Les Français élisent dimanche leurs 72 représentants au Parlement européen au terme d'une campagne atone où les questions nationales et les rivalités naissantes pour la présidentielle de 2012 ont éclipsé l'Europe. Quatre ans après le "non" au traité constitutionnel européen, qui avait donné lieu à des débats passionnés, l'indifférence a gagné les électeurs français - plus de 40 millions -, sonnés par la crise et toujours méfiants envers une construction européenne jugée lointaine. La majorité présidentielle vise le score le plus proche possible des 31% de Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle de 2007 - moins de 25% serait "inquiétant", estime Jean-François Copé - pour effacer la déroute du précédent scrutin de juin 2004 et relancer son action à mi-mandat alors que la cote de popularité du chef de l'Etat reste au plus bas. Rompu au "vote d'humeur" qui s'exprime traditionnellement lors de ce scrutin intermédiaire - il garde un souvenir cuisant des européennes de juin 1999 où sa liste RPR-DL était arrivée en troisième position avec 12,82% -, Nicolas Sarkozy s'est impliqué dans la campagne en vantant les acquis de la présidence française de l'UE au second semestre 2008. Alors que son camp accusait l'opposition de commettre une "faute morale" en nationalisant le scrutin, le chef de l'Etat a opportunément relancé le thème porteur de la sécurité pour remobiliser son électorat. Les sondages placent indéfectiblement les listes UMP en tête, aux alentours de 27% d'intentions de vote, contre 16,64% en 2004 (17 sièges). Cet avantage arithmétique aura valeur de victoire pour le pouvoir, même si la coagulation des votes anti-Sarkozy dépassera largement ce score. Six mois après le congrès fratricide de Reims, le Parti socialiste, qui a mené une campagne erratique entre "vote sanction" et "vote utile", redoute le verdict des urnes. Le PS avait obtenu 28,89% des voix (31 sièges) en 2004. Désormais, les sondages ne le créditent au mieux que de 21,5%. Le premier secrétaire Martine Aubry, qui a tardivement mis en scène "l'union sacrée" avec sa rivale Ségolène Royal, subira là un premier test électoral aux lourdes conséquences si son parti est relégué sous la cote d'alerte des 20%. Le Mouvement Démocrate (MoDem) de François Bayrou espère recréer à son avantage la configuration de la présidentielle de 2007 (18,57%) et s'imposer comme la troisième force en vue de 2012, mais les Verts ragaillardis d'Europe Ecologie, emmenés par l'eurodéputé sortant Daniel Cohn-Bendit, lui disputent désormais la troisième place du scrutin. Un sondage TNS Sofres-Logica publié vendredi crédite les listes Europe Ecologie de 15,5% et le MoDem de 12,5%. François Bayrou, accusé à gauche comme à droite de "détourner" la campagne pour ses seules ambitions élyséennes - il ne brigue pas de siège européen -, dénonce une "manipulation". Une violente querelle l'a en outre opposé jeudi à Daniel Cohn-Bendit, qu'il a accusé à demi-mot de complaisance pédophile. De par leur mode de scrutin (proportionnelle à un tour), les élections européennes favorisent l'émergence des listes protestataires et de formations en mal de représentativité. Ainsi le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot compte-t-il tirer profit de son baptême du feu électoral, de même que le Front de gauche de l'ex-socialiste Jean-Luc Mélenchon et de la communiste Marie-George Buffet qui pourrait lui damer le pion. Le Front national voudrait se refaire une santé après les échecs successifs des législatives de 2007 et des municipales de 2008. C'est encore Marine Le Pen, eurodéputé sortante, qui porte les espoirs du parti. Elle ambitionne de réaliser un score "à deux chiffres" dans le Nord alors que le mouvement d'extrême droite n'est crédité que d'environ 5% au plan national. Le souverainiste Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF), s'est allié à Frédéric Nihous (Chasse, Pêche, Nature, Tradition) afin de conserver une visibilité au Parlement européen sous l'étiquette "Libertas". Au total, 160 listes sont en lice, avec des curiosités comme "Pouvoir d'achat" dans le Sud-Ouest, "Programme contre la précarité et le sexisme" dans le Massif central-Centre, ou encore "Cannabis sans frontières" et "La terre sinon rien, le bonheur intérieur brut" en Ile-de-France qui détient le record du nombre de listes (27). Les 72 députés - six de moins qu'en 2004 du fait de l'élargissement - sur un total de 736 élus sont répartis en huit circonscriptions : Ile-de-France (13 élus), Massif central-Centre (5), Nord-Ouest (10), Ouest (9), Sud-Est (13), Sud-Ouest (10), Outre-mer (3). Les bureaux de vote seront ouverts de 08h00 à 18h00 - 20h00 dans les grandes villes. Les résultats seront connus à partir de 22h00. Les listes obtenant moins de 5% ne seront pas représentées au Parlement européen où la droite est majoritaire depuis 1999.