L'expérience judiciaire française en matière de lutte contre le crime organisé était, dimanche à Oran, au centre d'une rencontre animée par des magistrats français dans le cadre du jumelage liant la Cour de justice d'Oran et la Cour d'appel de Bordeaux (France). Cette séance de formation a été organisée au pôle pénal régional spécialisé, depuis sa création il y a une année, dans la lutte contre la grande criminalité, au profit de magistrats exerçant au niveau de cette instance judiciaire et des tribunaux de la Cour d'Oran. A cette occasion, le procureur général près la Cour d'appel de Bordeaux, Jean-Marie Darde, a rappelé qu'en France la lutte contre le grand banditisme s'est renforcée en 2004 par la création de 8 instances à vocation similaire à celle des 4 pôles pénaux algériens. La compétence de ces structures, appelées Juridictions d'intérêt régional spécialisées (JIRS), s'étend notamment au traitement des affaires de trafic de stupéfiants, de meurtre aggravé et au trafic d'être humains, a indiqué M. Jean-Marie Darde qui dirige aussi le parquet général de la JIRS de Bordeaux. Le magistrat français a signalé que les JIRS, tout en étant fortes du haut niveau de formation de leurs magistrats, associent également des assistants externes, dont des cadres et universitaires spécialisés notamment dans les domaines économiques et financiers. Ces assistants, a-t-il précisé, apportent leur concours à la justice pour l'aider à pénétrer efficacement un dossier en cours d'instruction, surtout en matière de flux financiers pour déterminer l'existence de faits de blanchiment d'argent. Le magistrat français a en outre abordé les spécificités procédurales des JIRS en citant la durée de la garde à vue qui peut être doublée jusqu'à 96 heures, la perquisition qui peut être ordonnée à tout moment, et la compétence des magistrats étendue sur l'ensemble du territoire national. Les magistrats ont également la possibilité de procéder à des infiltrations et à l'interception de correspondances, a-t-il ajouté, en signalant que les écoutes téléphoniques sont soumises à l'autorisation préalable de la tutelle pour une courte durée. D'autres prérogatives spécifiques aux JIRS ont été mentionnées par le conférencier, à savoir le gel, la saisie et la confiscation des avoirs, mesures auxquelles peut avoir recours le juge d'instruction en guise de garanties conservatoires. S'agissant des affaires traitées, la majorité ont trait au trafic de stupéfiants, avec un taux de 71 % sur les 268 procédures enregistrées par la JIRS de Bordeaux depuis sa création en octobre 2004, a-t-il indiqué à titre illustratif. Cette rencontre a été également animée par le premier président de la Cour d'appel de Bordeaux, Bertrand Louvel, qui a axé sa communication sur les réformes pour la réorganisation judiciaire engagées depuis quelques années dans son pays. Les deux magistrats français se sont déclarés impressionnés par la modernisation "exemplaire" des services de la Cour de justice d'Oran. Ils ont observé que "les cheminements des réformes en France et en Algérie se rejoignent avec le même objectif d'une justice plus indépendante, plus efficace et plus rapide" et que "cette convergence doit nous motiver à regrouper nos moyens et nos compétences pour lutter efficacement contre le crime organisé". Les deux Cours de justice d'Oran et de Bordeaux sont jumelées depuis le 11 décembre 2005, rappelle-t-on. R.T