"19h, le spectacle. C'est complet !" Il était à peine 18h quand le responsable de la communication du Centre culturel français, nous envoie ce SMS à propos du concert- événement de Houria Aïchi jeudi dernier à la salle Ibn Zeidoun de Riadh El Feth.Sur les lieux nous avions reconnu peine la salle qui était non seulement inondée de monde, mais aussi barricadée de partout et renforcée par un dispositif sécuritaire impressionnant. Pas d'entrée sans ticket, même pas les journalistes qui n'ont pas d'ordre de mission, connus soit-ils des responsables de la salle. Si vous insistez, un premier agent prend vos références sur votre carte de presse et un autre à quatre mètres plus loin peut vous refuser l'accès si vous n'êtes pas munis d'un ordre de mission. Du rarement vu dans cette salle qui a vécu ses heures de gloire vers le début des années 90, lors de concerts de jazz et autres spectacles qui avaient révélé Fellag aux algériens. Complet donc à l'intérieur où des spectateurs s'étaient mis sur les marches, d'autres debout, tandis qu'une trentaine de personnes continuait à supplier dehors les agents de sécurité pour voir, La Houria. Ce n'était pas des jeunes, ni des flâneurs qui attendaient, mais des familles entières aux cheveux poivre et sel. Lumière bleue et rouge dans la salle et intro sublime du groupe qui l'accompagne depuis l'excellent L'Hijâz'Car orchestré par Gregory Dargent. Un mélange de jazz et d'air aurasien mixé dans une parfaite harmonie a donné déjà un avant- goût à la suite. Pour rester dans l'authenticité d'un chaoui séculaire, le groupe français n'était pas venu avec des instruments modernes, mais avec le bendir à la peau de mouton, la percussion, et le oûd de nos aïeux. Après l'intro, Houria Aïchi fait son apparition dans une tenue aussi humble que sobre : une large jupe noire et un haut couleur orange avec à la main un long foulard de la même nuance que le haut. Elle ne salue pas le public qui l'ovationne, mais entonne déjà l'un des titres de son nouveau répertoire, " Les Cavaliers de l'Aurès ", où la noblesse de la chevalerie est sublimée sous des youyous ininterrompus des femmes. Une deuxième et une troisième chanson avant qu'elle ne fasse sa révérence au public lui lançant " combien elle était heureuse d'être là et combien elle avait le trac ! " Applaudissements ininterrompus, rires, youyous ….la totale avant que les premiers rythmes de la percussion ne reprennent en plongeant la salle dans un silence soporifique. Cette fois-ci il est question de cavalerie, de la "chahba", la jument grise , la préférée des hommes parce que belle et robuste. Houria Aichi joint alors à sa voix profonde, la rythmique de son corps qu'elle mouvoie sans vulgarité mais solennellement, rare comme une poupée mécanique, sans faire de bruit avec son foulard qu'elle promène comme un étendard. Hommes et femmes sont obnubilés, par cette " petite " femme qui raconte les Aurès arides dans une langue séculaire en compagnie d'un groupe nourri d'une autre langue, mais investi d'un cœur et d'une sensibilité qui semble avoir pris ses racines dans cette même contrée bédouine où le chant palie aux absences.Ce qui est génial dans le concert de Houria Aïchi, l'émigrée qui est partie à Paris il y a un quart de siècle en laissant des bouts de son cœur enfoncés dans sa terre natale des Aurès, c'est cette harmonie entre l'ancien et le nouveau, cette communion qui coule de source entre des individus que tout lie et tout sépare. Bel exemple pour la paix dans le monde qu'est cette musique sans frontière ! Meriem Mokrani