L'administration Obama a brusquement durci le ton lundi face aux dirigeants du secteur automobile américain, en contraignant le P-DG de General Motors au départ et en donnant un mois à Chrysler pour conclure une alliance avec Fiat, tout en brandissant la menace d'un dépôt de bilan pour les deux constructeurs. Ces décisions, annoncées par le groupe de travail sur l'automobile de la Maison blanche présidé par l'ancien banquier d'affaires Steve Rattner, ont fait l'effet d'un coup de tonnerre. Alors que GM avait demandé des prêts supplémentaires d'un montant de 16 milliards de dollars, le gouvernement ne s'engage qu'à financer ses activités pour les 60 prochains jours, à charge pour le constructeur d'élaborer, sous la houlette d'une nouvelle direction, un plan de restructuration encore plus drastique. Le P-DG de GM, Rick Wagoner, qui dirigeait le groupe depuis 2000, a officiellement démissionné lundi à la demande de Rattner. Fritz Henderson, numéro deux de General Motors le remplacera. Une grande partie du conseil d'administration de GM va par ailleurs être remplacée. "Le conseil a reconnu depuis un certain temps que la restructuration de la compagnie va vraisemblablement entraîner un changement significatif dans l'actionnariat et la nécessité de nouveaux directeurs avec des compétences et une expérience supplémentaire". Le conseil d'administration avait réaffirmé son soutien au P-DG de General Motors Rick Wagoner à maintes reprises, alors même que le constructeur centenaire accumulait des milliards de dollars de pertes et implorait des prêts du gouvernement pour éviter la faillite. C'est la deuxième fois seulement que le gouvernement exige le départ d'un dirigeant dans le cadre d'un plan d'aide depuis le début de la crise à l'automne dernier. Robert Willumstad a été contraint en septembre d'abandonner la direction générale d'AIG lorsque l'assureur a été sauvé de la faillite par une aide publique de 85 milliards de dollars. La plupart des analystes s'attendaient à ce que le groupe de travail sur l'automobile adopte une attitude plus conciliante vis à vis des constructeurs, le gouvernement s'étant engagé à protéger les emplois des 160.000 salariés des deux groupes. Aux Etats-Unis, le départ-sanction de Wagoner ne fait pas l'unanimité. Le républicain Thaddeus McCotter, élu de Detroit à la Chambre des représentants, a critiqué la politique du "deux poids, deux mesures" de l'administration Obama en soulignant que le P-DG de GM a été poussé vers la sortie alors que des dirigeants de grandes banques ont pu conserver leur poste. Aussi, le groupe de travail sur l'automobile a donné 30 jours à Chrysler, contrôlé par le fonds d'investissement Cerberus Capital Management , pour mener à bien son projet d'alliance avec l'italien Fiat sous peine de voir l'ensemble des aides publiques suspendues, ce qui pourrait entraîner sa mise en liquidation. Si Chrysler conclut une alliance avec Fiat et parvient à des accords pour réduire ses coûts avec ses créanciers et les syndicats, le Trésor est prêt à lui accorder six milliards supplémentaires. Des responsables américains ont fait état de progrès dans les négociations avec le constructeur italien, qui serait prêt à prendre une participation inférieure aux 35% dont les deux groupes étaient convenus dans un premier temps. General Motors et Chrysler ont déjà reçu des prêts gouvernementaux d'un total de 17,4 milliards de dollars (13,1 milliards d'euros). GM souhaite obtenir 16,6 milliards de dollars (12,5 milliards d'euros) de plus et Chrysler 5 milliards de dollars (3,8 milliards d'euros) supplémentaires. Cependant, le gouvernement exige au préalable des "sacrifices de toutes les parties impliquées: direction, syndicats, actionnaires, créanciers, fournisseurs, concessionnaires", avait averti dimanche Barack Obama dans un entretien télévisé sur CBS. L'administration Obama n'a pas exclu l'hypothèse d'un dépôt de bilan pour l'un ou l'autre des constructeurs, a prévenu un responsable. Une telle procédure permettrait de se débarrasser rapidement de la dette des deux groupes, a-t-il ajouté. Le président américain avait dénoncé la semaine dernière les erreurs de gestion commises "pendant des années" dans le secteur, une critique directement adressée à Wagoner selon les observateurs car ses homologues de Ford, Alan Mulally, et de Chrysler, Bob Nardelli, sont des nouveaux venus dans cette industrie.