Dans les trois pays maghrébins qu'elle a déjà visités, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice a abordé deux sujets majeurs : la sécurité et les droits de l'Homme. Deux questions fondamentales qui ne peuvent se concrétiser sans un réel développement économique et un progrès social qui libéreraient les sociétés maghrébines de leurs pesanteurs et de leur inertie. Cette attitude, qui consiste à faire de la sécurité et des droits de l'Homme une priorité à toute coopération économique productrice de richesse, est le propre de l'Occident qui vise à imposer son modèle à des sociétés qui ont, au-delà des cheminements historiques complètement différents des siens, nourri une haine contre l'ancien colonisateur. L'Occident semble oublier qu'il a un lourd passif de colonialisme avec les pays du Sud dont les dynamiques historiques ont été brisées net par les invasions, les pillages, les occupations et les dominations politiques, économiques, culturelles et sociales. Au lendemain des indépendances, une sorte de résistance et de rejet viscéral du modèle économique et politico-social occidental s'est fortement développée chez les sociétés maghrébines. Si les changements induits par la fin de la confrontation Est-Ouest ont uniformisé les modèles économiques imposant de fait le capitalisme comme unique alternatives pour les pays ayant longtemps pratiqué l'économie dirigiste et étatique, au plan politique, culturel et social, les sociétés maghrébines n'ont pas fondamentalement changé en raison justement de l'absence de dynamiques propres que propulseraient des révolutions sociales telles que celles ayant bouleversé l'Europe du 17ème et du 18ème siècles. Les seules révolutions ayant bouleversé les sociétés maghrébines ont été menées contre l'occupation coloniale occidentale et non contre un ordre monarchique ou féodal interne. Donc, les structures sociales maghrébines sont restées archaïques et conservatrices même si en apparence des manifestations de modernité sont visibles. C'est ce qui explique d'ailleurs la perméabilité de ces sociétés aux idées intégristes notamment dans les moments de crises économiques et politiques. Paradoxalement, ce sont les nouvelles générations, autrement dit la cybergénération qui a maîtrisé les technologies de l'information et qui subit le flux d'information des différentes chaînes de télévision, qui sont plus perméables à l'idéologie antioccidentale. Car l'Occident non seulement a diabolisé l'islam et tous les musulmans, mais après les avoir colonisés, dominés, spoliés rien n'a été fait pour les aider à plonger de plain-pied dans la modernité économique et sociale et non dans la modernité de façade qui ne résiste pas au retour du boomerang. Américains et Européens insistent sur la nécessité d'un espace maghrébin intégré économiquement avant de s'y investir en force, mais ne font rien ou plutôt font tout pour entretenir les tensions régionales et maintenir le statu quo. Cependant, l'Occident ne lésine pas sur les moyens pour implanter des bases militaires et des postes de surveillance avancés dans la région qui a plus besoin de se développer pour combattre les facteurs d'insécurité que de militarisme qui ne fait qu'exacerber les tensions, l'insécurité et l'instabilité. A. G.