A chaque record historique des cours du brut, outre les explications de circonstances avancées, la questions des fondamentaux (offre/demande) est soulevée comme étant la principale cause de l'envolée des prix du pétrole, entraînant ainsi une polémique entre consommateurs et producteurs qui de fait se renvoient la balle. La récente flambée des cours qui s'approchent des 100 dollars le baril, repose encore la même problématique. L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui défend les intérêts énergétiques des pays consommateurs, accuse, pour la énième fois, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) d'attiser les tensions du marché en ne produisant pas assez de brut pour faire face à la demande hivernale. Plus agressive, elle rend le cartel indirectement responsable de la flambée des cours et lui demande de pomper 1,8 million de barils par jour en plus. La ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, affirmait lors du G7 Finance, il y a quelques jours, que les sept pays les plus industrialisés de la planète souhaitaient aussi que l'Opep augmente sa production pour "faire face à une demande pétrolière dont on n'a pas de raison de penser qu'elle aille en diminuant". Le cabinet londonien Centrer for Global Energy Studies (CGES) se met lui aussi de la partie en estimant que "pour faire replier les prix, il faut que les membres de l'Opep mettent plus de pétrole sur le marché pour permettre aux stocks commerciaux de se reconstituer". De leur côté, les principaux pays producteurs de l'Opep, qui s'inquiètent du niveau des prix, ne partagent pas, pour autant, cette vision des choses. Ils assurent que le marché est bien approvisionné et que les stocks de brut des pays industrialisés sont supérieurs à leur moyenne des cinq dernières années. Du point de vue du cartel pétrolier, la responsabilité de l'envolée du prix du baril incombe aux spéculateurs, aux capacités insuffisantes de raffinage, aux problèmes géopolitiques au Proche-Orient et aux fluctuations du dollar. L'Opep avait, pour rappel, décidé en septembre de pomper à partir du 1er novembre 500.000 barils de plus par jour pour faire baisser les cours. Cette augmentation n'a pas eu d'effet sur le marché, puisque les cours ont continué à monter. Dans ce contexte, le cartel ne semble pas disposé à mettre davantage de barils sur le marché que les 500.000 barils par jour fournis depuis le 1er novembre. Offre insuffisante ou spéculation effrénée ? C'est en résumé la question principale qui se pose actuellement sur le marché. Un certain nombre d'experts tentent toutefois d'y répondre. Selon Thierry Lefrançois, économiste des matières premières chez Natixis, "si l'Opep augmentait sa production, les prix ne baisseraient pas forcément", ajoutant que "nous avons un marché qui est dans la surenchère, qui parie sur le moment où on va franchir les 100 dollars, mais il n'y a pas de changements fondamentaux par rapport à il y a quelques mois, quand on était à 70 dollars le baril". Pour illustrer le poids des spéculateurs, Thierry Lefrançois évoque la chute de près de 10 dollars du brut au mois d'août au début de la crise financière. "les fonds d'investissement se sont retirés" à ce moment-là, craignant une récession, avant de revenir massivement sur le marché. Un avis partagé par Pierre Terzian, de la revue Pétrostratégies, pour qui "le marché est totalement dominé par les financiers". Le risque de pénurie ne peut justifier les prix actuels, selon lui, car la capacité de production non utilisée de l'Opep était en 2005 de seulement 0,5 million de barils par jour (mbj), et qu'elle est aujourd'hui de 3,5 (mbj), "soit sept fois plus alors que les prix ont doublé". "L'offre, la géopolitique et la spéculation jouent tous dans le sens d'une hausse", résume David Kirsch, du cabinet PFC Energy, même si pour lui l'approvisionnement du marché "ne justifie pas un baril à 100 dollars".