La mise en place d'un système de solidarité internationale est indispensable pour faire face à la crise. C'est du moins ce que préconise un récent rapport de la Banque mondiale. Dans ce sens, Martin Ravallion, directeur du Groupe de recherche de la BM sur le développement, et spécialiste des questions concernant la pauvreté dans le monde, souligne que, pour de nombreuses raisons, un dispositif qui soutient les pauvres a plus de chances d'être efficace qu'un dispositif qui ne les prend pas en compte. " Un dispositif de relance doit bien évidemment soutenir les pauvres pour des raisons éthiques, mais aussi pour des raisons macroéconomiques " s'explique-t-il. Les pauvres, qui sont généralement plus lésés par le manque de crédit, sont beaucoup plus susceptibles de consommer rapidement ou d'investir l'argent excédentaire qui est mis à leur disposition par le biais de certaines mesures de relance." Il y a une opportunité à saisir durant cette crise : créer des éléments de stabilisation visant à aider les populations pauvres des pays en développement, similaires aux filets sociaux de sécurité dont disposent automatiquement les pays riches ", note M. Ravallion. Les pays riches peuvent aussi puiser des idées auprès des pays en développement (qui sont davantage confrontés à des catastrophes d'origines diverses, qu'il s'agisse de famine, d'inondations et de crises financières) pour protéger les populations pauvres le plus efficacement possible. Selon, la Banque mondiale, les gouvernements des pays en développement ont expérimenté de nombreux programmes de protection sociale, destinés notamment à protéger les pauvres en cas de crise financière. Dans le contexte actuel, la manière dont ils ont organisé leurs budgets est riche d'enseignements pour les pays riches comme pour les pays pauvres. "Les périodes de difficultés macroéconomiques ont vu naître des programmes de protection sociale qui comptent parmi les meilleurs à l' échelle mondiale, mais aussi parmi les pires", explique M. Ravallion. "Il est difficile, mais primordial, de trouver un équilibre entre l'aide immédiate et la réduction de la pauvreté à long terme. " Dans les pays riches comme dans les pays pauvres, les réformes entreprises en matière de protection sociale intègrent de plus en plus la notion de " co-responsabilité ". Il s'agit d'aider les individus à sortir de la pauvreté aujourd'hui tout en faisant le nécessaire pour que, sur le long terme, ils dépendent le moins possible des systèmes de protection sociale. " Nous savons bien mieux qu'il y a vingt ans ce qui marche et ce qui ne marche pas”, ajoute M. Ravallion. Le filet social de sécurité idéal ne protège pas seulement les pauvres en période de crise, il participe également pleinement au processus de développement. " Cette approche, qui doit être prise en compte également dans la conception de mesures d'aide aux populations pauvres, est caractéristique de deux types de programmes complémentaires : les transferts en espèces ciblés et les programmes de garantie de l'emploi. Lorsqu'ils sont bien conçus, ces programmes peuvent largement contribuer à stabiliser une économie, tout en venant en aide aux plus démunis. " Il est très important de donner de l'argent directement aux personnes pauvres, mais aussi de le faire de manière efficace et transparente", souligne Ariel Fiszbein, économiste en chef du Réseau de développement humain à la Banque mondiale. " Il faut aussi absolument s'assurer que les personnes continuent d'avoir accès aux services de base, même dans un contexte de crise." Les transferts conditionnels en espèces (qui ont récemment fait l'objet d'un rapport sur les politiques de développement de la Banque mondiale) sont des programmes consistant à donner directement de l'argent aux personnes pauvres, qui à leur tour s'engagent par exemple à inscrire leur fille à l'école ou à amener régulièrement leur bébé à la clinique. Nourriture contre éducation au Bangladesh, Progresa/Oportunidades au Mexique et Bolsa Escola au Brésil ont été parmi les premiers programmes de ce type, qui se sont rapidement multipliés de par le monde. Si l'objectif des transferts conditionnels en espèces est de contribuer à réduire la pauvreté à long terme, ils peuvent aussi servir à renforcer le soutien accordé aux personnes pauvres en période de crise. Lors de la crise alimentaire de 2008, par exemple, le Mexique a mis en place une mesure efficace de protection sociale consistant à verser, en une fois, une aide complémentaire aux participants de l'initiative Oportunidades. Il y a également le programme Jaring Pengamanan Sosial, introduit en Indonésie durant la crise financière de 1998, qui a permis une réduction du taux d'abandon scolaire parmi ses bénéficiaires. La mise en œuvre de ces programmes pose de nombreux défis, liés notamment à l'application des critères d'éligibilité, au manque de moyens, à la monopolisation des ressources par les élites au niveau local et à la prise en compte insuffisante de l'évolution des besoins. Synthèse Isma B.