Qu'est-ce qui pourrait justifier un maintien des cours du pétrole au-delà des 70 dollars le baril ? Cette question semble préoccuper consommateurs et producteurs. Du côté de l'Opep, si on se complait à estimer qu'un prix de 50 dollars le baril est raisonnable au vu de la crise économique mondiale, certains membres du Cartel, à l'image de l'Iran et du Venezuela, n'hésitent pas à indiquer que le prix recommandable pour le baril devrait varier entre 70 et 85 dollars. La raison invoquée est qu'un seuil de revenus est nécessaire afin de maintenir un investissement soutenu dans le secteur pétrolier. Un argument que l'on peut considérer pour le moins solide lorsque l'on sait que les pays de l'Opep on gelé pas moins de 35 projets d'exploration à cause de la baisse des cours du pétrole. Aussi, le déclin de réserve de pétrole léger et facile à extraire, pousse les producteurs à consentir des investissements plus importants pour l'extraction de pétroles plus profonds et plus lourds. La baisse des cours du brut pourrait menacer les projets dans ce sens. C'en est déjà le cas des sables bitumineux de l'Alberta (ouest canadien). Selon une enquête publiée fin février par l'agence officielle Statistique Canada, l'industrie albertaine prévoit une baisse de 31 % de ses investissements cette année (à 13,2 milliards de dollars canadiens, soit 8,19 milliards d'euros). Pour Philip Cross, directeur des analyses économiques de Statistique Canada, l'avertissement est sérieux, même si "la demande de pétrole est restée très stable". Mais les pays consommateurs ne l'entendent pas de cette oreille. La preuve en est le rapport publié mardi par le cabinet londonien CGES lequel considère que les prix du pétrole sont bien plus liés aux besoins budgétaires des pays producteurs qu'aux investissements pour assurer l'approvisionnement futur en or noir. Celui-ci indique que "le monde aura, certes, besoin de capacités d'une production plus importantes, afin d'éviter une nouvelle flambée des prix", reconnaît le CGES, "mais la question n'est pas de savoir si les investissements seront rentables" affirme-t-il, chiffrant le prix du développement des infrastructures, pour le Proche-Orient, à environ 10 dollars le baril. "La question serait plutôt celle de la dépendance des pays producteurs alors que certains n'ont pas ou presque plus d'argent à investir une fois qu'ils ont bouclé les comptes nationaux, quand le baril se vend autour de 50 dollars comme actuellement", note l'étude. Les auteurs rapportent encore, citant l'Apicorp (Arab Petroleum Investments Corporation) : "Un juste prix pour le pétrole serait à la confluence des options d'investissements des sociétés pétrolières et des besoins budgétaires des pays producteurs", "ce qui n'a rien à voir, ou très peu, avec le coût actuel d'extraction de brut classique dans des pays à fortes réserves". "Les rapports foisonnent sur les reports d'investissements, les annulations de projets et les baisses drastiques de budgets, mais ils ne dessinent qu'une partie du tableau", souligne le CGES. Il faut bien dire que ce rapport est à prendre avec des pincettes. Car, en premier lieu, il remet en cause la menace pour le moins réelle qui pèse sur les investissements pétroliers, et en second lieu, il retire tout droit aux pays producteurs le droit d'aspirer à un développement réel susceptible de garantir leur transition énergétique et de se préparer à l'après-pétrole. Car tous s'accordent à considérer que la crise énergétique actuelle relève de la difficulté à passer par cette transition énergétique. Il est donc tout à fait naturel de considérer que le CGES pose la problématique dans une optique où les pays producteurs pétrole ne devraient être perçus que comme un immense réservoir énergétique et sans plus. Une vision qui n'encouragerait certainement pas un dialogue producteurs-consommateurs à même de garantir l'approvisionnement et la demande en contrepartie. Samira G