Tizi Ouzou a commémoré ce week-end le 17ème anniversaire de la disparition tragique de l'écrivain journaliste Tahar Djaout. Le rendez- vous initié par l'association culturelle Tusna (le savoir) a duré trois jours, avec une exposition dans le hall de la maison de la culture de quelques-uns de ses ouvrages qui ont suscité chez les visiteurs nombreux un intérêt particulier. Remarque : certains ignorent jusqu'au nom de cet écrivain iconoclaste et révolutionnaire qui a ouvert en 1993 la liste macabre des assassinats en cascade des intellectuels algériens. L'occasion a été donnée au journaliste et écrivain Abdelkrim Djaâd, qui a longtemps croisé la route de Djaout, notamment au niveau de la rédaction de "Ruptures " un journal dans lequel tout les deux avaient collaboré vers la fin des années 80. " Tahar Djaout était un homme très organisé qui ne perdait pas son temps. Chaque soir, il rentrait tôt chez lui. Il donnait beaucoup d'importance à sa famille et à son travail d'écrivain" révèle Djaâd qui depuis peu s'implique dans la vie culturelle de chez nous. "Djaout a été tué, plus parce qu'il était un journaliste engagé " soutient-il en rappelant que la création du journal Ruptures, dont il fut membre fondateur en compagnie de Tahar Djaout et d'autres journalistes, était un acte d'engagement, comme peuvent en témoigner les écrits publiés dans cet hebdomadaire. Abdelkrim Djaâd a aussi révélé que Tahar Djaout était un ami très proche de Mohammed Dib. Ce dernier était pourtant un écrivain très réservé. Djaout était l'un des rares écrivains algériens à avoir eu la chance d'être son ami, a précisé l'ancien compagnon de l'auteur de " Solstice barbelé." L'auteur des "Chercheurs d'os " a été assassiné à l'âge de 43 ans, lors d'un attentat terroriste le 26 mai 1993, commis alors qu'il se trouvait au volant de sa voiture à Ain Benian, à l'ouest d'Alger. Pour la reconstitution du parcours de l'auteur, de la sentencieuse citation : "Si tu dis tu meurs, si tu ne dis pas tu meurs, alors dis et meurs", le programme a prévu également la projection d'un film intitulé "L'encre de la liberté" que lui a dédié à titre posthume le réalisateur Hocine Redjala. En plus d'un montage de joutes poétiques comme les affectionnait l'aède du "Solstice barbelé" et d'une lecture de textes extraits de ses nouvelles "Les rets de l'oiseleur", les organisateurs du colloque ont programmé également des communications-témoignages sur cet intellectuel, modèle du non-conformisme, animées par des compagnons qui ont eu à le côtoyer, dont Abdelkrim Djaad, dont la conférence était intitulée "Tahar Djaout, le journaliste et le compagnon". Par ailleurs, il faut rappeler que l'an dernier, les éditions Alpha avaient publié " Fragments d'itinéraire journalistique ", un vieil essai qui contient comme son titre l'indique la plupart des écrits journalistiques de Tahar Djaout rassemblés dans pas moins de 154 pages. Tout le monde sait que Tahar Djaout a passé l'essentiel de sa carrière dans les rédactions de l'hebdomadaire Algérie-Actualité où il était chef de rubrique culturelle ainsi qu'à El Moudjahid. Entre 1979 et 1992, le défunt écrivain apposait sa signature régulièrement dans les pages culturelles. En 1984, Djaout décolle à Paris pour les besoins de ses études supérieures en sciences de l'information et là, il collaborera à l'hebdomadaire "Actualité de l'émigration", organe de l'amicale des algériens en Europe, puis la place de "L'Algérien en Europe". Un hebdomadaire qui était alors sous la houlette du sociologue Abdelkader Djeghloul, lui même qui ouvrit les colonnes de son journal à Tahar Djaout. C'est justement l'ensemble de ces articles qui ont été réunis. Le livre a été déjà publié en 2003 et a bénéficié d'une réédition chez Alpha. S'étalant de Mai 1986 à Mars 87, les articles révèlent surtout un lecteur vorace, éclectique et une ouverture à toutes les expressions. Encore peu connu par cette génération, Tahar Djaout qui avait endossé le métier de poète, d'écrivain et de journaliste, est une figure incontournable de la littérature algérienne, en ce sens que ses écrits sont d'une esthétique et d'une justesse incommensurables. "Comment vêtir l'absence autrement que par les mots à la présenter corps ou cadavre ? ", s'interrogeait l'écrivain dans L'Invention du " désert ".