Pas d'hommage, ni de commémoration pour le sixième anniversaire de la disparition le 02 mai 2003 de Mohammed Dib, l'un des écrivains algériens les plus convaincants aux côtés de Kateb Yacine et de Tahar Djaout. Ni la fondation qui porte son nom ni tout autre institution n'a organisé contrairement aux années précédentes un quelconque rendez- vous autour de son œuvre, sa vie, sa carrière pendant que d'autres écrivains sans envergure aucune sillonnent le monde et inondent les journaux. Mohammed Dib, un autre paria ? Peut être, mais son oeuvre colossale connue de tous les Algériens notamment à travers sa trilogie " La grande maison " formidablement adaptée au petite écran par Mustapha Badie, suffit pour la postérité. L'écrivain algérien d'expression française, rendit l'âme un certain vendredi 2 mai 2003 en son domicile de la Celle-Saint-Cloud, près de Paris. Un exilé volontaire donc, l'exil étant en soi le martyre, l'accablement, le déracinement. On ne choisit jamais de s'exiler quand on est épris de sa terre natale qu'on chante à longueur de pages et qui nous déchante à longueur de mois. Il avait 82 ans. L'auteur de la fabuleuse trilogie, " La Grande maison " était considéré par Aragon qu'il fréquentait, Jean Dejeux et autres …, comme l'un des écrivains algériens les plus précis et les plus modernes. Après sa mort, une fondation et un prix littéraire portant son nom et distinguant tous les deux ans un jeune auteur ont été créés. Mais même les activités de cette fondation qui d'habitude lui rend hommage lors de date anniversaire, sont au point mort. Pas étonnant quand on sait toutes les entreprises de récupération dont est victime cette dite fondation. En 2006, dans une " Lettre ouverte à la presse algérienne ", Mme Colette Dib, veuve de Mohammed Dib, avait apporté des précisions dans la revue de la fondation autour d'une polémique concernant cet organisme dont voici l'intégralité : " Mohammed Dib a toujours été libre de ses paroles et de ses écrits. Il n'en a référé ni à sa famille, ni à ses amis, ni aux institutions pour écrire ce qu'il avait à écrire en écrivain digne de ce nom. En conséquence, les récupérations d'où qu'elles viennent (neveux, nièces, ou quel que soit le lien de parenté) n'ont rien à voir avec son Œuvre et n'engagent que leurs auteurs. Je déplore le délire auquel certains journaux ouvrent leurs colonnes et je rappelle que Mohammed Dib n'a comme héritiers de ses droits d'auteur et donc de sa pensée, que ses enfants et moi, sa femme. Ayant été témoin, je peux certifier que Mohammed Dib a donné son accord pour la création d'une Fondation Mohammed Dib, et d'un prix Mohammed Dib. " avait-elle dit. Auteur d'une œuvre colossale, il y en aura qu'une qui lui collera toute sa vie à la peau : Il s'agit de la trilogie, " La Grande maison ", 1952, " L'incendie ", 1954 et " Le métier à Tisser ", 1957. Mais rares sont ceux qui connaissent l'œuvre poétique de Dib dont un recueil posthume a été publié l'an dernier aux éditions, La Différence.Le recueil est publié en deux tomes. La sortie de cet ouvrage a été réalisée grâce à Habib Tengour, poète, écrivain et anthropologue algérien, maître de conférences à l'université d'Evry (région parisienne). L'écrivain Noureddine Saadi, avait soutenu que Dib, était "un écrivain de langue, un écrivain singulier dont l'œuvre est envoûtante ", " Son écriture ressemblait à sa voix", a-t-il relevé. " La singularité de la parole inédite", serait une façon, selon lui, d'explorer une facette méconnue d'un romancier que l'on découvre sur le tard comme poète. Habib Tengour, cet amoureux de l'œuvre dibienne, auteur, notamment de " L'Arc et la cicatrice " (La Différence, 2006), a quant à lui précisé que cette première édition des œuvres poétiques complètes de Mohammed Dib, regroupe tous les ouvrages publiés du vivant de l'auteur ainsi que deux recueils inédits. " Bien que le recours à la biographie ne soit pas essentiel pour la compréhension de sa poésie, on ne peut pas l'aborder sans tenir compte de la dimension algérienne ", écrit dans la préface de l'ouvrage H. Tengour. L'anthropologue ajoute que tous les événements que l'Algérie " a vécus/subis ont douloureusement marqué Mohammed Dib ". "La poésie de Dib doit, sans doute, son épure à l'activité romanesque de l'auteur qui connaît parfaitement l'exigence de chacun des registres ", souligne-t-il encore. Le poème de Dib " en sort nettoyé, les mots n'ont rien à prouver. Ils sont tout bonnement là, à leur place, débarrassés du pittoresque faussement réaliste, soigneusement choisis, disposés dans une métrique simple parce que savante et rigoureuse ", écrit encore Habib Tengour. Il indique que " dès les premiers écrits, en 1946-47, une voix originale, clame/réclame le pouvoir d'un éros qui ne cessera de dévaster le jeune homme tout au long de sa carrière d'homme et d'entretenir la sédition telle que l'entendaient les grands maîtres soufis ". La lecture de quelques poèmes de Dib, bien répertoriés dans cet ouvrage, a permis, en effet, de mesurer l'intensité du mot et la signification du verbe. Yasmine Ben