Un premier face-à-face avec Barack Obama aux allures de test grandeur nature pour leur cohésion : les Européens se targuent d'aborder le sommet du G20 en rangs serrés, pour espérer peser face au nouveau président américain. "Il existe au sein de l'Union européenne (UE) un degré très élevé de convergence, sur les questions de régulation comme sur les politiques macroéconomiques", explique au Monde Joaquin Almunia, à deux jours du sommet. Pour le commissaire en charge des affaires économiques et monétaires, il ne faut surtout "pas opposer" relance et régulation. La priorité des priorités sera, à Bruxelles comme à Paris, Londres et Berlin, d'éviter que la rencontre tant attendue ne se transforme en terrain d'affrontements ouverts avec les Etats-Unis, alors que les pays européens du G20 retrouveront coup sur coup le président américain à deux reprises cette semaine : lors du sommet de l'OTAN, à Strasbourg-Kehl, les 3 et 4 avril, puis à vingt-sept à Prague, le 5 avril. "Nous ne voulons pas avoir de conflit avec le président Obama", dit un des "sherpas" associés aux travaux préparatoires : "Cela n'aurait pas de sens, le monde n'a pas besoin de cela." Les bonnes intentions et l'unité affichées par les Européens du G20 risquent cependant d'être soumises à rude épreuve, pour des raisons de fond, comme de forme. Le risque de cacophonie européenne est réel, tant le Vieux Continent est surreprésenté au G20 : pas moins de six pays de l'UE participent à ce forum informel - l'Allemagne, la France, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne et les Pays-Bas -, auxquels s'ajoutent la Commission et la présidence européennes. Or, à quelques jours du sommet, les Vingt-Sept sont fragilisés par les déboires de la présidence en exercice de l'Union : le gouvernement tchèque de Mirek Topolanek vient d'être renversé par une motion de censure, à Prague, et son entregent sur les questions financières est faible. Peu audible face aux grands pays européens, la République tchèque est secondée par une Commission européenne elle-même en fin de mandat. Résultat : les Européens peinent à imposer leur agenda aux Américains. "L'Obamania joue contre les intérêts offensifs des Européens ; c'est vrai au G20, comme en Afghanistan ou sur le climat", se plaint un diplomate de haut rang, tandis que l'on s'agace à Bruxelles "du récent enthousiasme des Américains à prendre le leadership du sommet de Londres". A Washington, en novembre 2008, Nicolas Sarkozy avait mis l'accent sur la régulation, face à un Georges Bush sur le point de passer la main. Cette fois, c'est la nouvelle administration Obama qui a donné le ton, en insistant sur les efforts de relance, alors que les dirigeants européens prétendent avoir fait le nécessaire à ce stade. Berlin, Londres ou Paris entendent faire bloc à ce sujet, mais des différences d'approche sont perceptibles : Angela Merkel refuse tout investissement supplémentaire, tandis que les Britanniques, voire les Français, veulent agir de nouveau si les circonstances l'exigeaient d'ici à l'automne. Les Européens ont aussi le plus grand mal à convaincre les Etats-Unis de l'opportunité de soutenir les échanges commerciaux - qui s'écroulent sous l'effet de la crise - par le biais d'une relance du cycle de Doha au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le nouveau président et la majorité démocrate au Congrès avancent à pas de loup dans ce domaine. A l'instar de la France, et de l'Allemagne, les Européens du G20 se veulent, enfin, exemplaires en matière de réforme de la finance mondiale. Mais là aussi, leur volontarisme contraste avec la difficulté qu'ils ont à tenir chez eux leur agenda régulateur. "Nous avons vécu une longue période où l'excès de confiance dans l'autorégulation a produit de multiples déséquilibres", observe M. Almunia, en estimant que les esprits ont beaucoup évolué dans ce domaine, aux Etats-Unis comme en Europe. Après avoir traîné les pieds, le Royaume-Uni est désormais plus enclin à suivre l'Allemagne et la France. "Sur les paradis fiscaux, rien en Europe n'aurait été possible sans la pression contre la Suisse venue de... Washington", juge cependant un expert. Longtemps adepte du "moins légiférer", la Commission européenne a pris tardivement le taureau par les cornes. Elle entend faire des propositions en avril sur l'encadrement des fonds spéculatifs, de capital investissement, et la rémunération des patrons. M. Barroso a repris à son compte les suggestions récentes d'un groupe d'experts présidé par le Français Jacques de Larosière. Il s'agit en particulier de créer des autorités européennes en charge de la banque, de l'assurance et des Bourses. Des sujets qui ont suscité, et promettent encore de longues tractations entre les Vingt-Sept, bien au-delà du rendez-vous de Londres.