Les partisans du oui au traité constitutionnel européen ont voulu y croire jusqu'à la dernière minute en dépit des sondages qui confirmaient tous la victoire du non. Les états-majors des partis de gauche comme de droite en passant par les verts qui se sont investis dans la campagne pour arrimer un peu plus la France à l'Europe avaient peine à dissimuler leur échec devant la lame de fond populaire qui a ébranlé toutes leurs certitudes. Le fait que ce référendum se tienne à quelques encablures d'une échéance électorale majeure en France, l'élection présidentielle prévue en 2007 va sans doute donner aux joutes politiques et post-électorales françaises une tournure de précampagne avant l'heure. Les échanges de bons procédés ont commencé dès l'annonce des résultats officiels où les partisans du oui et du non se sont affrontés sans ménagement entre courants politiques opposés d'une part et entre personnalités politiques d'une même formation d'autre part. Très attendue au cours de cette soirée électorale l'intervention du président de la république, Jacques Chirac, aura laissé sur sa faim la classe politique française, particulièrement les socialistes qui attendaient une démission séance tenante de Chirac à l'annonce des résultats. Le président français a tenté dans une pirouette dont il est passé maître pour avoir survécu à toutes les tempêtes électorales qui ont soufflé sur le pays durant son mandat de tirer son épingle du jeu. Il a pris acte du vote des français tout en se préservant lui et sa famille politique pour l'avenir appelant à la mobilisation nationale derrière les institutions de la république pour défendre les intérêts de la France avec cette nouvelle ère d'instabilité qui s'ouvre, selon lui, devant le pays suite aux résultats du scrutin de dimanche. Si pour les analystes le sort du gouvernement Raffarin est définitivement scellé avec la sanction du vote des français - le premier ministre français a été reçu hier par Jacques Chirac pendant une demi-heure -, il reste à savoir si l'appel de Jacques Chirac a une chance d'être entendu aussi bien à gauche où l'on affûte déjà les couteaux qu'à droite où les jeunes loups du parti présidentiel, à leur tête le président de l'UMP Nicolas Sarkozy, se sont empressés de se positionner comme l'alternative dans la course à la présidentielle dont le coup de starter a été donné au soir du référendum, selon nombre d'analystes. Sans craindre de faire désordre dans les rangs de la majorité présidentielle et surtout d'affaiblir encore le président jacques Chirac qui sort groggy de ce scrutin, Sarkozy auquel on prête des ambitions présidentielles ne s'est pas privé de titiller aux entournures le président Chirac en analysant les résultats de ce scrutin comme une volonté de rupture des français. La déclaration n'a pas été appréciée dans les rangs de la majorité présidentielle même si le président de l'Ump s'est fait fort d'appeler à l'unité des rangs et des forces derrière le président de la république pour défendre la voix de la France en Europe. Quelle voix et quel poids pourraient désormais avoir en Europe la france et le président de la république qui a été désavoué par ce scrutin ? La question était sur toutes les lèvres des adversaires du président Chirac, aussi bien du camp socialiste et de la gauche d'une manière générale que de la droite traditionnelle et de l'extrême droite en passant par les verts et les souverainistes. Les partisans du non n'avaient qu'une seule revendication : le départ du président Chirac. En attendant de voir de quelle manière le séisme de ce dimanche va être amorti, la classe politique française, chaque parti avec sa propre grille de lecture n'en finit pas de commenter l'événement. Les états-majors de la gauche socialiste comme ceux de la droite, qui se sont investis dans la campagne pour le oui, se rejettent mutuellement la responsabilité de cette déroute électorale en s'accusant d'avoir joué sur les peurs et les angoisses des français. L'élargissement de l'Europe semble faire peur aux français. Tout comme l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne dont Jacques Chirac s'est fait l'ardent défenseur lors de la campagne référendaire. Les sondages d'opinion rendus publics hier après la proclamation des résultats ont identifié deux raisons fondamentales au vote des français. La première a trait à la situation sociale et économique du pays, autrement dit la crainte des français de perdre leurs acquis sociaux et de voir avec l'élargissement de l'europe le pays s'installer dans une ère de précarité avancée. Le second facteur de l'échec tient au caractère scellé et non négociable du traité que les français qui ont rejeté le traité ont perçu comme un chèque à blanc donné aux européens libéraux. Il est significatif en effet que le gros des bataillons des non se recrutent dans les rangs des milieux de gauche. Le résultat du vote est vu comme un rejet de l'europe libérale. Les partis de la droite conservatrice et de l'extrême droite ont rejeté le traité, mais pour d'autres raisons. Pour eux, le traité constitutionnel européen signifie la perte de la souveraineté de la france et de la préférence française au profit de la préférence communautaire.