Le temps d'un concert, organisé par le Centre culturel français d'Alger, la salle Ibn Zeydoun (Oref) a vibré, jeudi dernier aux rythmes des chants chaouis venus des cimes des Aurès. Ces chants, plutôt poèmes, étaient portés par la puissante et entraînante voix de la chanteuse algérienne, Houria Aïchi, installée en France depuis des années. Pour son premier concert à Alger, la chanteuse était accompagnée de L'Hijâz'Car, un orchestre (de cordes, de vent et de percussions) composé de cinq musiciens, venus de la capitale culturelle alsacienne, Strasbourg. La salle était pleine comme un œuf. Les billets d'entrée se sont vendus comme des petits pains. À 19h, aucune place de libre et il y avait encore du monde qui attendait à l'extérieur. 19h15. Les musiciens entrent en scène et entament un instrumental. Une musique enchanteresse, un mélange venu des Aurès et des rives du Nil… Enfin, l'ambassadrice de la chanson chaouie fait son entrée, un long foulard (ou plutôt un fichu), rappelant la tradition des Aurès, à la main. Droite, gracieuse, elle entame son tour de chant par une déclaration d'amour. En fait durant presque une heure et demie, Houria Aïchi n'a chanté que l'amour et la beauté. Durant ce concert, elle a fait revivre la vie, la tradition des Aurès. Plus précisément, celle des “Raeyan El Kheil” (les éleveurs de chevaux), ce peuple qui naguère élevait avec amour et passion des chevaux de qualité dans les vastes étendues allant de Tébessa, Souk-Ahras à Téleghma. Ce concert était une sorte d'histoire, une sorte de film sonore d'une tranche de vie, qui raconte la fête, l'amour : “Mon âme est en peine et ma plaie ne veut guérir. Cavaliers, ô cavaliers vous qui jouez avez-vous vu mon frère celui qui porte le turban satiné et la médaille brillante” (extrait de l'Amoureuse). Ou “Mon frère, mon amant est du vif argent Ô Dieu, protège son clan. Prolonge sa vie et étends sa prospérité” (extrait d'Invocation). Il y a aussi la louange à Dieu dans le Messager : “Un cavalier arrive de l'Est sais-tu qui il est ? Mohamed… L'Homme à la belle parole : Il n'y a de Dieu que Dieu.” Dans ses chansons, la métaphore est très présente. Tout est imagé, poétique, comme dans La jument grise, un chant empreint de liberté, le symbole souvent présent dans la poésie populaire chantée. Il est teinté d'une grande sensualité : “La jument grise, chaperonnée par deux témoins est apparue. Montée par le beau Allaoua dont les cheveux ont blanchi plus tôt que de raison. Ô Dieu, que mon âme est en peine ! Mes nuits sont souvent blanches et je ne trouve pas le sommeil. Tu en es la cause, ô ma chère Keltoum lorsque tu t'habilles de soie et de broderies…” À sa puissante et chaleureuse voix s'ajoute la grâce du corps. Sur quasiment toutes les chansons, Houria Aïchi esquissait des pas de danse, au grand bonheur des spectateurs. Avec souplesse et de la beauté dans le geste, elle a charmé tous les présents par sa danse, sous des youyous stridents, gesticulant avec son long foulard, rappelant celle exécutée par les femmes chaouies lors des fêtes et mariages, quand elles accompagnent, dans un cortège, par des chants, la mariée à sa nouvelle demeure… Sur le plan musique, Houria Aïchi s'est entourée du groupe L'Hijâz'Car, des musiciens attirés par la musique du monde, les sonorités venant du Maghreb, de l'Orient ou d'ailleurs. En fait, ce sont des musiciens qui voulaient se confronter aux différentes musiques, mais surtout les inventer. Ce qui explique la diversité des sonorités, qui nous rappelait tantôt le fin fond du Maghreb, le Sud, l'Orient, la musique tzigane… Un mélange des plus harmonieux, un pur bonheur… L'album les Cavaliers de l'Aurès (le quatrième), est l'album de la maturité musicale. Avec une voix pure, si intense, si chaleureuse, Houria Aïchi terminera son concert a cappella. Sublime ! Amine IDJER