"Inland" le dernier né de l'Algérien Tariq Teguia est depuis hier sur les écrans français. L'œuvre signée cette année est fondamentalement algérienne et de plus actuelle si l'on se fie au thème encore brûlant des harraga. Tant le film est encore neuf, il ne sera pas sûr qu'il sera à l'affiche en Algérie, sûr si un quelconque distributeur s'y risque ou alors une rencontre officielle d'un jour s'élabore. Cette impossibilité de voir des films neufs signés par des Algériens chez nous, dénote de façon flagrante du déclin de notre machine du 7ème Art. Sélectionné en compétition à la 65è Mostra de Venise, "Inland " qui est paraphé après, " Rome plutôt que vous " (Roma wala n'touma !) y a remporté le prix Fipresci de la critique internationale. De même que "Rome plutôt que vous " qui s'est vu descerner en 2007 le Grand prix du Long-métrage de Fiction et du double prix d'Interprétation du Festival du Film de Belfort. Les deux productions parlent des harraga et de l'impossibilité de vivre dans une contrée où tout est verrouillé. L'histoire de "Inland " met en scéne Malek, un jeune de 40 ans qui a accepté un emploi de topographe. " Dans le hameau où il débarque, quelque part dans l'ouest algérien, les villageois qui ont fui le terrorisme reviennent chez eux mais restent à cran. Un jour, dans la cabine saharienne qui lui fait office de logement, Malek découvre une " harraga " africaine qui se cache. Après une visite de la police, il prend la fuite avec elle vers la frontière marocaine avec le projet d'atteindre l'enclave espagnole de Melilla. Mais en route, épuisée et de moins en moins sûre de vouloir atteindre l'Europe, la jeune femme change d'avis et souhaite retourner chez elle. Tous deux mettent alors le cap plein sud, dans une équipée sans fin dans l'immensité du Sahara. " Le journal français dans son édition du mardi livre une impression pompeuse sur ce film : " Tariq Teguia est la meilleure nouvelle cinématographique que nous envoie l'Algérie depuis des lustres. Après un premier long- métrage riche de grosses promesses (Rome plutôt que vous, 2008), odyssée godardienne d'un jeune couple algérien en partance pour nulle part, Inland, sélectionné en compétition à la dernière Mostra de Venise, sonne l'heure de l'entrée de ce cinéaste de 40 ans, venu de la philosophie et des arts plastiques, dans la cour des grands inventeurs de formes. " écrit le journal commentant ainsi le film en avouant que "ce road-movie de plus en plus halluciné montre deux laissés-pour-compte qui réinventent au passage l'amour et le monde au cours d'une halte électrisante dans les montagnes rouges, tout près d'une frontière dont on ne voit nul tracé. C'est que le monde, désormais, est tout entier à eux, parce qu'ils ont pris le risque de s'y perdre, de s'y fondre, de s'y trouver au rythme des musiques traditionnelles ou modernes, également ensorcelantes, qui accompagnent leur marche vers l'inconnu. " La vie semble donc se chercher au milieu des contradictions d'une Algérie nouvelle qui ne fasse pas table rase du passé, une entité hermaphrodite à même d'associer masculin et féminin, autonomie et relation. Le contexte reste rude : la police est aussi kafkaïenne que dans Rome plutôt que vous, le précédent long- métrage de Tariq Teguia qui dressait déjà autour d'Alger la carte d'un pays dévasté où l'on tente de gérer la tension entre l'ancrage et l'envie de se tirer. Dans un contexte défavorable pour l'accession au bonheur, c'est ce désert que Zina et Kamel - deux jeunes algérois tantôt hallucinés et joyeux, tantôt abattus et sereins - voudront sillonner une dernière fois avant de le quitter pour ailleurs. Toute une symbolique ! D'une durée de 140 minutes, ce film produit par l'Algérie et la France sera le 27 mars à l'affiche du Festival Internacional de Cine à Guadalajara (México), et le 30 avril au 10th Jeonju International Film Festival (Korea). Rachida Couri