la frontière marocaine avec le projet d'atteindre l'enclave espagnole de Melilla. Mais en route, épuisée et de moins en moins sûre de vouloir atteindre l'Europe, la jeune femme change d'avis et souhaite retourner chez elle. Tous deux mettent alors le cap plein sud, dans une équipée sans fin dans l'immensité du Sahara. Même interrogation, même résignation du réalisateur dans " Rome plutôt que vous " présenté à la Mostra de Venise en septembre 2006, en tant que premier long-métrage de Tariq Teguia. Cette œuvre un peu noire, est une plongée saisissante dans l'Alger des désirs migratoires déçus. Le film suit au plus près les corps impatients de deux jeunes algérois : Zina (Samira Kaddour) et Kamel (Rachid Amrani). Zina habite près du port, chez ses parents, et travaille dans une clinique, tandis que Kamel, sans emploi, s'accroche à la perspective d'un futur italien, suisse, " au pire français ", qu'il mûrit en observant du haut des ponts, les flux incessants de containers venir et partir du port d'Alger. Ils flirtent et s'effleurent, à l'abri des regards, à distance du quartier dans les interstices urbains qui peuvent offrir un espace à leur géographie amoureuse. Pas de " Club des pins " pour eux, puisqu'il faut là aussi un visa pour y rentrer, mais une plage abandonnée en marge des chantiers. En fait, ils partagent ensemble l'ennui, ou plutôt l'attente. En effet, Kamel, veut (re)partir, il a contacté un passeur, mais ce dernier ne donnant pas de nouvelle, le jeune homme va embarquer Zina dans un road movie intra-urbain spiralaire, errant dans les décombres de l'Alger contemporain. Plasticien de formation, Tariq Teguia est photographe, enseignant en histoire de l'art à l'Ecole supérieure des Beaux-arts d'Alger, et cinéaste. Entre l'écriture du scénario et la réalisation de " Rome plutôt que vous ", sept ans se sont écoulés, et pas loin de deux ans encore entre sa présentation au festival de Venise et sa sortie française. " Je me demande à quel point j'étais prêt à me battre pour faire le film. Oui, il a été refusé dans des commissions, mais j'avais autre chose à faire. J'ai réalisé un autre film, j'ai continué mes études " avait déclaré le réalisateur. " Rome plutôt que vous " a été réalisé grâce à une bourse de 40 000 euros, attribuée par le festival de Berlin, où Tariq Teguia avait antérieurement montré un de ses courts-métrages. "Il faut sortir de ces logiques de financement qui vous font attendre un an, un an et demi comme rien. Le désir ne fonctionne pas sur ce tempo-là. Les films, il faut les faire, il ne faut pas en rêver " avait-il encore soulevé.Ecrit très vite, tourné par une équipe technique de cinq ou six personnes, avec des acteurs non professionnels rencontrés au fil de ses " dérives ", le film a été tourné à Alger et dans le quartier périphérique de la Madrague. La poésie documentaire dans laquelle baigne cette fiction est à mettre sur le compte d'une attitude partagée par le cinéaste et son chef opérateur (un photographe en réalité), et que le premier décrit comme une " attention aux alentours, un souci du surgissement ". Rachida Couri